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20/06/2024 | FRANCE | N°22LY02644

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 20 juin 2024, 22LY02644


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 août 2022, 5 mai, 5 juin et 4 octobre 2023, la société Parc éolien de Marly, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Marly-sous-Issy ;

2°) d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale dans un délai de

deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 août 2022, 5 mai, 5 juin et 4 octobre 2023, la société Parc éolien de Marly, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Marly-sous-Issy ;

2°) d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation environnementale dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'intervention de l'association Sauvegarde Sud-Morvan n'est pas recevable, faute pour celle-ci de justifier d'un intérêt ;

- le signataire de l'arrêté ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement en estimant que le projet porte atteinte aux paysages, en particulier au Grand site de Bibracte-Mont Beuvray et à l'église d'Issy-l'Évèque et son village, et en estimant qu'en conséquence il porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 de ce code ;

- l'étude d'impact réalisée était suffisante tant sur les chiroptères que sur les nicheurs de sorte que le préfet ne pouvait refuser d'accorder l'autorisation sollicitée au motif que le dossier était incomplet ; contrairement à ce qu'a estimé le préfet d'autres mesures que la diminution du nombre d'aérogénérateurs étaient prévues pour diminuer l'atteinte à la biodiversité ; elle a mis en place, depuis le 30 mars 2022, des écoutes en altitude pour les chiroptères sur la saison 2022 et procédé à des inventaires complémentaires depuis le mois de mai 2022 concernant les rapaces et l'analyse de leurs sites de nidification qui n'ont fait que confirmer les données contenues dans l'étude d'impact initiale ; le dossier a été complété sur les points relevés par le préfet ; aucune dérogation pour la destruction d'espèces protégées n'est nécessaire.

Par une intervention et un mémoire enregistrés les 25 novembre 2022 et 1er mars 2023, l'association Sauvegarde Sud-Morvan, représentée par Me Monamy, demande que la cour rejette la requête de la société Parc éolien de Marly.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à intervenir ;

- l'étude écologique présentée par le pétitionnaire était insuffisante ;

- le projet porte atteinte au site de Bibracte-Mont Beuvray et à l'église d'Issy-l'Évèque et son village.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 mars et 7 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires puis le préfet de Saône-et-Loire concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- les moyens soulevés par la société Parc éolien de Marly ne sont pas fondés ;

- le complément d'étude avifaunistique, et en particulier la recherche de nids de rapaces, a été insuffisante ; les études complémentaires ont démontré que l'étude d'impact initiale était insuffisante puisque huit nouvelles espèces ont été détectées dans l'aire d'étude immédiate, dont trois menacées ou quasi menacées ; les niveaux de risques pour les différentes espèces n'ayant pas été actualisés, l'étude d'impact demeure insuffisante ; le dossier ne permet toujours pas de se prononcer sur la nécessité d'une demande de dérogation pour la destruction d'espèces protégés dans la mesure où le niveau de risque prend en compte le degré de patrimonialité de chaque espèce et que les mesures d'évitement et de réduction ne concernent que certaines espèces, à savoir le milan royal et la cigogne blanche ;

- le complément d'étude sur les chiroptères a démontré les insuffisances de l'étude initiale ; le pétitionnaire n'a pas mis à jour son étude à partir des nouvelles données collectées ; il n'a pas fait de recherches complémentaires de gites de parturition.

Par une ordonnance du 4 octobre 2023, l'instruction a été close, en dernier lieu, au 24 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Domenech, substituant Me Elfassi, pour la société Parc éolien de Marly ainsi que celles de Me Monamy pour l'association Sauvegarde Sud-Morvan ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien de Marly a déposé le 13 mars 2020 auprès du préfet de Saône-et-Loire une demande, complétée les 26 octobre et 9 novembre 2021, d'autorisation environnementale de construction et d'exploitation d'un parc éolien finalement composé de quatre aérogénérateurs d'une hauteur de deux-cents mètres en bout de pale et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Marly-sous-Issy. Par un arrêté du 2 mai 2022, pris lors de la phase d'examen en application de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, le préfet de Saône-et-Loire a décidé de rejeter cette demande. La société a formé un recours gracieux contre cette décision par courrier du 30 juin 2022, reçu le 1er juillet 2022, auquel le préfet n'a pas répondu. La société Parc éolien de Marly demande à la cour d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022.

