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10/07/2024 | FRANCE | N°23LY03127

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 10 juillet 2024, 23LY03127


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 27 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de renvoi de cette mesure d'éloignement, lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour l'exécution de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2308198 du 3 octobre 2023, le magistrat désig

né par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 27 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné un pays de renvoi de cette mesure d'éloignement, lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2308198 du 3 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2023, M. C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions du 27 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir répondu au moyen tiré de l'erreur de droit dès lors qu'il est protégé contre une obligation de quitter le territoire français en application de la "jurisprudence Diaby" ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- il est éligible de plein droit à un titre de séjour en sa qualité de conjoint d'une ressortissante italienne, laquelle justifie exercer une activité professionnelle en France, et de ce fait, protégé contre une obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;

- la décision le privant d'un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'existence d'une menace grave pour l'ordre public ; c'est à tort que le tribunal a retenu la menace à l'ordre public sans relever ni que son comportement serait constitutif d'une menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société au sens de la jurisprudence européenne ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que la préfète a cru pouvoir se contenter de viser l'une des hypothèses visées par l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit pour le priver de tout délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale en ce qu'elle est fondée sur une mesure d'éloignement et une décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire elles-mêmes illégales ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en ce qu'elle est prise pour l'application d'une mesure d'éloignement elle-même illégale ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale en ce qu'elle est prise pour l'application d'une mesure d'éloignement elle-même illégale ;

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par un courrier du 7 juin 2024 les parties ont été informées, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'une méconnaissance du champ d'application de la loi en ce que les dispositions L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 26 janvier 1996 et de nationalité marocaine, est entré en France à une date indéterminée. Il a été interpellé et placé en garde à vue, le 27 septembre 2023, pour des faits de défaut de permis de conduire, faux et usage de faux. Par décisions du même jour, la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une décision fixant le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement, d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et d'une assignation à résidence. M. C... relève appel du jugement du 3 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 200-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent livre détermine les règles applicables à l'entrée, au séjour et à l'éloignement : / (...) 3° Des membres de famille des citoyens de l'Union européenne et des étrangers qui leur sont assimilés, tels que définis à l'article L. 200-4 (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié avec Mme A... D..., de nationalité italienne, le 10 août 2022. Dès lors que l'intéressé était, à la date de l'arrêté en litige, membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne au titre des dispositions citées au point précédent, il ne pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que cette décision méconnaît le champ d'application de la loi et doit être annulée.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander, outre l'annulation de ce jugement, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai prononcée à son encontre et, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, de celle fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement et de la décision l'assignant à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique nécessairement qu'il soit enjoint à la préfète du Rhône de statuer à nouveau sur la situation de M. C... dans un délai de deux mois et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a, en revanche, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 3 octobre 2023 et les décisions de la préfète du Rhône du 27 septembre 2023 obligeant M. C... à quitter le territoire français sans délai, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et l'assignant à résidence, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de statuer à nouveau sur la situation de M. C... dans un délai de deux mois et de le munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03127
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23ly03127 ?
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