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20/06/2024 | FRANCE | N°23LY00969

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 20 juin 2024, 23LY00969


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois et la décision du 8 février 2023 par laquelle la préfète de l'Allier l'a assigné à réside

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Par un jugement n° 2300463 du 9 mars 2023, la prési...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois et la décision du 8 février 2023 par laquelle la préfète de l'Allier l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300463 du 9 mars 2023, la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mars 2023, M. A..., représenté par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté et la décision du 8 février 2023 de la préfète de l'Allier ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, en lui délivrant, dans l'attente, dans un délai de deux jours, un récépissé de demande de titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne les réponses apportées aux moyens tirés de la méconnaissance de la chose jugée et de l'erreur de droit commise par la préfète qui s'est estimé en situation de compétence liée à la suite des décisions prises en matière d'asile, qui sont sans rapport avec le droit au séjour ;

- il a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté, qui mentionne trois précédentes obligations de quitter le territoire français, est entaché d'une erreur de fait ;

- la préfète, qui a rejeté la demande de régularisation par le travail avant de vérifier s'il pouvait faire usage de son pouvoir général de régularisation, a commis une erreur de droit ;

- elle a commis une erreur de droit en rejetant sa demande de régularisation au seul motif qu'il exerçait une activité salariée, sans autorisation de travail ;

- la préfète de l'Allier s'est estimée en situation de compétence liée suite aux décisions prises en matière d'asile, qui sont anciennes et sans rapport avec le droit au séjour ;

- des décisions d'éloignement ne peuvent, à elle seules, fonder un refus de séjour, sauf à commettre une erreur de droit ;

- ni les visas ni la motivation ne laissent apparaître que la préfète de l'Allier a examiné la demande de délivrance d'une carte de séjour " salarié " ou " travailleur temporaire " au titre de la régularisation ;

- en refusant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement du 2 décembre 2022 dans la mesure où il n'est pas établi que la préfète a réexaminé sa situation et que la motivation du nouvel arrêté est semblable à l'ancien arrêté en ce qui concerne le travail ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- les décisions refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, portant interdiction de retour et l'assignant à résidence sont illégales du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Un mémoire a été présenté par la préfète de l'Allier le 5 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience.

Par un courrier en date du 18 avril 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions dirigées contre la décision du 8 février 2023 par laquelle la préfète de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour sont irrecevables dès lors que le jugement attaqué du 9 mars 2023 ne se prononce pas sur cette décision mais renvoie les conclusions afférentes à la formation collégiale du tribunal.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 4 février 1976, est entré en France le 2 juin 2013. Après le rejet de sa demande d'asile et après avoir fait l'objet les 15 novembre 2017 et 3 mars 2021 de refus de titres de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, il a de nouveau sollicité la régularisation de sa situation administrative le 2 septembre 2022 ainsi qu'une admission exceptionnelle au titre du travail. Par arrêté du 2 novembre 2022, la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Par jugement du 2 décembre 2022, après avoir renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a annulé l'obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions subséquentes et a enjoint à la préfète de l'Allier de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A.... En exécution du jugement, la préfète de l'Allier a par arrêté du 8 février 2023 rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Elle l'a également, par décision du 8 février 2023, assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 9 mars 2023, dont M. A... relève appel, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions de M. A... dirigé contre cet arrêté et cette décision.

Sur la recevabilité des conclusions relatives au titre de séjour :

2. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour sont irrecevables, dès lors que le jugement attaqué ne s'est pas prononcé sur cette décision mais s'est borné, en son article 1er, à renvoyer ces conclusions à la formation collégiale du tribunal.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Le jugement attaqué a exposé avec précision les motifs pour lesquels il écartait le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée par le jugement du 2 décembre 2022. De même, il a écarté, par une motivation suffisante et non stéréotypée le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour rejeter sa demande dès lors que sa demande d'asile avait été rejetée. Par suite le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