Sur la fin de non-recevoir opposée à l'intervention volontaire de l'association Sauvegarde Sud-Morvan :

2. Est recevable à former une intervention toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance.

3. L'association Sauvegarde Sud-Morvan, qui a pour objet, selon l'article 2 de ses statuts, " la protection de l'environnement, notamment de la flore, de la faune, des paysages et du patrimoine culturel, contre toutes les atteintes qui pourraient lui être portées, entre autres par l'implantation d'éoliennes et des infrastructures et équipements qui leurs sont liés ", notamment sur le territoire des communes de Marly-sous-Issy et d'Issy-l'Évêque, a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué. Par suite, cette intervention doit être admise et la fin de non-recevoir opposée par la requérante écartée.

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne l'incompétence du signataire de l'arrêté :

4. Par un arrêté du 31 janvier 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de Saône-et-Loire a donné délégation à M. David-Anthony Delavoet, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'État dans le département. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux manque en fait.

En ce qui concerne les motifs du refus d'autorisation :

5. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la décision prise par l'administration, et celui des règles de fond relatives à la protection de l'environnement régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.

6. Aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, alors applicable : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : / 1°Une phase d'examen ; / 2° Une phase de consultation du public ; / 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. ". Aux termes de l'article R. 181-16 de ce code : " (...) Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; (...) / 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. ".

7. Pour refuser d'accorder l'autorisation sollicitée sur le fondement des 1° et 3° de l'article R. 181-34 précité, le préfet s'est fondé sur les motifs tirés de ce que, d'une part, l'étude d'impact était incomplète, d'autre part, le projet portait atteinte à des paysages et sites.

S'agissant du caractère incomplet de l'étude d'impact :

8. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable : " (...) III. L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact ", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage. / L'évaluation environnementale permet de décrire et d'apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur les facteurs suivants : (...) ; 2° La biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés au titre de la directive 92/43/ CEE du 21 mai 1992 et de la directive 2009/147/ CE du 30 novembre 2009 (...) / Les incidences sur les facteurs énoncés englobent les incidences susceptibles de résulter de la vulnérabilité du projet aux risques d'accidents majeurs et aux catastrophes pertinents pour le projet concerné (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code, dans sa version applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. (...)/ II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement (...) ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : (...) la biodiversité, (...) ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) / VIII. - Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : (...) c) Si nécessaire, l'autorité compétente demande au maître d'ouvrage des informations supplémentaires à celles fournies dans l'étude d'impact, mentionnées au II et directement utiles à l'élaboration et à la motivation de sa décision sur les incidences notables du projet sur l'environnement prévue au I de l'article L. 122-1-1. ".

9. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet a constaté que, faute pour le pétitionnaire d'avoir recherché la présence éventuelle de sites de nidification de rapaces dans un rayon de cinq kilomètres et réalisé des mesures acoustiques des chiroptères à hauteur de pales sur un cycle biologique complet, les inventaires de biodiversité et les analyses associées demeuraient insuffisants pour caractériser les enjeux relatifs à ces espèces protégées et qu'il n'était pas possible de conclure à l'absence d'impact résiduel du projet sur ces espèces, pour finalement retenir que, malgré une demande en ce sens, et malgré une diminution du nombre d'aérogénérateurs, il n'avait pas complété son dossier sur ces points.

