Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2022 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2206580 du 31 janvier 2023, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 février 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Azouagh, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 2 000 euros au profit de son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 200-4 (1°) et L. 200-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît aussi les dispositions de l'article 24 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts du 27 octobre 1977 n° 30/77, 28 octobre 1975 n° 36/75, 29 avril 2004 n° C-482/01 et 25 juillet 2008 n° C-127/08 ; il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 13 juin 2024, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... épouse B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 3 mai 2023 le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme A... épouse B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse B..., née le 15 juillet 1991 à Sapele, ressortissante de la République Fédérale du Nigéria, déclare être entrée sur le territoire français le 30 septembre 2015. Sa demande d'asile présentée le 10 novembre 2015 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 septembre 2016. Elle a été incarcérée du 28 septembre 2017 au 24 mai 2019, puis condamnée pour les faits de proxénétisme et de traite d'être humain commis à l'encontre d'une seule personne ainsi que de blanchiment de proxénétisme, commis du 1er novembre 2016 au 26 septembre 2017, par un jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 29 novembre 2019 à une peine de trois ans d'emprisonnement et à l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans. Le 4 septembre 2021, elle a épousé un ressortissant italien, M. B.... Mme A... épouse B... a demandé, le 21 juin 2021, la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de conjointe d'un citoyen européen, au préfet de la Savoie qui, par un arrêté du 6 septembre 2022, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... épouse B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée portant refus titre de séjour méconnaîtrait les dispositions des articles L. 200-4 (1°) et L. 200-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a déjà été soulevé en première instance, doit, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le mariage de Mme A... épouse B... avec un ressortissant italien résidant en France le 4 septembre 2021 était relativement récent à la date de la décision contestée portant refus de titre de séjour. Si l'intéressée se prévaut de ce que la relation avec son époux datait de 2019, toutefois, les seules attestations qu'elle produit à ce titre ne permettent pas de l'établir. Si Mme A... épouse B... fait valoir qu'elle a la volonté d'avoir un enfant avec son époux, aucun enfant n'était toutefois né de cette union à la date de la décision contestée. Enfin, la seule circonstance selon laquelle l'époux de Mme A... épouse B... disposerait de ses centres d'intérêts financiers et familiaux en France, au demeurant peu étayée, n'est pas de nature, à elle seule, en l'espèce, à faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale hors de France. Par suite, le refus de titre de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Aucune méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être retenue. Pour les mêmes motifs, et pour le surplus par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de cette décision sur la situation de l'intéressée.
5. En troisième lieu, dès lors que l'article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée a été entièrement transposé en droit interne, Mme A... épouse B... ne saurait utilement invoquer ces dispositions à l'encontre du refus de titre de séjour en litige.
6. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé par Mme A... épouse B... à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige est inopérant, une telle décision n'ayant ni pour objet, ni pour effet, en tant que telle, d'entraîner son retour au Nigéria.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
8. Si Mme A... épouse B... soutient qu'elle encourt des risques de traitements inhumains, prohibés par les stipulations précitées, de la part du réseau de prostitution auquel elle a appartenu en cas de retour au Nigéria, elle ne produit cependant aucun élément permettant de considérer qu'elle serait effectivement exposée, de façon personnelle et directe, à de tels traitements. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.
9. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour, et, que la décision fixant le pays de destination n'est pas davantage illégale par voie de conséquence de ce refus et de cette obligation. Les moyens ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
J. ChassagneLa présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00684
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