La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23LY01728

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23LY01728


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure



Les sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de fixer à la somme de 1 412 294,82 euros TTC le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre conclu avec l'office public de l'habitat (OPH) de l'Ain Dynacité pour la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Groissiat et de condamner l'OPH de l'Ain Dynacité à leur verser la somme de 1 2

58 820,40 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 2 novembre 2017, capitalisés au 2 ...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de fixer à la somme de 1 412 294,82 euros TTC le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre conclu avec l'office public de l'habitat (OPH) de l'Ain Dynacité pour la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Groissiat et de condamner l'OPH de l'Ain Dynacité à leur verser la somme de 1 258 820,40 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 2 novembre 2017, capitalisés au 2 novembre 2018, en paiement de l'arriéré du solde ainsi fixé ;

2°) de condamner l'OPH de l'Ain Dynacité à verser à la société Bertrand Lavarenne Architecte la somme de 14 131,39 euros TTC en remboursement des frais et honoraires de l'expertise judiciaire ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité la somme de 46 597,75 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 2008230 du 23 mars 2023, le tribunal a :

1°) fixé le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre conclu par l'OPH de l'Ain Dynacité avec les sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie à la somme de 175 799,18 euros TTC ;

2°) condamné l'OPH de l'Ain Dynacité à verser aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie la somme de 32 639,63 euros TTC, après déduction de la somme de 162 549,73 euros versée à titre de provision, augmentée des intérêts contractuels au taux de 7 % à compter du 2 novembre 2017, capitalisés au 2 novembre 2018 ;

3°) mis les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 14 131,39 euros, à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité ;

4°) mis à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité la somme de 1 500 euros à verser aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédures devant la cour

I°) Par une requête et deux mémoires enregistrés le 18 mai 2023, le 22 décembre 2023 et le 14 mai 2024 (non communiqué) sous le numéro 23LY01728, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte, représentée par Me Lalanne (SELARL BLT Droit Public), demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre à la somme de 175 799,18 euros TTC, qu'il a limité la condamnation de l'OPH de l'Ain de Dynacité à la somme de 32 639,63 euros TTC et qu'il a limité à 1 500 euros la prise en charge par l'OPH de l'Ain Dynacité des frais d'instance ;

2°) de porter à 351 403,44 euros TTC le solde du décompte général du marché et de porter la condamnation de l'OPH de l'Ain Dynacité à 156 214,02 euros TTC, après déduction de la somme de 162 549,79 euros effectivement reçue à titre de provision et de la somme de 32 639,63 euros accordée par le tribunal, augmentée des intérêts au taux contractuel de 7 % à compter du 2 novembre 2017, capitalisés au 2 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité la somme de 50 597,75 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité accordée au titre des études supplémentaires, et plus particulièrement la rémunération journalière de l'architecte, ne peuvent être fixées sur le fondement des stipulations du contrat initial, ces études devant faire l'objet d'un avenant en application de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 ; si tel était le cas, le montant de la rémunération de l'architecte devrait être augmenté de la somme de 95 368,70 euros, due au titre des études d'exécution, et la durée d'exécution retenue devrait être réduite de onze mois à huit mois, compte tenu des trois mois consacrés à la seule approbation des études par le maître d'ouvrage ; cette indemnité sera fixée en retenant une rémunération journalière de l'architecte de 1 125 euros conformément à l'expertise, et portée à un montant total de 56 345,50 euros ;

- l'indemnité accordée au titre de la prolongation des missions DET et OPC sera portée à 181 329 euros, compte tenu du coût mensuel d'une telle prolongation, tel qu'évalué par l'expertise, par le CCIRA et par le juge des référés ;

- une indemnité de 35 017,35 euros doit être intégrée au décompte général, au titre de la prolongation de la mission AOR sur une durée de huit mois et demi, due aux travaux supplémentaires demandés tardivement par le maître d'ouvrage, dont la réalité est établie et qui a donné lieu à la réalisation de nombreuses prestations ;