Quant aux sites de nidification des rapaces :

10. Il résulte de l'instruction qu'un pré-diagnostic ornithologique a permis de relever, à partir de données bibliographiques, puis d'investigations de terrain, la présence potentielle sur le site de quatre-vingt-onze espèces nicheuses, dont vingt-deux patrimoniales, et en particulier l'Aigle botté, le Milan royal, la Bondrée apivore, le Busard Saint-Martin, le Circaète Jean-le-blanc, l'Engoulevent d'Europe et le Milan noir. Une attention particulière a été portée à l'Aigle botté et au Milan royal, classés vulnérables sur la liste rouge française des oiseaux, pour lesquels il a été conclu que la zone de nidification se trouvait dans la vallée de la Loire, située à treize kilomètres.

11. Ce pré diagnostic a été complété par des expertises réalisées sur le terrain, dans l'aire d'étude immédiate du projet. Les inventaires de terrain en période de nidification ont permis de recenser plus précisément, dans la zone ouest, où sont implantées les éoliennes, plusieurs rapaces dont la Bondrée apivore (un maximum de trois individus), la Buse variable (un maximum de onze individus), la Chouette hulotte (un maximum de deux individus), le Faucon crécerelle (un maximum de un individu), le Faucon hobereau (un maximum de un individu), le Milan noir (un maximum de seize individus) et le Milan royal (un maximum de un individu), sans identification d'aucun site de nidification. Pour le reste, l'étude s'est limitée à exposer en quoi le Milan royal contacté correspondait à un individu erratique ne nichant pas à proximité du site, que le Busard Saint-Martin ne nichait pas non plus dans le secteur du projet et que le degré de probabilité que la Bondrée apivore, la Buse variable et la Chouette hulotte se reproduisent dans la zone était possible, et seulement probable pour le Milan noir dans des boisements situés sur le site ou à proximité.

12. Contrairement à ce que fait valoir le préfet, l'attention portée par la société aux espèces de rapaces patrimoniaux sensibles ne s'est pas limitée au pré-diagnostic. Le préfet reconnaît lui-même que les inventaires réalisés par la société pétitionnaire correspondent aux recommandations, certes dépourvues de valeur réglementaire, qui figurent dans le guide de " Dérogation à la protection des espèces sauvages de faune et de flore - Cadre méthodologique " de la DREAL Bourgogne-Franche-Comté. Mais il relève l'insuffisance du périmètre des inventaires, et en particulier de la recherche de nids qui a été cantonnée à l'aire d'étude immédiate, rappelant que les rapaces diurnes, du fait de leur biologie, utilisent des territoires vastes de plusieurs kilomètres. Il s'appuie à cet égard sur la version révisée d'octobre 2020 du " guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éolien terrestres " préparé par le ministère de la transition écologique et sur un document de juin 2021 émanant de la LPO de Bourgogne-Franche-Comté intitulé " Outils d'aide à l'identification des enjeux - Volet reproduction et hivernage ". Le guide prévoit que l'étude de terrain des oiseaux nicheurs doit être réalisée dans l'aire d'étude immédiate, c'est-à-dire la zone tampon de plusieurs centaines de mètres autour du projet, mais qu'une étude élargie des populations peut être envisagée sur une partie de l'aire d'étude rapprochée, soit dans un rayon d'environ six à dix kilomètres autour de la zone d'implantation possible, notamment en cas de rapaces patrimoniaux, en cas d'enjeux importants concernant des oiseaux nicheurs sensibles au sein de l'aire d'étude immédiate et d'impacts potentiels importants. Ce guide précise également que, pour l'avifaune nicheuse, s'agissant des rapaces diurnes à fort enjeu, il est attendu des précisions sur la localisation du nid ou de la zone envisagée au sein de l'aire d'étude rapprochée. Quant au document de la LPO, il préconise, pour le Milan royal, le Busard Saint-Martin, le Circaète Jean-le-Blanc et l'Aigle botté, une recherche bibliographique dans un rayon de quinze kilomètres, puis un rayon de prospection de cinq kilomètres.

