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20/06/2024 | FRANCE | N°23LY02305

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 20 juin 2024, 23LY02305


Vu les procédures suivantes :





Procédures contentieuses antérieures



M. B... C... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 4 octobre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français.



Par des jugements n° 2208403 et n° 2208519 des 7 avril et 10 mai 2023, le tribunal a rejeté leurs demandes.





Procédures devant la cour

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I- Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 et 21 juillet 2023 sous le n° 2302305, M. C..., représenté par Me Borge...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

M. B... C... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 4 octobre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français.

Par des jugements n° 2208403 et n° 2208519 des 7 avril et 10 mai 2023, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour

I- Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 et 21 juillet 2023 sous le n° 2302305, M. C..., représenté par Me Borges de Deus Correia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2302305 et l'arrêté préfectoral le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de réexaminer sa demande avec effacement d'inscription au système d'informations Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne la réponse au moyen relatif à l'erreur de droit commise par le préfet qui s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée par cet avis ;

- faute de mentionner la présence en France de son fils majeur, l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ;

- l'arrêté méconnaît les articles L. 425-9 et L. 611-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête de M. C... a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas présenté d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21juin 2023.

II- Par une requête enregistrée le 4 août 2023 sous le n° 23LY02592, Mme A..., représentée par Me Borges de Deus Correia, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208519 et l'arrêté préfectoral la concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de lui délivrer un titre de séjour et à défaut de réexaminer son dossier et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail avec effacement d'inscription au système d'informations Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier ; il est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête de Mme A... a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas présenté d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme A..., ressortissants macédoniens nés respectivement en 1965 et en 1975, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 3 août 2019. Ils relèvent appel des jugements des 7 avril et 10 mai 2023 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés des 4 octobre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français.

2. Les requêtes n° 23LY02305 et n° 23LY02592 présentées pour M. C... et Mme A... sont relatives à la situation d'un couple et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre afin d'y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements :

3. Contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments qu'il a présentés à l'appui de ses moyens, ont répondu de manière suffisamment explicite à celui tiré de ce que le préfet s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, aucune insuffisance de motivation du jugement n° 2208403 ne saurait retenue à cet égard.

4. Le tribunal n'a pas entaché d'erreur de fait son jugement en considérant qu'il n'avait aucune attache en France à l'exception de son épouse et en ne mentionnant pas son fils majeur alors qu'il n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger.

5. Vu la teneur du recours dont Mme A... avait saisi le tribunal, le jugement n° 2208519, dans sa réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, est suffisamment motivé et ne viole pas le principe du contradictoire.

6. Pour le surplus, en critiquant les motifs qui ont conduit les premiers juges à rejeter leurs demandes, les intéressés ne contestent pas la régularité des jugements attaqués mais leur bien-fondé.

Sur le fond des litiges :

En ce qui concerne l'arrêté pris à l'encontre de M. C... :

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, faute d'avoir mentionné la présence de son fils majeur et son intégration professionnelle, le préfet aurait entaché son arrêté d'un défaut d'examen particulier et commis une erreur de fait.

8. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce même code : " (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

9. Le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour en qualité d'étranger malade compte tenu d'un avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 13 février 2022 au vu d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 6 janvier 2022. Selon cet avis, l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester cet avis, M. C... fait valoir qu'il souffre d'un cancer du poumon qui nécessite des soins et un suivi spécialisés réguliers qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine. Toutefois, si son état de santé exige un traitement médicamenteux et un suivi régulier, il n'apparaît en revanche pas, compte tenu en particulier des certificats médicaux des 13 avril 2021 et 15 février 2022, qui sont rédigés en termes généraux, que ces soins ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Par suite, aucune violation des dispositions des articles L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 611-3, 9° du même code ne saurait être retenue.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui s'en est approprié les termes, se serait cru à tort en situation de compétence liée par cet avis.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis 2019, qu'il a travaillé et que sa femme comme son fils majeur sont présents sur le territoire. Toutefois, il est entré en France en 2019 et donc récemment à la date d'intervention de l'arrêté contesté, et son épouse se trouve dans la même situation que lui, tandis que rien au dossier ne permet de dire que la présence à ses côtés de son fils majeur lui serait indispensable. L'existence de liens intenses qu'il aurait noués en France n'est pas avérée. Il n'est par ailleurs pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante ans. En outre, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. C... peut bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'arrêté pris à l'encontre de Mme A... :

13. Également en France depuis récemment à la date de l'arrêté contesté, elle fait aussi l'objet, comme son époux d'une mesure d'éloignement. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en dépit de la volonté d'intégration de Mme A... et de la présence alléguée de son frère en France, il n'apparaît pas que l'arrêté contesté aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Aucune violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni erreur manifeste d'appréciation ne saurait davantage être retenue ici.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs requêtes doivent rejetées dans toutes leurs conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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Nos 23LY02305, 23LY02592

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02305
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly02305 ?
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