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04/07/2024 | FRANCE | N°24LY00859

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 juillet 2024, 24LY00859


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Echo 5 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et du mois de novembre 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.



Par un jugement n° 1704851 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée a

fférents à la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 (article 1er) et rejeté le surplus de sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Echo 5 a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et du mois de novembre 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1704851 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 (article 1er) et rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 février 2019 et 15 avril 2022, le ministre de l'action et des comptes publics a demandé à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Echo 5 les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, soit 43 054 euros en droits et 2 411 euros d'intérêts de retard.

Il soutenait que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la mise en œuvre du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 268 du code général des impôts suppose nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique à celle du bien acquis, la notion d'achat-revente de terrains à bâtir ou de bâtiments devant s'entendre comme excluant toutes les opérations de transformation ;

- ainsi, l'opération consistant, en l'espèce, en la vente comme terrains à bâtir, après division parcellaire d'un terrain initialement acquis comme terrain d'assiette d'un immeuble bâti, ne peut bénéficier de ce régime dérogatoire d'interprétation stricte, mais doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de cession ;

- les terrains initialement acquis par la SARL Echo 5 étaient bâtis, de sorte que la condition d'identité juridique avec les terrains à bâtir ultérieurement revendus n'est pas remplie.

Par des mémoires, enregistrés les 17 juin 2019, 4 février 2021 et 14 mars 2022, la SARL Echo 5, représentée par la Selas Bret Bremens, a conclu au sursis à statuer dans l'attente d'un avis de la Cour de justice de l'Union européenne, au rejet de la requête et a demandé à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie de la question de droit posée par ce litige ;

- en application de l'article 268 du code général des impôts, sont éligibles à l'option pour la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge les cessions de terrains à bâtir qui n'ont pas ouvert droit à la déduction au jour de l'acquisition ; en l'espèce, les terrains vendus, qui étaient constructibles lors de leur acquisition, étaient des terrains à bâtir, au sens de l'article 257 du code général des impôts, à la date des cessions intervenues, et n'avaient pas ouvert de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'occasion de leur achat, caractérisant une rupture dans la chaîne de déduction de la taxe ;

- la condition d'identité de qualification juridique entre l'achat et la revente ne résulte ni de l'article 392 de la directive 2006/112/CE, ni de l'article 268 du code général des impôts qui en effectue la transposition, l'administration fiscale ajoutant une condition à la loi ;

- le changement de qualification juridique résultant d'une division parcellaire n'est pas incompatible avec la notion d'acquisition visée par l'article 268 du code général des impôts et ne fausse pas l'exactitude du calcul de la marge, un prix de revient étant comptablement affecté à chaque lot ;

- malgré l'arrêt C-299/20 du 30 septembre 2021 de la Cour de Justice de l'Union européenne, elle est réputée remplir la condition relative à l'absence de droit à déduction, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Par un arrêt avant dire droit n° 19LY00541 du 18 mars 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a sursis à statuer sur la requête présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 devait être interprété comme excluant l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons de terrains à bâtir dans les deux hypothèses suivantes :

- lorsque ces terrains, acquis bâtis, sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir ;

- lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles que leur division en lots.

Par une ordonnance C-191/21 du 10 février 2022, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question.

Par un arrêt n° 19LY00541 du 16 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel du ministre (article 1er) et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SARL Echo 5 (article 2).

Par une décision n° 466644 du 2 avril 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la Cour après renvoi

Les parties ont été informées, le 3 avril 2024, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Ni le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ni la SARL Echo 5 n'ont présenté d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2024 par une ordonnance du 2 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dos Santos, représentant la SARL Echo 5 ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Echo 5, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 29 septembre 2011 un bien immobilier situé à Reyrieux (Ain), comprenant des constructions et composé de plusieurs parcelles. En 2014, elle a revendu quatre terrains à bâtir issus de divisions de cette propriété. Elle a placé ces cessions, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration, estimant que ces terrains n'avaient pas été acquis par l'intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l'application de ce régime et a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis d'intérêts de retard, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Par un jugement du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a prononcé, en son article 1er, la décharge de ces impositions et des intérêts de retard correspondants. Par un arrêt du 18 mars 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, avant de statuer sur l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, auxquelles il a été répondu par une ordonnance C-191/21 du 10 février 2022 de la 7ème chambre de cette Cour. Par un arrêt du 16 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel du ministre. Par une décision n° 466644 du 2 avril 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du b du 2 de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués (...) ".

3. Par l'ordonnance C-191/21 du 10 février 2022, mentionnée au point 1, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.

4. Il résulte des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive du 28 novembre 2006 dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de division, ou d'une division effective, lors de l'acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l'acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment.

5. La SARL Echo 5 a acquis à Reyrieux, le 29 septembre 2011, une propriété immobilière comprenant une maison d'habitation, des dépendances, une source et un terrain boisé, le tout implanté sur plusieurs parcelles. La SARL Echo 5 a ensuite procédé, les 11 octobre 2011 et 13 mars 2014, à des regroupements suivis de divisions de ces parcelles. Elle a ensuite cédé, par actes des 27 février, 7 mai, 10 juin et 16 octobre 2014, quatre terrains à bâtir issus de cette propriété. S'il n'est pas contesté que ces terrains sont issus de parcelles qui n'étaient, au moment de l'acquisition, revêtues d'aucune construction, il ressort des termes de l'acte du 29 septembre 2011, qui porte sur la vente d'une propriété bâtie, sans faire explicitement état de la vente de terrains à bâtir s'agissant des parcelles nues existantes et mentionne un prix global, que ces parcelles ont été vendues, non comme terrains à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment. Par suite, les dispositions de l'article 268 du code général des impôts font obstacle à ce que les cessions en litige relèvent du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et c'est à bon droit que l'administration les a soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de vente.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SARL Echo 5 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et des intérêts de retard correspondants.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais liés au litige exposés par la SARL Echo 5.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1704851 du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SARL Echo 5 au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 sont remis à sa charge, ainsi que les intérêts de retard correspondants.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Echo 5 présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Echo 5 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. PruvostLa greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 24LY00859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00859
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BRET BREMENS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;24ly00859 ?
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