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12/06/2024 | FRANCE | N°23LY01596

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 12 juin 2024, 23LY01596


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 14 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Drôme a implicitement refusé de renouveler sa carte de résident, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de résident.



Par un jugement n° 2000457 du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un m

émoire en réplique, enregistrés les 10 mai 2023 et 9 mai 2024, M. B..., représenté par Me Bechaux, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 14 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Drôme a implicitement refusé de renouveler sa carte de résident, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 2000457 du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mai 2023 et 9 mai 2024, M. B..., représenté par Me Bechaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Drôme du 14 octobre 2019 portant refus de renouvellement de sa carte de résident et délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et la décision implicite portant refus de renouvellement de cette carte ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Drôme de lui délivrer une carte de résident, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros hors taxes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la substitution de base légale opérée en première instance l'a privé d'une garantie procédurale en ne le mettant pas à même de faire des observations pertinentes au regard du texte qui pouvait fonder le retrait de sa carte de résident ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ni caractérisé la menace à l'ordre public que son comportement pourrait représenter ; le préfet de la Drôme a ainsi commis une erreur de droit et c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande substitution de motifs ;

- au regard des faits reprochés, de leur caractère isolé et du quantum de la peine prononcée, son comportement ne saurait être qualifié de menace grave à l'ordre public et n'aurait pas légalement justifié qu'une mesure d'expulsion soit prise à son encontre ;

- au regard d'une part de la faible gravité des faits reprochés, d'autre part de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et de son intégration professionnelle, la décision de non-renouvellement de sa carte de résident, qui emporte des conséquences importantes sur sa situation personnelle, était manifestement disproportionnée ;

- le préfet de la Drôme a commis une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 8 mars 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1986, est entré en France en 2005 et a obtenu un premier titre de séjour en tant que parent d'enfant français valable du 25 février 2008 au 24 février 2009. Il a ensuite obtenu une carte de résident pour une durée de dix ans valable du 16 octobre 2009 au 24 février 2019. Le 16 janvier 2019, il a demandé le renouvellement de sa carte de résident. Par courrier du 8 avril 2019, le préfet de la Drôme l'a informé qu'il envisageait de lui retirer sa carte de résident au vu des condamnations figurant sur l'extrait de son casier judiciaire, l'a invité à présenter ses observations et lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'un an. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Drôme du 14 octobre 2019 portant refus de renouvellement de sa carte de résident.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien susvisé : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) ". Aux termes l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 314-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " La carte de résident est valable dix ans. Sous réserve des dispositions des articles L. 314-5 et L. 314-7, elle est renouvelable de plein droit ". Aux termes de l'article L. 314-6-1 du même code, dans sa version alors applicable, ultérieurement repris à l'article L. 432-12 de ce code : " La carte de résident d'un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 peut lui être retirée s'il fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement des articles 433-3, 433-4, des deuxième à quatrième alinéas de l'article 433-5, du deuxième alinéa de l'article 433-5-1 ou de l'article 433-6 du code pénal. / La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" lui est délivrée de plein droit ". Aux termes de l'article 433-6 du code pénal : " Constitue une rébellion le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant, dans l'exercice de ses fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique, des décisions ou mandats de justice ".

3. Il résulte de ces dispositions que la carte de résident peut être retirée à un étranger qui a notamment commis l'infraction de rébellion à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Si aucune restriction tenant à l'existence d'une menace à 1'ordre public n'est prévue au renouvellement d'une carte de résident, qui est de plein droit, l'autorité administrative peut toutefois refuser ce renouvellement à un étranger qui ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait l'objet d'une condamnation définitive sur le fondement des articles du code pénal mentionnés au point précédent, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " lui étant alors délivrée de plein droit.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été définitivement condamné le 1er juillet 2015 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de rébellion commis le 9 mars 2014 réprimés par l'article 433-6 du code pénal auquel renvoie l'article L. 314-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En premier lieu, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

6. Si M. B... soutient que la substitution de base légale opérée en première instance l'a privé d'une garantie procédurale en faisant obstacle à la possibilité de présenter des observations pertinentes au regard du texte qui pouvait fonder le retrait de sa carte de résident, il ressort d'une part des pièces du dossier de première instance que la préfète de la Drôme a indiqué, en réponse au moyen d'ordre public communiqué par le tribunal, que sa décision pouvait être fondée sur l'article L. 314-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de la condamnation à six mois d'emprisonnement dont M. B... a fait l'objet pour des faits de rébellion, d'autre part, que celui-ci a fait valoir ses observations sur ce point, et en particulier sur cette condamnation. En outre, il ressort du courrier envoyé le 8 avril 2019 que le préfet de la Drôme avait informé M. B... de ce qu'il envisageait de lui retirer sa carte de résident au vu des condamnations figurant sur l'extrait de son casier judiciaire, notamment pour les faits de rébellion pour lesquels il a été condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté et, à supposer ce moyen invoqué, que le jugement serait entaché d'irrégularité.

7. En deuxième lieu, alors qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a rappelé les condamnations dont le requérant a fait l'objet, que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et qu'il ne remplissait plus de ce fait les conditions pour détenir un titre de séjour valable dix ans, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait ni procédé à un examen particulier de sa situation ni caractérisé la menace à l'ordre public que pourrait représenter son comportement, ni qu'il aurait commis une erreur de droit en estimant que cette condamnation devait entraîner un refus de renouvellement de son titre de séjour.

8. En troisième lieu, en dépit du caractère isolé des faits reprochés et du quantum de la peine prononcée, le préfet, qui n'a pas retenu que le comportement de M. B... pouvait être qualifié de menace grave à l'ordre public, a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que l'intéressé relevait d'une condamnation définitive au sens des dispositions de l'article L. 432-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visant certaines infractions d'atteintes à l'administration publique portées au chapitre III du titre III du livre IV du code pénal, de nature à faire obstacle au renouvellement de sa carte de résident.

9. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux relevés au point précédent, nonobstant la durée du séjour en France de M. B..., sa situation familiale et son intégration professionnelle, la décision de refus de renouvellement de sa carte de résident n'est pas manifestement disproportionnée, alors par ailleurs qu'il a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui l'autorise à séjourner et travailler en France, où il a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01596
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BECHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23ly01596 ?
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