- une indemnité de 28 616,36 euros doit être intégrée au décompte général, au titre des frais de licenciement qu'elle a dû supporter, ces licenciements étant directement dus au prolongement du chantier et à l'incapacité dans laquelle elle s'est alors trouvée de candidater à d'autres marchés ;

- l'indemnité accordée au titre du mauvais vouloir du maître d'ouvrage doit être portée à 40 517,54 euros, compte tenu de l'erreur entachant le calcul opéré par l'expert, lequel doit reposer sur l'ensemble de la somme due non réglée, soit 270 116,97 euros ;

- le solde du décompte général doit être fixé à 351 403,44 euros ;

- la somme de 195 189,42 euros qu'elle a déjà reçue à ce jour doit être déduite de ce décompte pour fixer la condamnation de l'OPH de l'Ain Dynacité ;

- les frais accordés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative seront portés à 50 597,75 euros, au titre de la première instance et de l'appel.

Par mémoires enregistrés le 1er décembre 2023 et le 5 février 2024, l'OPH de l'Ain Dynacité, représenté par Me Ribet-Mariller, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SARL Bertrand Lavarenne Architecte ;

2°) de la condamner à lui verser la somme de 19 390,18 euros ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Bertrand Lavarenne Architecte la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- la SARL Bertrand Lavarenne Architecte sera condamnée à lui verser la somme de 19 390,18 euros, dès lors que le solde du marché doit demeurer fixé à 175 799,18 euros et que les sommes de 162 549,73 euros et de 32 639,63 euros ont déjà été versées en exécution de l'ordonnance de référé provision et du jugement de première instance.

La clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2024, par ordonnance du même jour.

II°) Par une requête enregistrée le 24 mai 2023 sous le numéro 23LY01785, l'OPH de l'Ain Dynacité, représenté par Me Ribet-Mariller, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2023 en ce qu'il le condamne à verser 32 639,63 euros TTC aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie ;

2°) de limiter à 13 433,87 euros la somme qu'il est condamné à verser aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condamnation prononcée par les premiers juges doit être réduite de 18 485,42 euros, lesquels ont déjà été versés, au titre des intérêts, en exécution de l'ordonnance de référé provision, soit un montant total déjà versé au titre de cette ordonnance de 181 035,21 euros ;

- le montant des intérêts dus en exécution de l'ordonnance de référé provision s'élève à 18 699,90 euros, à raison de 7 % sur la somme de 129 475,41 euros, mentionnée à l'article 1er de cette ordonnance, entre le 2 novembre 2017 et le 16 juillet 2019.

Par mémoires enregistrés le 13 octobre 2023 et le 19 janvier 2024, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte, représentée Me Lalanne (SELARL BLT Droit public), conclut au rejet de la requête et demande en outre à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2023 en tant qu'il a limité le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre conclu par l'OPH de l'Ain Dynacité avec les sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie à la somme de 175 799,18 euros TTC, qu'il a limité la condamnation de l'OPH de l'Ain de Dynacité à la somme de 32 639,63 euros TTC et qu'il a limité à la somme de 1 500 euros la prise en charge par l'OPH de l'Ain Dynacité des frais d'instance ;

2°) de porter à 351 403,44 euros TTC le solde du décompte général du marché et à 156 214,02 euros TTC la condamnation de l'OPH de l'Ain Dynacité, après déduction de la somme de 181 035,21 euros effectivement reçue à titre de provision et de la somme de 32 639,63 euros accordée par le tribunal administratif, augmentée des intérêts au taux contractuel de 7 % à compter du 2 novembre 2017, capitalisés au 2 novembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité la somme de 50 597,75 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- la somme de 181 035,21 euros lui a effectivement été versée en exécution de l'ordonnance de référé provision ;

- l'indemnité accordée au titre des études supplémentaires, et plus particulièrement la rémunération journalière de l'architecte, ne peuvent être fixées sur le fondement des stipulations du contrat initial, ces études devant faire l'objet d'un avenant en application de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 ; si tel était le cas, le montant de la rémunération de l'architecte devrait être augmenté de la somme de 95 368,70 euros, due au titre des études d'exécution, et la durée d'exécution retenue devrait être réduite de onze mois à huit mois, compte tenu des trois mois consacrés à la seule approbation des études par le maître d'ouvrage ; cette indemnité sera fixée en retenant une rémunération journalière de l'architecte de 1 125 euros, conformément à l'expertise, et portée à un montant total de 56 345,50 euros ;

