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12/06/2024 | FRANCE | N°23LY00771

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 12 juin 2024, 23LY00771


Vu les procédures suivantes :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Savoie l'a placée à titre conservatoire en disponibilité d'office, à compter du 29 septembre 2021, et l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel cette même autorité l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée d'un an, à compter

du 29 septembre 2021, d'autre part, d'enjoindre au SDIS de la réintégrer sur un emploi compat...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Savoie l'a placée à titre conservatoire en disponibilité d'office, à compter du 29 septembre 2021, et l'arrêté du 1er décembre 2021 par lequel cette même autorité l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée d'un an, à compter du 29 septembre 2021, d'autre part, d'enjoindre au SDIS de la réintégrer sur un emploi compatible avec son état de santé.

Par un jugement n° 2108736 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés et enjoint au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Savoie de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, en vue de l'affecter à partir de cette date dans tout emploi vacant correspondant à son grade et compatible avec son état de santé.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 février 2023 sous le numéro 23LY00771, et un mémoire en réplique, enregistré le 4 mars 2024 qui n'a pas été communiqué, le service départemental d'incendie et de secours de la Savoie (SDIS 73), représenté par la SCP Zribi et Texier puis par la SELARL d'avocats Benjamin Beroud, agissant par Me Beroud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108736 du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2022 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 1er décembre 2021 s'étant substitué à celui du 6 septembre 2021, la requête dirigée contre cet acte n'avait plus d'objet et le tribunal s'est mépris en ne prononçant pas de non-lieu à statuer sur ces conclusions ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'il avait méconnu les dispositions des articles 57 et 72 de la loi du 26 janvier 1984 et 1er du décret du 30 septembre 1985 en s'abstenant d'examiner sérieusement une affectation compatible avec son état de santé avant de prononcer une disponibilité d'office.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, Mme A... B..., représentée par la SELARL d'avocats Grimaldi Molina et Associés, agissant par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du SDIS de la Savoie une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et reprend ses moyens de première instance.

Par une ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2024.

Procédure d'exécution devant la cour

Par un courrier du 4 octobre 2023, Mme B... a saisi la cour administrative d'appel de Lyon d'une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement n°2108736 rendu le 30 décembre 2022 par le tribunal administratif de Grenoble.

Par une ordonnance du 25 janvier 2024, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle pour qu'il soit statué sur la demande de Mme B... tendant à l'exécution de ce jugement.

Par deux mémoires, enregistrés les 21 février et 16 mai 2024 sous le numéro 24LY00197, Mme A... B..., représentée par la SELARL d'avocats Grimaldi Molina et Associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour :

1°) de prononcer toutes mesures d'injonction nécessaires à l'exécution de l'injonction de réexamen de sa situation, et procéder à la réintégration juridique et la reconstitution de la carrière et des droits sociaux dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

2°) d'enjoindre au SDIS de la Savoie de retirer la décision illégale de son dossier individuel ;

3°) d'enjoindre au SDIS de la Savoie de lui verser les indemnités correspondant aux préjudices subis ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la période d'éviction ;

4°) de mettre à la charge du SDIS de la Savoie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a accepté une mise à disposition au sein du service emploi intérim du centre de gestion de la Savoie à compter du 15 juin 2023 ;

- le SDIS de la Savoie doit procéder à la reconstitution de sa carrière du 29 septembre 2021 au 15 juin 2023 dès lors que son éviction illégale l'a privée de ses droits en matière d'avancement d'échelon et de grade ;

- elle a droit au versement d'une indemnité correspondant aux traitements et primes dont elle avait une chance sérieuse de bénéficier, et d'une indemnité correspondant aux préjudices moraux et troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2024, le SDIS de la Savoie, représenté par la SELARL d'avocats Benjamin Beroud, agissant par Me Beroud, conclut au rejet de la demande d'exécution du jugement.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de recours indemnitaire préalable émanant de Mme B... ;

- Mme B... est en cours de détachement et la relation de travail avec le SDIS n'a pas pris fin ;