13. Même si, comme il a déjà été dit, les préconisations contenues dans le guide ministériel et le document de la LPO sont dépourvues de valeur réglementaire, rien ne permettant d'ailleurs de dire que le dossier du projet était complet au regard de ce guide, il apparaît, en l'espèce, compte tenu de la détection de rapaces diurnes à forte patrimonialité dans la zone d'implantation immédiate du projet, que le préfet a pu estimer que l'étude d'impact devait, pour être suffisante, être complétée par des investigations et une analyse sur la présence éventuelle de sites de nidification de ces rapaces dans un périmètre de cinq kilomètres autour de la zone d'implantation.

Quant aux chiroptères :

14. Il résulte de l'instruction que l'étude chiroptérologique présentée par le pétitionnaire est fondée sur un pré-diagnostic établi à partir des connaissances disponibles sur la base d'un inventaire des espèces de chiroptères potentiellement présentes dans la zone d'implantation du projet, complété par des écoutes ultra sonores dans ce secteur. Il en est résulté que les enjeux sont forts à l'endroit des linéaires boisés, modérés dans les boisements (potentialités de gîtage) et faibles dans les champs et prairies. Ce pré diagnostic a été complété par des expertises de terrain avec la mise en place de trois protocoles d'écoute ultrasonores qui ont consisté à effectuer des détections, pour le premier, au sol, en phases de transits automnaux, printaniers et de mise à bas, en vingt-quatre points, pour le deuxième, en altitude, en phase de transit printanier, avec utilisation d'un ballon captif et d'un appareil d'enregistrement déporté à cinquante mètres de hauteur, pendant quatre passages d'écoute, soit 38 h 06, permettant de capter les signaux des chiroptères jusqu'à cent-cinquante mètres de hauteur, et pour le dernier, en continu entre le 15 septembre 2015 et le 13 septembre 2016, avec l'utilisation d'un détecteur sur le tronc d'un arbre feuillu, dans un alignement d'arbres, à environ cinq mètres du sol, afin de repérer les signaux émis par les chauves-souris, jusqu'à cent mètres pour les espèces à haute capacité d'émission comme les noctules. Un total de quatre sessions d'écoute a été réalisé en 2015 et 2016.

15. Le préfet a demandé au pétitionnaire de compléter ses études par une écoute en altitude en continu, en un point fixe, sur un cycle biologique complet. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation des éoliennes est en lisière d'espaces boisés, au sein d'un maillage bocager très dense qui constitue un habitat particulièrement favorable aux chauves-souris, à proximité de zones reconnues comme présentant un intérêt important d'un point de vue faunistique comme la zone Natura 2000 " Bocage, forêts et milieux humides du sud-Morvan " située à quatre kilomètres cent au nord du projet, où évoluent différentes espèces de chauve-souris ou encore la ZNIEFF de type 2 " Haut-Morvan et Morvan-sud ", située à huit kilomètres au nord du projet, qui abrite la pipistrelle commune. Le pré-diagnostic de la zone avait permis d'identifier la présence d'une vingtaine d'espèces sur les vingt-cinq présentes en Bourgogne. Par ailleurs, au vu de l'étude écologique, il semblerait que des populations de Pipistrelles communes et de Pipistrelles de Khul sont hébergées dans des cavités d'arbres situés à proximité du projet, différents gites d'été ayant été identifiés dans le secteur. L'ensemble de ces éléments justifiaient que les études sur ces mammifères soient particulièrement approfondies et précises. Si la société pétitionnaire a procédé à des écoutes sur un cycle biologique complet, au sol et à cinq mètres du sol, pendant des durées significatives, de telles écoutes ne permettent pas, eu égard à la portée des fréquences qu'émettent certaines chauves-souris, de capter la même activité que celle qui l'est dans le cas des écoutes faites en altitude, au plus près de la hauteur des pales. Or elle n'a procédé à des écoutes en altitude qu'au cours du transit automnal. Le guide ministériel, déjà évoqué, recommande de procéder à des écoutes en altitude lorsque les parcs éoliens sont implantés en forêt, comme c'est partiellement le cas ici, ou lorsque des enjeux forts ont été analysés. Dans ces conditions, et même en admettant que, contrairement à ce qu'indique le document intitulé " diagnostic chiroptérologique des projets éoliens terrestre ", actualisé en 2016, établi par la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) et dont le préfet se prévaut, les écoutes réalisées par ballon captif seraient fiables, il n'apparaît pas ici que, en dépit d'enjeux dont l'importance justifiait des informations aussi complètes que possible, les écoutes réalisées par l'exploitante auraient suffi pour analyser l'activité des chiroptères sur l'intégralité d'un cycle biologique en altitude. Le fait que la société pétitionnaire a décidé de recourir à des mesures de bridage ainsi qu'à un suivi de la mortalité des chiroptères après mise en service et qu'elle a qualifié de très fort la sensibilité de l'ensemble des milieux naturels des aires rapprochées ne saurait permettre de pallier l'insuffisance de son étude, l'appréciation du niveau de risques nets, après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction, exigeant une évaluation précise et au plus près de la réalité de la situation initiale des populations de chauve-souris.

