Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association " Saône-et-Loire Environnement Nature " (SELEN) a demandé, par tierce-opposition, au tribunal administratif de Dijon de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1302530 du 27 janvier 2015 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 6 août 2013 refusant d'autoriser la société Grosne Terrassement à exploiter une carrière et une installation de traitement de matériaux sur le territoire des communes de Lugny et de Burgy (article 1er), a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait pour une durée de vingt ans, assortie des prescriptions énumérées au point 12 de ce jugement (article 2), a prescrit au préfet de Saône-et-Loire de prendre, dans un délai ne devant pas excéder trois mois, un arrêté reprenant lesdites prescriptions et fixant toute autre prescription complémentaire utile à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ainsi que l'ensemble des conditions d'exploitation (article 3) et a mis à la charge de l'Etat le versement à la société Grosne Terrassement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4).
Par un jugement n° 1600981 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande en tierce-opposition.
Procédure antérieure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 février 2020, 17 août 2021 et 14 octobre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'association SELEN, représentée par Me Untermaier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1600981 du 17 décembre 2019 ;
2°) de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1302530 de ce même tribunal du 27 janvier 2015 ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Grosne-Terrassement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2020 et 21 septembre 2021, la société Grosne Terrassement, représentée par la SCP Nicolaÿ-de Lanouvelle-Hannotin, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association SELEN en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Une note en délibéré, enregistrée le 14 avril 2022, a été présentée pour l'association SELEN.
Par un arrêt avant-dire-droit du 4 mai 2022, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer sur la tierce-opposition de l'association SELEN jusqu'à l'expiration du délai neuf mois imparti au préfet de Saône-et-Loire pour justifier d'un arrêté de régularisation de l'autorisation environnementale.
Procédure après l'arrêt avant-dire-droit de la Cour
Par des mémoires enregistrés les 20 mars 2023 et 2 mai 2024, l'association SELEN persiste dans ses précédentes écritures et prend acte des observations formulées par l'Etat.
Elle soutient que :
- l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale n'a pas été sollicité à titre de régularisation de l'autorisation environnementale initiale et qu'une dérogation au titre des espèces protégées ne peut être régulièrement octroyée à la société Grosne Terrassement ;
- l'abandon du projet d'extension sur le territoire de la commune de Burgy confirme le bien-fondé de ses demandes.
Par des mémoires, enregistrés les 17 mars, 1er août et 25 septembre 2023, la société Grosne Terrassement persiste dans ses précédentes écritures.
Elle soutient que le dépassement du délai fixé à l'article 2 de l'arrêt avant-dire droit est sans conséquence et qu'elle a adressé les compléments au dossier de modification des conditions d'exploitation de la carrière sollicités par le service instructeur.
Par des mémoires, enregistrés les 13 juillet 2023 et 3 avril 2024, le préfet de Saône-et-Loire a informé la cour de l'état d'avancement de la régularisation de l'autorisation en litige et a indiqué à la cour, dans le dernier état de ses écritures, qu'il a accordé à la société Grosne Terrassement un arrêté de prescriptions complémentaires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Untermaier pour l'association SELEN.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 1302530 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 6 août 2013 refusant d'autoriser la société Grosne Terrassement à exploiter une carrière et une installation de traitement de matériaux sur le territoire des communes de Lugny et de Burgy, a accordé à cette société l'autorisation d'exploiter qu'elle sollicitait, assortie des prescriptions énumérées au point 12 de ce jugement, à savoir la réduction du périmètre d'exploitation conformément au projet modifié, la réduction de la production moyenne à 80 000 tonnes par an pendant la durée d'exploitation fixée à vingt ans, l'abaissement du front de taille de la carrière sur le territoire de la commune de Burgy visible dans le vallon depuis la route départementale et le village, la végétalisation du gradin par des arbustes d'essence locale et des semis herbacées après exploitation, la conservation de la crête boisée à la limite des deux communes de Burgy et de Lugny et enfin le maintien du merlon paysager du front supérieur nord-est sur la commune de Lugny et de l'écran topographique boisé en limite Est sur la commune de Burgy. Ce même jugement a prescrit au préfet de Saône-et-Loire de prendre, dans un délai ne devant pas excéder trois mois, un arrêté reprenant ces prescriptions et fixant toute autre prescription complémentaire utile à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ainsi que l'ensemble des conditions d'exploitation. Un arrêté d'autorisation d'exploiter a ainsi été édicté le 22 mai 2015 par le préfet de Saône-et-Loire. L'association " Saône-et-Loire Environnement Nature " (SELEN) a demandé, par tierce-opposition, au tribunal administratif de Dijon de déclarer nul et non avenu ce jugement. Par un jugement du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande. Toutefois, saisie d'un appel dirigé contre ce dernier jugement, la cour, par un arrêt avant-dire-droit du 4 mai 2022, a retenu comme fondés, d'une part, deux moyens de légalité externes, tirés, respectivement de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation au regard de l'article R. 512-6 du code de l'environnement en l'absence de document attestant du droit d'exploiter sur les parcelles cadastrées A n° 592 et 593 situées sur le territoire de la commune de Burgy, et de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale rendu selon des modalités qui ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 et, d'autre part, un moyen de légalité interne tiré de l'erreur de droit, l'autorisation d'exploitation en litige n'incorporant pas la dérogation prévue au titre des espèces protégées par les dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Estimant ces vices régularisables, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai neuf mois imparti au préfet de Saône-et-Loire pour justifier d'un arrêté de régularisation de l'autorisation d'exploiter.