- les demandes de Mme B... doivent être rejetées.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Beroud, représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Savoie.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., rédactrice territoriale titulaire, a été recrutée en septembre 2000 par le service départemental d'incendie et de secours de la Savoie (SDIS 73) et affectée sur l'emploi d'assistante du chef de bassin opérationnel Chambéry Chartreuse en juillet 2020. Par une décision du 17 décembre 2020 et un arrêté du 28 décembre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS de la Savoie a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'elle a déclaré le 30 septembre 2020. A l'expiration de ses droits à congés de maladie ordinaire, le président du conseil d'administration du SDIS de la Savoie l'a placée, par un arrêté du 6 septembre 2021, en disponibilité d'office à titre conservatoire à compter du 29 septembre 2021, dans l'attente de l'avis du comité médical sur sa situation. Ce comité a donné un avis favorable au placement de Mme B... en disponibilité d'office pour raison de santé, le 2 novembre 2021. Au vu de cet avis, le président du conseil d'administration du SDIS de la Savoie a placé Mme B... en disponibilité d'office pour raison de santé pour une durée d'un an à compter du 29 septembre 2021, par un arrêté du 1er décembre 2021.

2. Le SDIS de la Savoie relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés des 6 septembre et 1er décembre 2021. Mme B... demande par ailleurs l'exécution de ce dernier jugement. Ces deux requêtes sont relatives à la contestation et l'exécution du même jugement, et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987, dans sa rédaction résultant du décret du 5 octobre 2011 relatif à l'extension du bénéfice du maintien du demi-traitement à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée des agents de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'agent a épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision prise au vu de l'avis du comité médical.

5. D'une part, la décision portant placement en disponibilité d'office à titre conservatoire, qui relève d'une décision provisoire, puis celle plaçant la requérante dans cette même situation mais pour raison de santé, n'ont pas le même objet. D'autre part, il ressort de l'article 3 de l'arrêté du 6 septembre 2021 plaçant Mme B... à titre conservatoire en disponibilité d'office à compter du 29 septembre 2021 dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, que le paiement de son demi-traitement a été maintenu jusqu'à la date de la décision à intervenir, en l'espèce l'arrêté du 1er décembre 2021 la plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé. Ce dernier arrêté, dès lors notamment qu'il n'a pas entendu retirer le versement à Mme B... du demi-traitement dont elle a bénéficié, n'a pas eu pour objet de retirer celui du 6 septembre 2021, quand bien même il comportait la même date de prise d'effet de la période de placement en disponibilité d'office, soit le 29 septembre 2021.

6. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'erreur en s'abstenant de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 6 septembre 2021. Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2022 susvisé n'est donc entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. D'une part, l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, repris à l'article L. 514-4 du code général de la fonction publique, dispose que : " (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2° (...) de l'article 57 (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions susvisé : " Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade./ (...) L'autorité territoriale procède à cette affectation après avis du service de médecine professionnelle et de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. ".

9. Il résulte de ces dernières dispositions que, contrairement à ce que soutient l'administration appelante, l'affectation d'un fonctionnaire placé en congé de maladie ordinaire dans un autre emploi de son grade requiert l'avis du comité médical. Il n'incombe pas à l'agent de démontrer que les postes éventuellement proposés seraient compatibles avec son état de santé.

10. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental de la Savoie a, par un avis du 1er juin 2021, reconnu Mme B... totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions d'assistante du chef du bassin opérationnel Chambéry-Chartreuse, mais pas à toute fonction. Par un second avis du 2 novembre 2021, le même comité a confirmé ce premier avis et précisé qu'il convenait d'étudier un changement d'affectation avant d'envisager un reclassement, en accord avec le médecin du travail. Le SDIS fait valoir qu'aux termes d'un avis rendu le 26 novembre 2021, le médecin de prévention a considéré qu'aucun des trois postes de rédacteurs territoriaux vacants et susceptibles d'être proposés à Mme B... en son sein sur la période en litige, notamment celui d'assistante du chef du bassin opérationnel d'Aix les Bains correspondant au grade de rédacteur territorial, n'était compatible avec son état de santé. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par le SDIS que la possibilité d'affectation de Mme B... sur ces emplois aurait été soumise à l'avis du comité médical, conformément à l'article 1er du décret du 30 septembre 1985, quand bien même ce comité avait préconisé de recueillir l'accord du médecin de prévention sur ce point. Dès lors, en s'abstenant de demander l'avis du comité médical pour l'affectation de Mme B... sur un autre emploi de son grade, l'administration a méconnu les dispositions précitées. Cette irrégularité, qui a privé Mme B... d'une garantie, a également fait obstacle à la possibilité d'une affectation sur un autre emploi et a exercé une influence sur le sens des décisions la plaçant en disponibilité d'office.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le SDIS de la Savoie n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés des 6 septembre et 1er décembre 2021 relatifs au placement de Mme B... en disponibilité provisoire et d'office.