5. En deuxième lieu, si, dans son mémoire complémentaire n° 1 présenté devant le tribunal, le requérant a indiqué que " la préfète de l'Allier retient que Monsieur A... se maintient sur le territoire national " malgré trois mesures d'éloignement édictées à son encontre ". Or, si les décisions de 2017 et de 2021 n'ont pas été annulées, telle n'est pas le cas de celle de 2022 " et fait grief au tribunal de ne pas avoir répondu à ce moyen, toutefois il ressort des écritures des parties devant le tribunal que, ce faisant, M. A... n'a pas présenté un moyen dirigé contre la décision attaquée, qui au demeurant visait deux précédentes mesures d'éloignement, mais seulement critiqué les termes du mémoire en défense de l'administration. Par suite, en l'absence d'un tel moyen dirigé contre la décision litigieuse, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de se prononcer dessus.

Sur les conclusions dirigées contre les décisions :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

7. Il ressort des mentions du jugement du 2 décembre 2022 que la préfète de l'Allier avait été saisie par M. A... d'une demande de " régularisation de sa situation administrative le 2 septembre 2022 et une admission exceptionnelle au séjour par le travail " et que l'intéressé avait produit un formulaire de demande d'admission exceptionnelle au séjour renseigné par ses soins et daté du 26 août 2022 mentionnant une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans l'arrêté en litige, la préfète a indiqué que l'intéressé, qui travaille sans autorisation de travail pour la société Biplob A... depuis septembre 2021 et qui ne justifie pas de liens suffisamment stables et intenses en France, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, n'établissant par être dépourvu de liens personnels et familiaux dans son pays d'origine où vivent ses deux enfants majeurs, le refus de séjour ne portait pas atteinte à sa vie privée et familiale, qu'il n'y avait pas lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser sa situation et que sa demande d'admission au séjour ne répondait à aucune considération humanitaire ni motif exceptionnel de sorte qu'il n'y avait pas lieu de le régulariser sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il ressort ainsi des termes mêmes de l'arrêté litigieux que, dans cette nouvelle décision, le préfet a, contrairement à la précédente décision attaquée devant le tribunal, examiné la demande de M. A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de sorte que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait l'autorité de chose jugée par le jugement du 2 décembre 2022 ayant enjoint à la préfète de réexaminer sa demande de titre de séjour. Il n'apparaît pas, contrairement à ce que fait valoir l'intéressé, que la préfète n'aurait pas vérifié si elle pouvait lui délivrer une carte de séjour temporaire " salarié " ou " travailleur temporaire ".

9. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté que la préfète aurait entendu rejeter la demande de régularisation par le travail avant de vérifier si elle pouvait faire usage de son pouvoir général de régularisation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait, pour ce motif, entachée d'erreur de droit, ne peut qu'être écarté.

10. La préfète n'a pas opposé à la demande de régularisation par le travail de M. A... la circonstance qu'il travaillait en situation irrégulière pour la société Biplob A..., ce motif ayant été retenu par la préfète pour refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de le régulariser au titre du travail au seul motif qu'il travaillait en situation irrégulière serait entaché d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète, qui s'est bornée à rappeler que sa demande d'asile avait été rejetée, se serait estimée en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour à la suite des décisions prises en matière d'asile.

12. En indiquant, au soutien des motifs de sa décision, que M. A... avait fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement, la préfète, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur ce motif pour rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé, n'a pas commis d'erreur de droit.

13. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige, qui indique que l'intéressé a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, que la préfète aurait commis, dans la décision litigieuse, une erreur de fait sur le nombre de mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.

14. La préfète a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de régulariser la situation de M. A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même que l'intéressé indique qu'il réside en France depuis 2013 et a travaillé en qualité d'employé polyvalent dans la restauration rapide de mai 2019 à décembre 2020, puis à compter de septembre 2021 en qualité d'employé polyvalent dans le commerce de gros.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne les autres moyens :

16. Compte tenu de ce qui précède, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, portant interdiction de retour et l'assignant à résidence seraient illégales du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00969

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00969
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly00969 ?
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