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11/07/2024 | FRANCE | N°22LY02707

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 11 juillet 2024, 22LY02707


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



L'association Nernier Vert a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 5 mars 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Nernier a constaté la désaffectation du domaine public communal des parcelles cadastrées section A n° 143, 153, 154, 155, 156 et 157 situées route de la Croix de Marcillé, a procédé au déclassement du domaine public communal de ces biens et a autorisé la maire à signer tout acte se rapportant à cette délib

ération, d'annuler la promesse de vente authentique du 7 mai 2018 et d'annuler les délibérations...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Nernier Vert a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 5 mars 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Nernier a constaté la désaffectation du domaine public communal des parcelles cadastrées section A n° 143, 153, 154, 155, 156 et 157 situées route de la Croix de Marcillé, a procédé au déclassement du domaine public communal de ces biens et a autorisé la maire à signer tout acte se rapportant à cette délibération, d'annuler la promesse de vente authentique du 7 mai 2018 et d'annuler les délibérations du conseil municipal de la commune de Nernier du 9 octobre 2017, du 16 novembre 2017 et du 18 janvier 2018.

Par jugement n° 2104764 du 18 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 septembre 2022, le 19 juin 2023, le 7 décembre 2023 et le 9 janvier 2024, l'association Nernier Vert, représentée par Me Favre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 5 mars 2021, la promesse de vente authentique du 7 mai 2018 ainsi que les délibérations des 9 octobre 2017, 16 novembre 2017 et 18 janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nernier, d'une part, et de la société Imaprim, d'autre part, la somme de 2500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable dès lors qu'elle est suffisamment motivée ;

- la demande était recevable dès lors que l'association était valablement constituée ;

- eu égard à son objet et au champ géographique de son action, elle présente un intérêt pour agir ;

- la délibération du 5 mars 2021 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que les conseillers municipaux avaient subi des pressions de la société Imaprim et qu'ils étaient insuffisamment informés ;

- le maire ne pouvait constater la désaffectation du bien du domaine public dès lors qu'une telle désaffectation résulte uniquement d'un arrêté qu'il a prononcé, est récente et obtenue par fraude ;

- la délibération est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a entraîné la création d'aires de stationnement pour substituer le parking existant sur les parcelles en litige dans des conditions illégales et onéreuses ;

- le prix de vente retenu, soit 750 000 euros, est inférieur à la valeur vénale du bien, estimée à 1 865 025 euros ;

- les contreparties ne sont pas suffisantes dès lors que l'opération, dans les conditions où elle a été faite, ne permet pas de dégager des ressources financières permettant de réaliser des projets distincts du parking de substitution ;

- la délibération du 5 mars 2021 est illégale par voie de conséquence de la promesse de vente du 7 mai 2018 ;

- ses conclusions dirigées contre cette promesse de vente ne sont pas portées devant une juridiction incompétente dès lors que cette promesse comporte une clause exorbitante du droit commun ;

- elles sont recevables en application de la théorie des opérations complexes ;

- cette promesse est illégale dès lors qu'elle a été conclue avant la désaffectation du domaine public du bien, que l'avis du service des Domaines n'a pas été recueilli, que le prix convenu pour le parking et l'ancienne école est insuffisant par rapport à la valeur vénale des biens, et que cette minoration du prix n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général et ne comporte pas des contreparties suffisantes ;

- l'opération vise uniquement à favoriser les intérêts de la société bénéficiaire de la vente ;

- ses conclusions dirigées contre les délibérations du conseil municipal de Nernier des 9 octobre 2017, 16 novembre 2017 et 18 janvier 2018 sont recevables dès lors qu'elles ne sont pas nouvelles en appel ;

- la demande était recevable dès lors qu'il existe entre la délibération du 5 mars 2021 et ces délibérations des liens directs et nécessaires si bien qu'il s'agit d'une opération complexe ;

- la délibération du 9 octobre 2017 est illégale dès lors qu'elle ne mentionne ni que les biens concernés font partie du domaine public ni les conditions de la vente et le prix des biens ;

- la cession ne satisfait pas à l'objectif assigné d'apporter des ressources financières à la commune et méconnaît l'intérêt général, compte tenu de la faiblesse du prix retenu et du caractère onéreux de la solution de substitution du parking qui l'occupait.