- l'indemnité accordée au titre de la prolongation des missions DET et OPC sera portée à 181 329 euros, compte tenu du coût mensuel d'une telle prolongation, tel qu'évalué par l'expertise, par le CCIRA et par le juge des référés ;

- une indemnité de 35 017,35 euros doit être intégrée au décompte général, au titre de la prolongation de la mission AOR sur une durée de huit mois et demi, due aux travaux supplémentaires demandés tardivement par le maître d'ouvrage, dont la réalité est établie et qui a donné lieu à la réalisation de nombreuses prestations ;

- une indemnité de 28 616,36 euros doit être intégrée au décompte général, au titre des frais de licenciement qu'elle a dû supporter, ces licenciements étant directement dus au prolongement du chantier et à l'incapacité dans laquelle elle s'est alors trouvée de candidater à d'autres marchés ;

- l'indemnité accordée au titre du mauvais vouloir du maître d'ouvrage doit être portée à 40 517,54 euros, compte tenu de l'erreur entachant le calcul opéré par l'expert, lequel doit reposer sur l'ensemble de la somme due non réglée, soit 270 116,97 euros ;

- le solde du décompte général doit être fixé à 351 403,44 euros ;

- les frais accordés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative seront portés à 50 597,75 euros, au titre de la première instance et de l'appel.

Par mémoires enregistrés le 22 décembre 2023 et le 5 février 2024, l'OPH de l'Ain Dynacité conclut aux mêmes fins que précédemment et demande en outre à la cour :

1°) de condamner les sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie à lui reverser un trop perçu de 19 390,24 euros :

2°) de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par la SARL Bertrand Lavarenne Architecte.

Il expose que :

- ayant versé la somme de 64 105,46 euros en exécution du jugement de première instance, les société Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie lui sont redevables d'un trop perçu ;

- les moyens soulevés à l'appui des conclusions présentées par la voie de l'appel incident ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2024 par ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me Lalanne, pour la SARL Bertrand Lavarenne Architecte, et celles de Me Duffaud, pour l'OPH de l'Ain Dynacité ;

Considérant ce qui suit :

1. En juin 2012, l'OPH de l'Ain Dynacité a entrepris des travaux de reconversion d'un ancien couvent, situé à Groissiat, en établissement pour l'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD). Par acte d'engagement du 30 novembre 2012, la maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement conjoint composé des sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, mandataire, ABAC Ingénierie et Cyprium. Les travaux, dont la date d'achèvement était initialement fixée au 6 avril 2015, ont finalement été réceptionnés le 24 mars 2016, après la réalisation de prestations supplémentaires. A la demande de la SARL Bertrand Lavarenne Architecte, le tribunal administratif de Lyon a, par ordonnance du 23 septembre 2016, désigné en référé un expert afin de déterminer la réalité de ces prestations supplémentaires, leur coût et les prolongations du délai d'exécution en ayant résulté. Puis, par ordonnance du 6 juin 2019, le juge des référés du tribunal a accordé au groupement de maîtrise d'œuvre une provision de 129 475,41 euros à titre de rémunération ayant excédé le forfait contractuel. Saisi du fond du litige, le tribunal a fixé le solde du décompte général de ce marché à 175 799,18 euros TTC et a condamné l'OPH de l'Ain Dynacité à verser aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie la somme de 32 639,63 euros TTC, après déduction de la somme de 162 549,73 euros versée à titre de provision, par un jugement du 23 mars 2023. Tant dans leurs requêtes respectives que par voie d'appel incident, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte et l'OPH de l'Ain Dynacité demandent la réformation de ce jugement.

