Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association France Nature Environnement (FNE) Ain a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet de l'Ain a délivré à la société Cemex Granulats Rhône Méditerranée une autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement en vue de l'exploitation d'une carrière alluvionnaire sur le territoire de la commune de Jayat.
Par un jugement n° 2002847 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juillet 2022, 28 août 2023, 27 septembre 2023 et 10 novembre 2023, l'association France Nature Environnement (FNE) Ain, représentée par Me Dubreuil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2019 ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est recevable dès lors qu'elle justifie d'un intérêt pour agir ;
- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir rouvert l'instruction suite à la production de sa note en délibéré ; la juridiction ne pouvait prendre en compte le fait que le SDAGE 2016-2021 n'était plus en vigueur alors que l'association avait porté à sa connaissance l'adoption et l'entrée en vigueur, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'un nouveau SDAGE comprenant des dispositions similaires (voire renforcées) sur la protection des zones humides, constituant un changement de circonstances de droit qui rendait la critique de l'association toujours pertinente dans le cadre d'un contentieux de pleine juridiction ;
- son moyen selon lequel le pétitionnaire se contentait d'examiner la compatibilité de son projet avec les orientations fondamentales 6 et 8, et non avec l'ensemble des dispositions du SDAGE, aurait dû être analysé par le tribunal sous l'angle d'un moyen de légalité externe tenant à l'insuffisance du dossier de demande s'agissant de la démonstration de la compatibilité du projet avec le SDAGE, viciant également le jugement sur ce point ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le non-respect du délai d'instruction de trois mois déterminé par l'article R. 512-26 du code de l'environnement était sans influence sur la légalité de la décision préfectorale ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé de confronter l'autorisation litigieuse au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée ;
- le projet est incompatible avec le SDAGE du bassin Rhône-Méditerranée 2022-2027, en l'absence de toute mesure d'évitement et de réduction des zones humides ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté ses moyens tirés de la méconnaissance de la séquence Eviter/Réduire/Compenser et du principe de prévention : les mesures compensatoires à la destruction des zones humides sont insuffisantes pour garantir l'absence de perte nette de biodiversité ; les mesures prévues au titre du volet " réduction " sont en réalité des mesures de " compensation " ;
- l'étude d'impact est insuffisante concernant l'analyse des fonctionnalités des zones humides ; l'analyse de la destruction des zones humides n'a porté que sur le périmètre sollicité à l'autorisation de 40 ha, et non sur le périmètre élargi de 400 ha ;
- le projet est incompatible avec le Schéma régional des carrières.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 novembre 2022 et 12 septembre 2023, la société Cemex Granulats Rhône Méditerranée, représentée par la SCP Nicolaÿ-de Lanouvelle, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que l'autorisation attaquée soit régularisée, soit par la rectification de ses prescriptions, soit en accordant un sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et, à titre infiniment subsidiaire, à ce que l'autorisation en cause soit partiellement annulée et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle ne soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par ordonnance du 17 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 novembre 2023.
Par un courrier du 21 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cour est susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pour les motifs suivants :
- insuffisance de l'étude d'impact quant aux incidences du projet sur les différentes fonctionnalités des zones humides ;
- absence de démonstration, en l'état du dossier, du respect de l'équivalence fonctionnelle entre les atteintes portées aux zones humides par le projet et les gains attendus des mesures de compensation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Dubreuil pour l'association FNE Ain ainsi que celles de Me Gury pour la société Cemex Granulat Rhône-Méditerranée.
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, présentée pour l'association FNE Ain, enregistrée le 31 mai 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cemex Granulat Rhône-Méditerranée a exploité de 1999 à 2014 une carrière alluvionnaire en eau située aux lieux-dits " Petit communal ", " La Vavre ", " Les Vernays ", " Riottiers ", " Prairies de Cézille " et " Les Noretières " à Jayat (Ain). Le lac généré par l'extraction des années précédentes est devenu une base de loisirs (" La Plaine Tonique "). La station de transit et de traitement adjacente à la carrière a cependant poursuivi son activité après l'arrêt de l'exploitation de la carrière en 2014 pour traiter les matériaux issus d'une autre carrière. La société Cemex Granulat Rhône-Méditerranée a déposé, le 28 octobre 2016, une demande d'autorisation en vue d'exploiter les terrains contigus à la précédente autorisation, au titre des rubriques 2510-1 de la nomenclature des installations classées. L'autorité environnementale a rendu son avis le 5 avril 2019. L'enquête publique s'est déroulée du 13 mai au 17 juin 2019, au terme de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet. Devant la commission de la nature, des paysages et des sites qui a examiné le projet le 19 septembre 2019, l'inspecteur des installations classées a proposé au préfet de délivrer l'autorisation sollicitée. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le préfet de l'Ain a délivré à la société Cemex Granulats Rhône Méditerranée une autorisation d'exploiter une carrière alluvionnaire en eau d'une superficie totale de 473 355 m² et d'une surface exploitable de 274 119 m² pour une durée de 14 ans dont 12 ans pour l'extraction sollicitée. L'association FNE Ain relève appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lyon a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la demanderesse et tirés en particulier de l'incompatibilité du l'autorisation avec les orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Rhône-Méditerranée 2016-2021. L'association FNE Ain n'a pas saisi les premiers juges d'un moyen distinct tiré de l'insuffisance du dossier de demande s'agissant de la démonstration de la compatibilité du projet avec le SDAGE, et ne saurait reprocher aux premiers juges de ne pas s'être prononcés sur un tel moyen.