Par mémoire enregistré le 31 octobre 2022, la société Imaprim, représentée par Me Petit, intervient volontairement au soutien de la commune de Nernier et demande à la cour de mettre à la charge de l'association Nernier Vert une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable au regard du préjudice que la requête lui fait subir et dès lors qu'elle est bénéficiaire de la promesse de vente dont l'association demande l'annulation ;

- la demande était irrecevable dès lors que l'association n'a ni intérêt, compte tenu de son objet statutaire, ni qualité, alors qu'elle a été constituée postérieurement à la délibération en litige, pour agir ;

- la délibération du 5 mars 2021 n'est entachée d'aucune illégalité dès lors qu'en dépit du rejet du déclassement la délibération du 11 décembre 2020, le bien a été de fait désaffecté du domaine public depuis le mois de novembre 2020 ; l'arrêté du maire portant fermeture de ce parking n'est entaché d'aucune illégalité ;

- elle n'est à l'origine d'aucune intimidation des conseillers municipaux de nature à vicier la délibération mais s'est bornée à rappeler à la commune ses obligations contractuelles résultant de la promesse de vente du 7 mai 2018 ;

- la négligence fautive de la commune et la tardiveté dans la réalisation des engagements contractuels lui causent un préjudice financier ;

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour examiner les conclusions de l'association dirigées contre la promesse de vente, laquelle constitue un contrat de droit privé, sans que l'association requérante puisse invoquer l'existence d'une clause exorbitante de droit public ;

- les conclusions de première instance dirigées contre les autres délibérations, soulevées après l'expiration du délai contentieux, sont tardives et par suite, irrecevables.

Par mémoires enregistrés le 6 février 2023, le 30 novembre 2023 et le 22 décembre 2023, la commune de Nernier, représentée par Me Baltazard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association Nernier Vert une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée et que le représentant de l'association ne justifie pas de sa qualité pour agir ;

- la demande est irrecevable dès lors que l'association, dont l'objet est de protéger la nature à Nernier, est dépourvue d'intérêt pour contester la délibération ayant pour objet de désaffecter du domaine public des biens utilisés comme école et parking, qu'elle présente un caractère fictif et a été constituée pour les besoins de la cause ;

- la réalité des pressions exercées par la société Imaprim sur les conseillers municipaux avant la délibération n'est pas établie ; en tout état de cause, ces derniers étaient informés de la possibilité qu'avait la société d'engager la responsabilité de la commune ;

- aucune altération de la sincérité du scrutin ne peut être constatée dès lors que les conseillers municipaux ont bénéficié d'une information suffisante et ont pu valablement s'exprimer ;

- la délibération, qui a pour objet de permettre la cession des parcelles et la réalisation de l'orientation d'aménagement et de programmation OAP2 Bornée pour l'aménagement d'habitat répond à un objectif d'intérêt général et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- la vente du terrain qui a été votée antérieurement à la délibération n'a pas de rapport normatif avec la délibération procédant au déclassement du domaine public ;

- la promesse de vente étant un contrat de droit privé, il ne peut être excipé de son illégalité à l'appui des conclusions dirigées contre la délibération du 5 mars 2021 ; au surplus, ce contrat n'est pas la base légale de la délibération ;

- le juge administratif est incompétent pour apprécier la validité de la promesse de vente ;

- l'association ne peut exciper de l'illégalité des autres délibérations, lesquelles ne fondent pas le constat du déclassement matériel du bien ;

- il n'existe aucun lien suffisant pour permettre à l'association de critiquer différents actes administratifs et d'en demander l'annulation ;

- ces délibérations étant anciennes, les conclusions tendant à leur annulation sont tardives.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Favre pour l'association Nernier Vert, et celles de Me Palavit pour la société Imaprim.