2. Ces requêtes concernant l'exécution d'un même marché et concernant un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le décompte général du marché de maîtrise d'œuvre :

3. En premier lieu, dans l'hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l'ouvrage, le droit du maître d'œuvre à l'augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l'existence de prestations supplémentaires de maîtrise d'œuvre utiles à l'exécution des modifications décidées par le maître de l'ouvrage. En revanche, ce droit n'est subordonné ni à l'intervention de l'avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d'avenant, à celle d'une décision par laquelle le maître d'ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d'œuvre.

4. Pour évaluer la rémunération due par l'OPH de l'Ain Dynacité au titre des prestations supplémentaires réalisées à sa demande par le groupement de maîtrise d'œuvre, les premiers juges ont, au point 4 de leur jugement, déterminé un coût moyen journalier des prestations de la SARL Bertrand Lavarenne Architecte, à partir de la rémunération stipulée par l'avenant n° 1 pour les phases de conception et d'études d'une durée totale de onze mois. Les parties n'ayant pas conclu d'avenants au titre des prestations supplémentaires en litige, la rémunération stipulée dans le contrat initial, telle que précisée par l'avenant n° 1, pouvait, contrairement à ce que prétend la SARL Bertrand Lavarenne Architecte, être retenue pour déterminer une rémunération quotidienne moyenne des prestations fournies par la société d'architecture, sans qu'il y ait lieu, contrairement à ce que prétend l'OPH de l'Ain Dynacité, de tenir compte de la seule rémunération de l'architecte. Par ailleurs, afin de définir le montant d'une rémunération quotidienne convenue entre les parties, les premiers juges ont, à juste titre, retenu la rémunération et la durée contractuellement prévues pour des phases données, indépendamment de la date de réalisation effective d'autres tâches relevant d'autres missions, pour lesquelles une durée d'exécution distincte était prévue par le contrat. Ainsi, la rémunération prévue au titre de la phase EXE n'avait pas à être intégrée, même partiellement, à ce calcul. Enfin, il résulte du contrat qu'une durée totale de onze mois était prévue pour l'ensemble des phases de conception et d'études, sans qu'il y ait lieu d'en soustraire les délais prévus pour la validation des études par l'OPH de l'Ain Dynacité. Par suite, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à remettre en cause le montant de 849 euros HT, arrondi aux 861 euros HT acceptés par l'OPH de l'Ain Dynacité, retenu par les premiers juges comme coût moyen journalier des prestations de la société d'architecture.

5. En second lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

6. Au paragraphe 13 de leur jugement, les premiers juges ont retenu que la durée contractuelle des travaux a été dépassée de 14,5 mois, en raison de travaux complémentaires, réalisés à la demande du maître d'ouvrage et résultant d'une mauvaise définition par celui-ci de ses besoins, de diagnostics insuffisants et d'une évaluation défaillante des risques inhérents à la réhabilitation d'un bâtiment ancien, lesquels sont constitutifs de fautes contractuelles.

7. Il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges pour accorder une indemnité de 86 000 euros, ces fautes ont entraîné un allongement des missions de direction de l'exécution des travaux (DET) et d'ordonnancement, de pilotage et de coordination (OPC) dont le groupement de maîtrise d'œuvre était chargé. Pour contester l'évaluation faite par le jugement attaqué, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte se prévaut du rapport d'expertise judiciaire établi le 6 août 2018, lequel estime que le coût mensuel de ces éléments de mission peut être évalué à 15 631,81 euros HT et que leur allongement a nécessité le maintien d'une équipe de maîtrise d'œuvre pour un volume d'activité réduit de 20 %. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'avenant du 27 juin 2012, un nouveau planning d'exécution, intégrant les trois mois de travaux supplémentaires indemnisés par cet avenant, a été établi au mois de juin 2013, prévoyant l'achèvement des missions du groupement de maîtrise d'œuvre au début du mois d'avril 2015. Il résulte des procès-verbaux de réception des travaux, lesquels font état de réserves dont la levée nécessite la réalisation de travaux, que les missions du groupement de maîtrise d'œuvre, notamment la mission OPC qui se prolonge jusqu'à la levée des réserves, ne se sont achevées qu'au mois de juin 2016. Par suite, et contrairement à ce que prétend l'OPH de l'Ain Dynacité, le prolongement de ces missions a été, à juste titre, chiffré, tant par l'expert que par les premiers juges, à 14,5 mois, indépendamment des trois mois d'exécution supplémentaires déjà indemnisés par l'avenant du 27 juin 2012. Toutefois, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte ne conteste pas qu'une partie de la mission OPC avait été sous-traitée. Elle ne démontre ni que le coût de cette sous-traitance aurait été accru en raison de l'allongement de sa mission, ni qu'ainsi qu'elle le prétend, cette sous-traitance avait pris fin avant le terme des travaux. Elle ne démontre pas davantage que le coût qu'elle a été amenée à supporter, pour la partie non sous-traitée de ces missions, excède les 86 000 euros accordés en indemnisation de leur prolongement par les premiers juges. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que cette indemnité soit rehaussée.