3. En second lieu, dès lors qu'ils ont écarté comme inopérant le moyen tiré de l'incompatibilité de l'autorisation avec les orientations du SDAGE du bassin Rhône-Méditerranée, et si la note en délibéré produite par l'association FNE Ain après la séance publique mais avant la lecture du jugement, faisait état de l'adoption et de l'entrée en vigueur, postérieurement à la clôture d'instruction, d'un nouveau SDAGE, cette note ne contenait aucun élément susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire qui aurait dû conduire les premiers juges à rouvrir l'instruction et à la soumettre au débat contradictoire.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'existence d'une décision implicite antérieure :
4. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article R. 512-26 du code de l'environnement, applicable aux demandes déposées avant le 1er mars 2017 : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté par le préfet à la connaissance du demandeur, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit au préfet, directement ou par mandataire. / Le préfet statue dans les trois mois à compter du jour de réception par la préfecture du dossier de l'enquête transmis par le commissaire enquêteur. En cas d'impossibilité de statuer dans ce délai, le préfet, par arrêté motivé, fixe un nouveau délai ".
5. Si ces dispositions faisaient obligation au préfet, sauf pour celui-ci à proroger la durée d'examen par arrêté motivé, de statuer dans un délai de trois mois à compter de la réception par la préfecture du dossier de l'enquête publique, l'expiration de ce délai n'a pas fait naître de décision implicite et n'a pas dessaisi l'autorité administrative, qui restait tenue de statuer sur la demande d'autorisation. Comme l'ont relevé les premiers juges, la procédure d'instruction d'une demande d'exploitation de l'installation était alors régie par des dispositions spéciales impliquant que soient prises des décisions expresses et ne relevant pas du régime des décisions implicites prévu par les articles L. 231-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, contrairement à ce que soutient l'association FNE Ain, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, sous l'empire de la réglementation alors en vigueur, alors même que le délai de trois mois mentionné ci-dessus était expiré et qu'il n'avait pas pris d'arrêté prorogeant l'instruction, que le préfet avait pu légalement se prononcer le 6 novembre 2019 sur la demande d'autorisation de carrière dont il avait été saisi par la société dès 2016.
En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact :
7. Contrairement à ce qui est soutenu, et comme l'indique l'autorité environnementale, dans son avis du 5 avril 2019, l'analyse de l'état initial a été réalisée au-delà du seul périmètre d'aménagement, sur un périmètre élargi d'environ 400 hectares. Il résulte des pièces du dossier que le périmètre du projet a été affiné en prenant en compte les impératifs géologiques, et les sensibilités des différents espaces. Le dossier de demande comporte une étude hydraulique et hydrogéologique réalisée par le bureau d'études BURGEAP, une étude écologique réalisée par le bureau d'études ECOTOPE, laquelle a notamment identifié les habitats et espèces spécifiques aux zones humides, une cartographie des zones humides issue de l'inventaire des zones humides DREAL Rhône Alpes 2014, une même cartographie issue de l'inventaire du SRCE de Rhône-Alpes, ainsi qu'un inventaire complémentaire des zones humides réalisé pour les besoins du projet (Etude d'impact, pp. 122-123). En revanche, comme l'ont relevé les premiers juges, l'étude d'impact circonscrit la description de l'état initial des zones concernées à leur fonctionnalité dans le cadre de l'accomplissement du cycle biologique. Elle n'a pas pris en compte les fonctionnalités hydrauliques et biogéochimiques des zones humides impactées par le projet. L'étude d'impact n'a ainsi pas identifié et qualifié les fonctions perdues des zones humides détruites conformément à la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides (MNEFZH) développée par l'ONEMA. Cette omission d'analyse des incidences du projet sur les différentes fonctionnalités des zones humides a pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population et a nécessairement été de nature à exercer une influence sur la définition des mesures d'évitement, de réduction et de compensations adéquates, et par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
8. En revanche, s'il est soutenu que les mesures prévues au titre du volet " réduction " sont en réalité des mesures de " compensation ", cette circonstance, de même que l'insuffisance alléguée de ces mesures, insusceptibles de caractériser une incomplétude du dossier, relèvent de la légalité interne de l'autorisation en litige.
En ce qui concerne l'incompatibilité avec le SDAGE :
9. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " (...) / XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. ".