16. Si la société fait valoir qu'elle a entrepris depuis le mois de mai 2022 des études complémentaires concernant les rapaces et l'analyse de leurs sites de nidification dans un rayon de cinq kilomètres autour du projet et procédé depuis lors à des écoutes en altitude sur un cycle biologique complet, alors qu'elle n'a pas apporté les compléments que le préfet, le 23 octobre 2020, lui avait demandé de produire sur ces deux points dans un délai de douze mois, une telle circonstance n'a pu avoir pour effet de régulariser le dossier de demande d'autorisation. Dans ces conditions, et alors qu'il appartient au juge d'apprécier le respect des règles de procédure au vu des éléments de fait et de droit en vigueur à la date de la décision contestée, le caractère demeuré incomplet du dossier faisait obstacle à la délivrance de cette autorisation conformément au 1° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.

S'agissant de l'atteinte aux paysages et sites :

17. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

18. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet a également retenu que le projet portait atteinte au paysages et sites de Bibracte-Mont Beuvray, classé Grand site de France, et de l'église d'Issy-l'Evêque, classée monument historique, et de son bourg.

19. Il résulte de l'instruction que le projet litigieux se trouve sur les contreforts sud du Morvan, dans un secteur très vallonné. Les éoliennes sont implantées sur une ligne de crête, sur des collines boisées, dont l'altitude est comprise entre trois-cent-dix et trois-cent-soixante-cinq mètres. Les environs sont constitués d'un paysage rural, ondulé, ouvert sur des prairies quadrillées de réseaux de haies. A des petits bourgs, comme celui d'Issy-L'Evêque, s'ajoutent de nombreux hameaux et fermes isolées. Les reliefs du Morvan cadrent les vues au nord.