8. En troisième lieu, si la SARL Bertrand Lavarenne Architecte soutient que les travaux complémentaires et l'allongement de la durée des travaux qui en est résulté ont également entraîné un allongement de la durée de sa mission d'assistance aux opérations de réception (AOR), elle n'établit pas qu'ainsi qu'elle le prétend, le maître d'ouvrage lui aurait donné pour consigne de procéder à une réception fractionnée des travaux consécutifs aux modifications de programme, ni que la durée des opérations préalables à la réception aurait été allongée en conséquence d'ordres de service tardifs, alors que l'ensemble des travaux a été réceptionné le même jour, d'après les procès-verbaux datés du 21 avril 2016 et mentionnant un achèvement des travaux le 24 mars 2016. Par ailleurs, l'éventuel dépassement de la durée prévue au contrat pour la levée des réserves, de même que le nombre de listes de réserves que la SARL Bertrand Lavarenne Architecte a été amenée à établir, sont sans lien avec l'allongement de la durée des travaux et les fautes du maître d'ouvrage, retenues au point 6. Par suite, et alors même que l'expert a retenu un allongement de cette mission de cinq mois, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à demander une indemnité à ce titre.

9. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction que la SARL Bertrand Lavarenne Architecte a licencié trois de ses salariés en juin 2015 et en février 2017, en invoquant les difficultés rencontrées dans l'exécution de ce marché, elle indique elle-même que l'OPH de l'Ain Dynacité n'était pas son seul client et ne démontre ni avoir été dans l'impossibilité de faire face à ses charges de personnel, en se bornant à invoquer une baisse de son chiffre d'affaires, ni ne pas avoir été en mesure de candidater à l'attribution d'autres contrats, au besoin d'ampleur plus modeste, en se bornant à invoquer une proposition de collaboration à laquelle elle aurait renoncé. Dans ces conditions, à défaut de démontrer que ces licenciements sont directement dus à l'allongement de la durée des travaux et aux fautes du maître d'ouvrage retenues au point 6, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à demander une indemnité au titre des indemnités de licenciement versées à ses anciens salariés.

10. En cinquième lieu, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à solliciter un rehaussement de l'indemnité accordée par les premiers juges, au point 18 du jugement attaqué, au titre du mauvais vouloir manifeste du maître d'ouvrage, une telle indemnité étant dépourvue de tout fondement contractuel. En tout état de cause, l'indemnité ainsi accordée par les premiers juges revêt un caractère compensatoire et tend à indemniser un préjudice distinct du seul retard de paiement des sommes dues. Par suite, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte ne peut soutenir que cette indemnité devait être proportionnée au montant total des sommes que l'OPH de l'Ain Dynacité est condamné à lui verser. En outre, ni l'OPH de l'Ain Dynacité, ni la SARL Bertrand Lavarenne Architecte ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 11.8.3. du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles, lequel concerne les seuls intérêts moratoires. Par suite, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à remettre en cause la somme de 7 000 euros accordée à ce titre par les premiers juges.

11. Il résulte de ce qui précède que, par son appel et ses conclusions incidentes, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a fixé le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre conclu par l'OPH de l'Ain Dynacité à la somme de 175 799,18 euros TTC.