Sur l'exécution du jugement :

13. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'en l'absence de définition, par la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. D'autre part, il appartient au juge d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

14. En exécution d'un jugement annulant une décision illégale d'éviction d'un agent public, l'autorité administrative est tenue de procéder d'office, sans qu'il soit nécessaire que l'intéressé en fasse la demande, à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière. Quels que soient les motifs d'annulation de la décision d'éviction, cette reconstitution de carrière, qui revêt un caractère rétroactif, soit à compter de la date d'effet de l'éviction illégale, comprend la reconstitution des droits sociaux, notamment des droits à pension de retraite, que l'agent aurait acquis en l'absence de cette éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. En outre, il incombe également à l'autorité administrative, de sa propre initiative, de régler la situation de l'agent pour l'avenir, notamment en procédant, en principe, à sa réintégration effective ou, le cas échéant, en prenant une nouvelle décision d'éviction.

15. Par le jugement dont l'exécution est demandée, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que celui-ci impliquait seulement, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que l'administration procède au réexamen de la situation administrative de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de sa notification et qu'elle l'affecte, à partir de cette date, dans tout emploi vacant correspondant à son grade et compatible avec son état de santé.

16. En premier lieu, il résulte tant des écritures de la requête d'appel du SDIS que de celles de Mme B... dans la demande d'exécution, qui reconnaît d'ailleurs que le jugement a été exécuté sur ce point, qu'après la mise en œuvre d'une médiation qui a pris fin le 26 avril 2023 sans qu'un accord ait été trouvé, l'agente a été mise à la disposition du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Savoie du 15 juin au 31 août 2023 par un arrêté de la présidente du conseil d'administration du SDIS du 12 juin 2023, pour exercer les fonctions de gestionnaire au service intérim de ce centre de gestion. Mme B... a ensuite, après que le comité médical a rendu un avis favorable à l'exercice de nouvelles responsabilités lors de sa séance du 8 juin 2023, été détachée à compter du 1er septembre 2023 auprès de la direction départementale des territoires de la Savoie, par un arrêté de la présidente du conseil d'administration du SDIS du 31 juillet 2023.

17. En deuxième lieu, contrairement à ce que Mme B... soutient, l'exécution du jugement en litige n'impliquait aucunement que le SDIS de la Savoie verse une indemnité en réparation des préjudices moraux et des troubles dans ses conditions d'existence dont elle se prévaut, qui seraient nés des décisions annulées, cette demande relevant d'un litige indemnitaire distinct.

18. En troisième lieu, en revanche, ainsi qu'il résulte des principes rappelés au point 14, le SDIS de la Savoie est tenu de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de Mme B... pour la période allant du 29 septembre 2021 au 15 juin 2023, et de verser à l'intéressée le montant du traitement et des éventuelles primes ou indemnités auxquelles elle peut prétendre au regard de la réglementation applicable, incluant l'indemnité relative aux congés non pris. La reconstitution de carrière d'un agent irrégulièrement évincé implique également nécessairement la régularisation de son affiliation à la caisse de retraite de laquelle il aurait relevé en l'absence d'intervention de la décision illégale et, par suite, le versement par l'employeur des cotisations correspondantes.

19. Enfin, si Mme B... demande qu'il soit enjoint au SDIS de retirer " la décision illégale de son dossier ", elle ne précise pas la nature de la décision dont elle fait état, alors au surplus que l'exécution du jugement n'implique pas qu'une décision annulée soit retirée de son dossier.

20. Il résulte de ce qui précède qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au SDIS de la Savoie de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de Mme B... pour la période du 29 septembre 2021 au 15 juin 2023, dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SDIS de la Savoie une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme que le SDIS demande à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il est enjoint au SDIS de la Savoie de procéder à la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de Mme B... pour la période du 29 septembre 2021 au 15 juin 2023, dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai.

Article 2 : Le SDIS de la Savoie versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... et la requête du SDIS de la Savoie sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

La présidente rapporteure,

Emilie FelmyL'assesseur le plus ancien,

Joël Arnould

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°s 23LY00771, 24LY00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00771
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Disponibilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP ZRIBI & TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23ly00771 ?
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