Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 15 septembre 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a obligé à se présenter auprès des services de la direction départementale de la sécurité publique du Puy-de-Dôme les lundis et jeudis à 9h30.
Par un jugement n° 2101963 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2023, M. B..., représenté par l'Aarpi Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 mars 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 15 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte, et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré du défaut d'examen complet de sa situation ;
- le tribunal n'a pas tiré les conséquences de l'acquiescement aux faits du préfet du Puy-de-Dôme ;
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas mentionné la promesse d'embauche ni examiné la possibilité de lui délivrer une carte de séjour temporaire " salarié " ou " travailleur temporaire " ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il est entré régulièrement en France ; l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait sur ce point ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant refus de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de présentation n'est pas motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet du Puy-de-Dôme s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas produit de mémoire.
Par courrier en date du 7 juin 2024, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur les moyens, relevés d'office, tirés de l'inapplicabilité de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "salarié" à un ressortissant marocain, et de la possibilité d'y substituer, en tant que de besoin, la base légale tirée de l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation discrétionnaire.
Par une décision du 24 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, né le 26 avril 1987, relève appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 15 septembre 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a obligé à se présenter auprès des services de la direction départementale de la sécurité publique du Puy-de-Dôme les lundis et jeudis à 9h30.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " En indiquant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas procédé à un examen sérieux et circonstancié de sa situation avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a suffisamment répondu au moyen soulevé par M. B....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
4. M. B... fait valoir que les premiers juges se sont abstenus de tirer les conséquences de l'acquiescement aux faits de l'administration, laquelle n'a pas produit de mémoire avant la clôture de l'instruction, en dépit de la mise en demeure qui lui avait été adressée. Un tel moyen est toutefois inopérant pour contester la régularité du jugement attaqué. Au demeurant, l'acquiescement au fait ne dispense pas le juge, d'une part, de vérifier que les faits allégués ne sont pas contredits par les autres pièces versées au dossier et, d'autre part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'examen de l'affaire, ce qu'a fait en l'espèce le tribunal.
Sur la légalité des décisions du 15 septembre 2021 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
5. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, dans le cadre de l'instruction de cette demande, le préfet du Puy-de-Dôme a sollicité le 26 mars 2021, la production de pièces complémentaires, en particulier tout justificatif permettant d'attester de motifs exceptionnels. En réponse à cette demande, M. B... a notamment communiqué au préfet, par un courrier recommandé reçu en préfecture le 27 avril 2021, une promesse d'embauche du 29 mars 2021.
7. Le préfet du Puy-de-Dôme a opposé la circonstance que le requérant " qui déclare être en France depuis cinq ans, ne démontre aucun lien social à l'exception de son épouse. L'intéressé n'établit pas être socialement et professionnellement inséré et n'établit pas davantage maitriser la langue française. (...) eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. B... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 435-1 précité ".
8. S'il ne peut être déduit d'une telle motivation, suffisante, que le préfet du Puy-de-Dôme se serait abstenu de procéder à tout examen de la situation professionnelle de l'intéressé, ce préfet s'est fondé, à tort, sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, cette décision trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation discrétionnaire. L'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de ce pouvoir que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de l'activité professionnelle présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet, cette substitution n'ayant pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie.
9. En l'espèce, M. B... fait valoir que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il est entré régulièrement en France, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, qu'il est présent sur le territoire national depuis le mois d'août 2016, qu'il est marié depuis le 14 septembre 2018 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 9 mai 2028, et qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche signée le 29 mars 2021. Toutefois, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors que son épouse est également de nationalité marocaine et que l'intéressé a lui-même vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 29 ans, les éléments invoqués par M. B... ne suffisent pas à établir que sa situation relèverait de " considérations humanitaires " ou de " motifs exceptionnels " permettant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, au vu de la situation professionnelle de l'intéressé.
10. Compte tenu des éléments de fait rappelés au point précédent et malgré les liens que l'intéressé a pu tisser en France, la décision portant refus de séjour prise à l'encontre de M. B... ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que l'erreur de fait qui entacherait la décision en litige, en ce qu'elle mentionne que le requérant ne justifie pas de son entrée régulière sur le territoire français, à la supposer établie, n'a eu aucune incidence sur l'appréciation portée sur sa situation et sur le sens de la décision prise.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que cette même décision violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de présentation :
14. En premier lieu, si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint a le caractère d'une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision, qui tend à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti, concourt à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si cette décision doit être motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire. En l'espèce, le préfet, qui a examiné la situation de M. B... dans le cadre de l'examen de sa demande de séjour et des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du délai de départ volontaire, a par ailleurs visé les dispositions de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en rappelant en outre l'objet spécifique de l'obligation de présentation. La décision est, dès lors, régulièrement motivée.
15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet du Puy-de-Dôme se serait estimé en situation de compétence liée pour obliger M. B... à se présenter auprès des services de la direction départementale de la sécurité publique du Puy-de-Dôme les lundis et jeudis à 9h30.
16. En dernier lieu, il résulte du point 12 du présent arrêt que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de présentation devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
18. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Joël Arnould, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02221