Sur la régularisation de l'autorisation d'exploiter :
2. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Les parties ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
3. Le préfet de Saône-et-Loire a, par un arrêté du 21 décembre 2023 porté à la connaissance de la cour le 3 avril 2024, délivré un arrêté de prescriptions complémentaires de modification des conditions d'exploiter.
4. D'une part, l'arrêté de prescriptions complémentaires du préfet de Saône-et-Loire du 21 décembre 2023 autorise la modification des conditions d'exploiter en conséquence de la demande présentée par la société Grosne Terrassement le 17 janvier 2023, laquelle a abandonné le projet d'extension de la carrière sur le territoire de la commune de Burgy. Il en résulte que la justification du droit d'exploiter les parcelles cadastrées section A n° 592 et 593 situées sur le territoire de cette commune n'est plus requise pour la réalisation du projet litigieux et qu'aucun vice ne peut donc plus être retenu à ce titre.
5. D'autre part, dans ses observations enregistrées au greffe le 28 février 2023, le préfet de Saône-et-Loire a indiqué à la cour que le service de l'inspection des installations classées a transmis au service " biodiversité et patrimoine " de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Bourgogne Franche-Comté, le dossier complété pour avis, et précisé qu'un arrêté préfectoral complémentaire pourrait être pris, " sauf à ce que l'examen au cas par cas, rendu nécessaire après une première analyse de l'ensemble des données du dossier de modification actuel conclue à la nécessité d'une nouvelle évaluation environnementale ". Dans son mémoire en réplique du 2 mai 2024, l'association SELEN s'est bornée à prendre acte des observations formulées par l'Etat et à maintenir ses précédentes demandes. Elle n'a saisi la cour d'aucune conclusion ni moyen dirigé contre cet arrêté de prescriptions complémentaires du préfet de Saône-et-Loire du 21 décembre 2023. La mesure de régularisation doit ainsi être regardée comme ayant eu pour effet de régulariser le vice résultant de l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale.
6. Enfin, l'arrêté de prescriptions complémentaires du préfet de Saône-et-Loire du 21 décembre 2023 vise la demande de dérogation aux espèces protégées du 6 août 2021, complétée et modifiée le 3 février 2023. Cet arrêté retient que " les mesures d'évitement et de réduction sont pertinentes et permettent de conclure à des impacts résiduels non significatifs sur les populations d'espèces protégées présentes sur l'emprise du projet " modifié, de sorte que " la mise en œuvre du projet ne nécessite pas de dérogation au titre de la protection stricte des espèces ". En l'absence de contestation par la requérante de cet arrêté complémentaire, et dès lors qu'il n'était pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ", le moyen tiré de l'absence de raison impérative d'intérêt public majeure du projet est inopérant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association SELEN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon n'a pas admis la tierce-opposition qu'elle a formée à l'encontre du jugement du 27 janvier 2015.
Sur les frais de l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel.
9. Dans les circonstances de l'espèce, au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, l'association SELEN ne peut être regardée comme partie perdante au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a ainsi lieu de mettre à la charge de la société Grosne Terrassement une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association SELEN et non compris dans les dépens et de rejeter les conclusions de la société Grosne Terrassement présentées au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association SELEN est rejetée.
Article 2 : La société Grosne Terrassement versera à l'association SELEN la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Grosne Terrassement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Saône-et-Loire Environnement Nature, à la société Grosne Terrassement et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Joël Arnould, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY00869