Sur la condamnation de l'OPH de l'Ain Dynacité :

12. Pour condamner l'OPH de l'Ain Dynacité à verser aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie la somme de 32 639,63 euros TTC, les premiers juges ont, après avoir fixé le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre à 175 799,18 euros TTC, relevé, aux points 22 et 23 de leur jugement, que l'OPH de l'Ain Dynacité leur a précédemment versé la somme de 162 549,73 euros, à titre de provision.

13. En premier lieu, ainsi que le fait valoir l'OPH de l'Ain Dynacité, les intérêts dus en exécution de l'ordonnance de référé du 6 juin 2019, qui, selon l'article 1er de cette ordonnance, ont couru sur la seule somme de 129 475,41 euros, au taux de 7 % du 2 novembre 2017 jusqu'au paiement de la provision le 16 juillet 2019, avec capitalisation au 6 juin 2019, se sont élevés, non pas à 19 390,18 euros comme mentionné à tort par le tribunal, mais à 18 669,90 euros.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16.1 du CCAP : " Le délai global de paiement est de trente jours à compter de la réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur (...). Le défaut de paiement dans le délai fixé ci-dessus, fait courir de plein droit et sans formalité, au bénéfice du titulaire (...), des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration dudit délai ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ".

15. Comme indiqué au point 11, le solde du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre est fixé à la somme de 175 799,18 euros TTC, que l'OPH de l'Ain Dynacité doit être condamné à verser au groupement de maîtrise d'œuvre, après déduction de la provision déjà versée. En revanche, pour fixer cette condamnation, il n'appartient pas au juge d'appel, en dehors de tout litige d'exécution présenté sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de tenir compte des versements déjà effectués en exécution du jugement de première instance dont il est saisi.

16. Il est constant qu'en exécution de l'ordonnance de référé du 6 juin 2019, l'OPH de l'Ain Dynacité a versé à la SARL Bertrand Lavarenne Architecte la somme de 181 035,21 euros, soit 129 475,47 euros au titre de la condamnation principale, 25 895,02 euros de TVA, 7 179,30 euros d'indemnité de mauvais vouloir, outre 18 485,42 euros d'intérêts, sans que les parties ne puissent utilement se prévaloir des sommes versées en exécution du jugement de première instance. En conséquence, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'OPH de l'Ain Dynacité doit être condamné à verser à la SARL Bertrand Lavarenne Architecte la somme de 13 249,39 euros (175 799,18 - 129 475,47 - 25 895,02 - 7 179,30), laquelle portera intérêts au taux de 7 % à compter du 2 novembre 2017, capitalisés à l'échéance non contestée du 2 novembre 2018.

17. Il résulte de ce qui précède que l'OPH de l'Ain Dynacité et la SARL Bertrand Lavarenne Architecte sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort qu'à l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal a fixé à 32 639,73 euros la condamnation restant à la charge de l'OPH de l'Ain Dynacité après déduction des sommes déjà versées à titre de provision, et à demander que cette somme soit limitée à 13 249,39 euros.

Sur les frais liés au litige d'appel :

18. En premier lieu, les frais exposés avant l'introduction de la requête de première instance, et étrangers à celle-ci, ne relèvent pas de ceux susceptibles d'être mis à la charge de la partie perdante à l'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Si la SARL Bertrand Lavarenne Architecte produit un extrait de son compte client énumérant des frais d'avocat, elle n'établit pas que ces derniers, acquittés avant l'introduction de la requête auprès du tribunal administratif de Lyon, seraient en lien avec celle-ci. Par suite, la SARL Bertrand Lavarenne Architecte n'est pas fondée à soutenir qu'en lui accordant 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Lyon a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.

19. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées en appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 32 639,73 euros que l'OPH de l'Ain Dynacité a été condamné à verser aux sociétés Bertrand Lavarenne Architecte, Cyprium et Abac Ingénierie par l'article 2 du jugement n° 2008230 du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2023 est ramenée à 13 249,39 euros.

Article 2 : Le jugement n° 2008230 du tribunal administratif de Lyon du 23 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bertrand Lavarenne Architecte et à l'OPH de l'Ain Dynacité.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

Nos 23LY01728-23LY01785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01728
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés. - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP BLT DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly01728 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award