Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2308871 du 21 décembre 2023 le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2024, Mme A... représentée par Me Paquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté mentionné ci-dessus ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement du signalement sur le fichier d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris alors que la préfète du Rhône n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- la préfète du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de fait en ne mentionnant pas l'existence de sa fille ;
- les décisions attaquées méconnaissent les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tant en raison des risques qu'elle encourt personnellement que de ceux encourus par sa fille B... ;
- la décision ne lui octroyant qu'un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête de Mme A... a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, déclare être née en 1998 et être entrée en France en mai 2021. Par un arrêté du 10 octobre 2023, la préfète du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué aurait été pris sans que la préfète du Rhône ne procède à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A.... Un tel examen n'imposait pas que l'autorité administrative fasse mention de l'ensemble des éléments ayant trait aux événements subis par la requérante avant son entrée sur le territoire français. Si Mme A... fait grief à la préfète de ne pas avoir pris en considération la naissance de sa fille, toutefois il ne saurait lui être reproché de ne pas l'avoir évoquée, alors que l'intéressée ne justifie pas l'avoir informée de cette naissance dans le cadre de l'examen de sa demande de titre de séjour en se bornant à produire une attestation de l'association Forum réfugié selon laquelle l'association reportait mensuellement à la préfecture la présence des déboutés du droit d'asile et de leurs familles présents au sein des logements gérés par l'association. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier et d'une erreur de fait.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. Mme A..., célibataire, déclare être entrée en France le 29 mai 2021, soit récemment à la date d'intervention de l'arrêté contesté. Si elle soutient qu'elle et sa fille ne peuvent retourner vivre en Côte-d'Ivoire en raison notamment du risque d'excision pour sa fille, de la nationalité guinéenne de son père et de sa propre fragilité psychologique, toutefois, le risque d'excision n'est pas établi et il n'apparait pas que le père de l'enfant participerait d'une quelconque manière à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par ailleurs, elle ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle particulière en France. Elle a vécu la majeure partie de sa vie en Côte-d'Ivoire et a deux autres enfants restés en Afrique. L'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'intérêt supérieur de son enfant n'a pas plus été méconnu. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions méconnaitraient les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. La préfète n'a pas plus, en prenant les décisions litigieuses, commis d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. Mme A... reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tant en raison des risques qu'elle encourt personnellement que de ceux encourus par sa fille B.... Pas plus en appel qu'en première instance, elle ne justifie de ce qu'elle serait personnellement soumise à des risques en cas de retour dans son pays d'origine ou que sa fille serait, du fait des pratiques sévissant dans sa famille et l'ethnie dont elle est originaire, soumise à un risque d'excision. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs du jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours :
6. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".
7. Si Mme A... soutient qu'à la date de la décision contestée elle souhaitait demander l'asile pour sa fille mineure, cette circonstance n'est pas de nature à justifier qu'un délai plus long lui soit accordé pour quitter le territoire français. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait, bien qu'elle ait entamé des démarches en ce sens, déposé une demande d'asile pour sa fille avant la décision en litige comme elle pouvait le faire. Dès lors, la préfète du Rhône, en fixant le délai de départ volontaire à trente jours, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Dès lors, la requête de Mme A... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
C. DjebiriLa présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00097
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