10. Le jugement attaqué a considéré que l'autorisation en litige ne constitue pas une décision administrative dans le domaine de l'eau au sens des dispositions précitées, de sorte qu'elle n'a pas à être compatible avec les dispositions du SDAGE. Pour critiquer l'inopérance du moyen qui lui a été ainsi opposée, la requérante soutient que le projet, impliquant la destruction de plus d'un hectare de zones humides, entre dans le champ de la nomenclature " loi sur l'eau " au titre de l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Toutefois, en vertu du 3° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, l'autorisation en litige est acquise selon les dispositions procédurales qui lui sont propres. En application de l'article L. 214-7 du code de l'environnement dans sa version en vigueur jusqu'au 28 février 2017 et devenu article L. 512-16, les installations classées pour la protection de l'environnement sont soumises aux dispositions du code de l'environnement relatives aux objectifs de qualité et de quantité des eaux et " les mesures individuelles et réglementaires prises en application du titre Ier du livre V fixent les règles applicables aux installations classées ayant un impact sur le milieu aquatique, notamment en ce qui concerne leurs rejets et prélèvements ". Il en résulte que, quand bien même l'installation classée a un impact sur le milieu aquatique, la requérante ne peut utilement invoquer l'incompatibilité du projet avec le SDAGE. Ce n'est qu'à l'occasion d'une modification de l'autorisation, devenue environnementale, que le juge pourra apprécier l'incompatibilité alléguée avec le SDAGE Rhône-Méditerranée 2022-2027, approuvé par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes le 21 mars 2022.
En ce qui concerne l'insuffisance des mesures " Eviter/Réduire/Compenser " :
11. Aux termes de l'article L. 163-1 du code de l'environnement : " I. - Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l'article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification. Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état. / (...) ". Aux termes du II de l'article L. 110-1 du même code : " L[a] connaissance [des espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité], leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (...) / 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; / Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ; / (...) ".
12. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, dont les dispositions ont été rendues applicables aux autorisations d'exploiter délivrées sur demande déposée avant son entrée en vigueur en vertu des dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 de ce code : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ;/ (...) ". L'article L. 211-1-1 du même code prévoit que : " La préservation et la gestion durable des zones humides définies à l'article L. 211-1 sont d'intérêt général ".
13. Il résulte des pièces du dossier que les zones humides couvrent une surface de 40,35 ha sur le périmètre du projet, que 24,75 ha de zones humides seront directement impactés par l'activité d'extraction et que 2,67 ha seront perturbés par les activités connexes de l'extraction.
14. En l'état du dossier, compte tenu, d'une part, des insuffisances de l'étude d'impact, d'autre part, des interrogations de la mission régionale d'autorité environnementale sur la nature même des mesures de compensation prévues par le pétitionnaire, il ne résulte pas de l'instruction que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation envisagées permettraient de retrouver les fonctionnalités des zones humides détruites par le projet et d'atteindre ainsi l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire de gain de biodiversité.
S'agissant de la compatibilité avec le schéma départemental des carrières :
15. En se bornant à renvoyer à la disposition relative à la compatibilité des projets avec le SDAGE et les SAGE du Schéma régional des carrières pour la région Auvergne Rhône-Alpes selon laquelle " La réalisation des projets ne sera possible qu'à la condition que leur compatibilité avec le SDAGE du bassin correspondant soit assurée au cas par cas, par l'application du principe de non-dégradation et de la séquence "éviter-réduire compenser" (ERC) concernant les enjeux liés à l'eau " pour soutenir que cet examen doit être effectué dans le cadre de l'analyse de la compatibilité entre l'autorisation litigieuse et le schéma régional des carrières, la requérante n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires pour permettre d'en apprécier le bien-fondé.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
16. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable aux litiges engagés avant la publication de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".
17. Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18-du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée.
18. L'illégalité qui résulte de l'incomplétude de l'étude d'impact peut être régularisée par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation prise au regard d'un dossier actualisé qui sera soumis à une nouvelle enquête publique, conformément aux modalités qui suivent.
19. Le vice résultant de ce qu'en méconnaissance des dispositions citées au point 11, les mesures d'évitement, de réduction et de compensation envisagées ne permettent pas d'atteindre un objectif d'absence de perte nette de biodiversité permettant la préservation et la gestion durable des zones humides définies à l'article L. 211-1 du code de l'environnement est susceptible d'être régularisé par l'intervention d'une autorisation modificative de régularisation, prenant en compte les éléments actualisés de l'étude d'impact prévue au point précédent.
20. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, l'éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de douze mois à compter du présent arrêt.
21. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de l'association FNE Ain jusqu'à l'expiration du délai mentionné au point précédent afin de permettre la régularisation de l'autorisation environnementale en litige.
D E C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association FNE Ain pendant un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt, dans l'attente de la production, par le préfet de l'Ain, d'une autorisation modificative en vue de régulariser l'autorisation environnementale selon les modalités précisées aux points 18 et 19 du présent arrêt.
Article 2 : Pendant la période de douze mois mentionnée à l'article précédent, le préfet de l'Ain fournira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association FNE Ain, à la société Cemex Granulats Rhône Méditerranée et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02146