20. Le site archéologique Bibracte-Mont Beuvray, monument historique classé depuis 1984, qui accueille près de cent mille visiteurs par an, jouit du label Grand site de France, attribué en 2007, puis renouvelé en dernier lieu le 5 août 2022. Depuis ce site, situé à une vingtaine de kilomètres au nord du projet, quelques points de vue offrent un panorama remarquable. Les éoliennes du projet ne seront visibles que depuis le panorama de la Terrasse qui s'ouvre vers le sud. Ce panorama offre une vue très lointaine, dégagée, où apparaissent en premier plan les flancs boisés du mont Beuvray, puis des monts boisés ainsi que des lignes de crêtes, enfin, au loin les bocages et la plaine agricole. Si ce paysage, quasiment dépourvu d'infrastructures, presque inchangé depuis deux mille ans, offre une perception proche de celle que pouvaient avoir les fondateurs de l'ancienne capitale éduenne, le parc éolien de la Chapelle-au-Mans, dont les quatre éoliennes mesurent cent-quatre-vingt mètres de haut, situé quasiment dans le même angle de vue que le projet litigieux, a déjà été construit à une trentaine de kilomètres et, bien que visible, ne porte pas atteinte à la qualité du panorama perçu. Même situé plus près, le projet litigieux est cependant éloigné de plus de vingt kilomètres du Mont Beuvray. Bien que visibles avec le parc d'ores-et-déjà construit depuis le panorama de la Terrasse, il n'apparaît pas que les éoliennes litigieuses occuperont une place prégnante dans le paysage lointain qui restera, malgré tout, très lisible depuis ce point de vue, en particulier le Signal de Mont, d'autant plus que le nombre d'éoliennes finalement retenu et leur implantation limitent leur perception depuis le Mont Beuvray. Si le projet en cause est prévu au sein de la zone d'exclusion des éoliennes définie dans l'" aire de préservation paysagère du grand site de France Bibracte-Mont Beuvray au regard des projets éoliens " établie en juillet 2021 par la DREAL Bourgogne- Franche Comté et la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, un tel document reste dépourvu de caractère réglementaire, son existence ne pouvant suffire à justifier un refus d'autorisation. Les vues vers le Mont Beuvray ne paraissent pas non plus altérées par le parc éolien litigieux. Enfin si, en l'absence de grandes sources lumineuses, ce site est remarquable pour la qualité de ses ciels nocturnes, la distance d'éloignement des éoliennes du site le préservera de toute pollution lumineuse en provenance du projet, alors que plusieurs autres sources lumineuses aux alentours existent. Ainsi, en l'espèce, et bien que le directeur de l'établissement public de coopération culturelle de Bibracte, la DRAC, le service biodiversité eau patrimoine de la DREAL ont chacun pour ce motif rendu un avis défavorable au projet, la société Parc éolien de Marly est, compte tenu de ce qui a été indiqué précédemment, fondée à soutenir que le préfet ne pouvait refuser d'accorder l'autorisation sollicitée par le motif que le projet portait atteinte à ce grand site.

21. Quant à l'atteinte à l'église d'Issy-l'Évèque, classée au titre des monuments historiques, avec un écrasement du village dans un rapport d'échelle préjudiciable tenant à la hauteur de deux-cents mètres des éoliennes face à des habitations d'une quinzaine de mètres et le clocher d'une trentaine de mètres maximum, il apparaît que la machine la plus proche se situe à un peu moins de trois kilomètres du centre du bourg et que ce dernier, qui est implanté à flanc de colline, est séparé du projet par le relief et des boisements qui cachent en partie les mâts. Les éoliennes ne seront pas visibles depuis le centre du bourg et en particulier depuis l'église. Seules certaines routes d'accès au bourg, en particulier la RD 141 offre des points de covisibilité entre d'un côté le village et surtout les toits des constructions et son église, dont la façade et le clocher émergent et, de l'autre, les éoliennes, en particulier E3 et E4, qui surplombent le bourg mais ne sont qu'en partie visibles. Par ailleurs, si les éoliennes sont également visibles depuis la RD 42, située au sud-est, elles sont partiellement masquées par la végétation. Dans ces circonstances, et en l'absence d'effet d'écrasement caractérisé du village, la société Parc éolien de Marly est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait refuser d'accorder l'autorisation sollicitée au motif que le projet portait atteinte à ces lieux.

22. Toutefois, et comme il a été vu, le préfet, sur le seul fondement du 1 de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, ne pouvait que refuser l'autorisation sollicitée.

23. Il résulte de ce qui précède que la société Parc éolien de Marly n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Marly-sous-Issy. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Sauvegarde Sud-Morvan est admise.

Article 2 : La requête de la société Parc éolien de Marly est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de Marly, au préfet de Saône-et-Loire, à l'association Sauvegarde Sud-Morvan et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la commune de Marly-sous-Issy.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-Larcher

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02644

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02644
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;22ly02644 ?
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