Une note en délibéré, enregistrée le 2 juillet 2024, a été présentée pour l'association Nernier Vert.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Nernier est propriétaire d'un terrain constitué des parcelles cadastrées section A n° 143, 153, 154, 155, 156 et 157 situées route de la Croix de Marcillé au lieu-dit Bornée, utilisées comme parking et classées comme constructibles dans le cadre d'une opération d'ensemble par l'orientation d'aménagement et de programmation n° 2 " Bornée " du plan local d'urbanisme. Le conseil municipal a, par une délibération du 9 octobre 2017, autorisé le maire à faire toutes diligences nécessaires en vue de céder ce terrain, a approuvé, par une délibération du 16 novembre 2017, la proposition d'acquisition foncière de ces parcelles présentée par la société Imaprim et autorisé la maire à poursuivre la réalisation de cette aliénation, puis a autorisé son maire, par une délibération du 18 janvier 2018, à mener toutes diligences pour aboutir à l'aliénation de gré à gré de la parcelle cadastrée A 314, située 13 route de la Mairie à Nernier, sur laquelle était implantée l'ancienne école du village. Par acte authentique du 7 mai 2018, le maire a consenti à la société Imaprim une promesse de vente des parcelles A n° 139, 143, 153, 154, 155, 156, 157, 314, ainsi que les parcelles 140, 396 et 522 acquises le 16 novembre 2017 auprès de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, en vue de la construction de vingt-neuf logements et huit logements sociaux ainsi que six maisons individuelles. Par la délibération du 5 mars 2021, le conseil municipal de Nernier a constaté la désaffectation des parcelles cadastrées A 143 et A 153 à 157, a prononcé leur déclassement du domaine public communal et a autorisé la maire à signer tout acte se rapportant à cette délibération. L'association Nernier Vert relève appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des délibérations du conseil municipal de la commune de Nernier du 9 octobre 2017, du 16 novembre 2017, du 18 janvier 2018 et du 5 mars 2021 et de la promesse de vente du 7 mai 2018.

Sur l'intervention de la société Imaprim :

2. La société Imaprim justifie, en sa qualité de cessionnaire des parcelles en litige, d'un intérêt suffisant au maintien des délibérations litigieuses. Dès lors, son intervention est recevable.

Sur la régularité du jugement en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la promesse de vente :

3. La vente par la commune de Nernier à la société Imaprim de parcelles appartenant à son domaine public en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier à usage d'habitation n'a pas pour objet l'exécution d'un service public. Par ailleurs, la clause de la promesse de vente du 7 mai 2018 consentie par la commune de Nernier à la société Imaprim, selon laquelle la commune s'engage, sous condition résolutoire, à porter à l'ordre du jour du conseil municipal toutes décisions et formalités nécessaires au déclassement des biens du domaine public et leur reclassement dans le domaine privé préalablement à la vente, n'implique pas que, dans l'intérêt général, cette promesse relève du régime exorbitant des contrats administratifs, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les biens en cause, précédemment voués à accueillir un parking et une école, n'étaient désormais plus affectés à l'usage du public. Il s'ensuit que l'association Nernier Vert n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant ses conclusions tendant à l'annulation de la promesse de vente du 7 janvier 2018 comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur la légalité des délibérations du conseil municipal de la commune de Nernier du 9 octobre 2017, du 16 novembre 2017, du 18 janvier 2018 et du 5 mars 2021 :

4. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des statuts de l'association Nernier Vert, que cette dernière a pour objet de protéger la nature dans la commune de Nernier. Aucune des délibérations contestées n'ayant pour objet de soustraire, d'une quelconque façon, les parcelles en cause à l'espace naturel, ces délibérations ne sont pas susceptibles de léser les intérêts, afférents à la protection de la nature, que l'association Nernier Vert s'est donné pour objet de défendre. Par suite, la commune de Nernier est fondée à soutenir que les conclusions de la demande de l'association Nernier Vert tendant à l'annulation de ces délibérations sont irrecevables et devaient être rejetées par le tribunal.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, l'association Nernier Vert n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Nernier qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'association Nernier Vert la somme que cette dernière réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La société Imaprim, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, ne peut pas davantage prétendre à l'application de ces dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Nernier.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Imaprim est admise.

Article 2 : La requête de l'association Nernier Vert est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Nernier et de la société Imaprim présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Nernier Vert, à la commune de Nernier et à la société Imaprim.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02707
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-01-02 Procédure. - Introduction de l'instance. - Intérêt pour agir. - Absence d'intérêt. - Syndicats, groupements et associations.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : MERMET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22ly02707 ?
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