La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2024 | FRANCE | N°23LY01640

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 12 juin 2024, 23LY01640


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et fam

iliale " ou " salarié ", ou de procéder au réexamen de sa demande.



Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n°2209339 du 24 avril 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Ain de délivrer à M. A... B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 avril 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient que :

- la demande de titre de séjour n'était pas accompagnée de l'autorisation de travail ;

- la demande d'autorisation de travail, à la supposer dûment présentée par la seule production d'un imprimé Cerfa, n'était pas complète ;

- M. A... B... exerçait déjà l'activité objet de la demande ;

- la fraude commise par M. A... B... en vue de l'obtention de son contrat de travail fonde le refus de délivrance du titre de séjour salarié, alors même que l'emploi est au demeurant sans lien avec les diplômes et la formation de l'intéressé ;

- les moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, M. A... B..., représenté par Me Bescou, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la préfète de l'Ain ne sont pas fondés et reprend les moyens invoqués en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure ;

- et les observations de Me Guillaume, représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien, a fait l'objet d'un arrêté du 25 novembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. La préfète de l'Ain interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 visé ci-dessus : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention 'salarié' ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Selon l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...). ". En vertu de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur (...) ". L'article R. 5221-12 de ce code précise que la liste des documents à présenter à l'appui d'une demande d'autorisation de travail est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. L'arrêté interministériel du 28 octobre 2016 précise la liste des pièces que l'employeur qui sollicite une autorisation de travail préalable à la délivrance, au bénéfice du ressortissant étranger concerné, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", doit joindre au formulaire de demande qu'il a renseigné. Aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet (...) ". Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ".

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente.

4. En premier lieu, alors même que M. A... B... a également présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail, il ressort des termes de la décision attaquée que pour refuser de délivrer le titre de séjour portant la mention " salarié " sollicité par M. A... B... sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé, la préfète de l'Ain s'est bornée à constater qu'il n'avait pas produit, à l'appui de sa demande, un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Toutefois, ainsi que l'intéressé le faisait valoir en première instance et que la préfète de l'Ain le reconnaît dans ses écritures en appel, le dossier de demande de titre de séjour comprenait un imprimé " Cerfa " en vue de la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée par les dispositions du code du travail citées au point 2, qui était signé par M. A... B... et son employeur. Le dossier déposé le 16 septembre 2022 contenait également une lettre de motivation pour l'emploi en qualité de magasinier que M. A... B... devait occuper, et un extrait " Kbis " de la société employeur. Si la préfète soutient que l'autorisation de travail, et non la demande d'une telle autorisation, devait être jointe à la demande de titre, il lui revenait, en sa qualité d'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de travail ou viser le contrat de travail présenté au soutien d'une demande d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et en application des dispositions de l'article R. 5221-17 du code du travail, d'instruire une telle demande d'autorisation de travail avant de statuer sur la demande de titre de séjour qui lui était soumise, ainsi que les premiers juges l'ont retenu à bon droit. La préfète de l'Ain ne peut par ailleurs utilement soutenir que la demande d'autorisation de travail ne comportait pas l'ensemble des pièces ou informations exigées par l'arrêté du 28 octobre 2016 fixant la liste des pièces à fournir pour l'exercice, par un ressortissant étranger, d'une activité professionnelle salariée, au demeurant abrogé par un arrêté du 1er avril 2021, dès lors que le motif de refus opposé au requérant n'est pas relatif au caractère incomplet de cette demande. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'infraction au code du travail que l'exercice de l'activité professionnelle poursuivie par M. A... B... constituerait, dès lors qu'un tel motif, qui n'a pas davantage été retenu dans la décision attaquée, ne relève pas des conditions dont la méconnaissance est susceptible d'être opposée aux termes des dispositions rappelées au point 2. La préfète de l'Ain n'est donc pas fondée à soutenir, dès lors qu'elle s'est abstenue d'instruire la demande d'autorisation de travail qui lui était soumise et de statuer sur celle-ci, que sa décision ne serait pas entachée d'un défaut d'examen de la situation de M. A... B....

5. En deuxième lieu, la préfète de l'Ain demande pour la première fois en appel que le motif tiré de la fraude, de nature à justifier le refus de délivrance du titre de séjour portant la mention " salarié " en litige, soit substitué au motif erroné de sa décision. Elle soutient que M. A... B... a obtenu le contrat de travail dont il s'est prévalu dans le cadre de sa demande de titre de séjour en présentant à l'employeur une carte nationale d'identité belge qui s'est révélée, après avis de la " cellule fraude documentaire et à l'identité " de la police aux frontières, être un faux document. Toutefois, tant le courrier de l'employeur de M. A... B... du 8 décembre 2022 faisant état d'une procédure de licenciement engagée à son encontre compte tenu de la présentation de cette carte d'identité belge, laquelle au demeurant n'était pas visée par le contrat de travail, que le message électronique de la direction zonale de la police aux frontières du Rhône du 3 janvier 2023 indiquant que cette carte constitue un faux, relèvent de circonstances postérieures à la décision en litige qui sont sans incidence sur celle-ci et qui, en tout état de cause, ne sauraient à elles seules établir la fraude dont la préfète se prévaut.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 25 novembre 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à l'encontre de M. A... B... et fixant le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction :

7. Le jugement en litige, annulant l'arrêté du 25 novembre 2022 au motif d'un défaut d'examen de la demande de titre de séjour, impliquait seulement que la préfète de l'Ain statue à nouveau sur la situation de M. A... B.... Les conclusions incidentes de ce dernier tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, doivent par suite être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... B... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais qu'il a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Ain est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... B... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de l'Ain et à M. D... A... B....

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01640
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23ly01640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award