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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY02326

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 11 juin 2024, 23LY02326


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard, M. A... E..., Mme I... C... veuve B..., M. G... B..., M. F... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le maire des Deux Alpes a délivré à la société en nom collectif Lucéma un permis de construire une résidence de tourisme et un parking couvert, assorti de prescriptions, ainsi que la décision du 10 janvier 2018

rejetant leur recours gracieux.



Par un jugement n° 1801475 du 18 décembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard, M. A... E..., Mme I... C... veuve B..., M. G... B..., M. F... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le maire des Deux Alpes a délivré à la société en nom collectif Lucéma un permis de construire une résidence de tourisme et un parking couvert, assorti de prescriptions, ainsi que la décision du 10 janvier 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1801475 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Par un premier arrêt n° 20LY00653 du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et a sursis à statuer sur la requête d'appel de la société Lucéma jusqu'à l'expiration du délai de six mois courant à compter de la notification de son arrêt imparti à cette société pour justifier d'une mesure de régularisation des vices entachant le permis litigieux.

Un permis de construire modificatif a été délivré à la société Lucéma le 14 juin 2021 par le maire des Deux Alpes et versé à l'instruction, dont les intimés ont également demandé l'annulation.

Par un second arrêt n° 20LY00653 du 25 février 2022 mettant fin à l'instance, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le permis de construire délivré le 14 juin 2021 et rejeté l'appel de la société Lucéma.

Par une décision n° 463503 du 6 juillet 2023, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi introduit par la société Lucema, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 février 2022 et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la cour

Par des mémoires, enregistrés les 28 février et 15 mars 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence l'Etendard, M. A... E..., Mme I... C..., M. G... B..., M. F... B..., M. D... B..., représentés par Me Don Simoni, demandent à la cour :

1°) de constater que les permis de construire délivrés à la société Lucéma les 26 septembre 2017 et 14 juin 2021 ont été rapportés et que sa requête d'appel est devenue sans objet ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de la société Lucéma et d'annuler les permis de construire des 26 septembre 2017 et 14 juin 2021, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Mont de Lans et de la société Lucéma le versement de la somme de 15 000 euros eu titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en cours de procédure devant le Conseil d'État, un nouveau permis de construire a été délivré le 25 avril 2023 sur les mêmes parcelles à la SAS Eiffage Immobilier Centre Est en vue de la démolition totale du bâtiment existant et de la construction d'une résidence de tourisme " Les Loges Blanches " ; ce nouveau permis de construire doit être regardé comme rapportant les permis de construire des 26 septembre 2017 et 14 juin 2021 ; la requête de la société Lucema est, par suite, devenue sans objet ;

- en ce qui concerne la modification du PLU en date du 23 mars 2021, il n'est pas démontré que les dispositions des articles L. 2121-10, L. 2121-11, L. 2121-13 et L. 2121-13-1 du code général des collectivités territoriales ont été respectées ; l'arrêté du 18 novembre 2020, la délibération du 26 janvier 2021 et la délibération du conseil municipal du 23 mars 2021 sont manifestement illégaux, ensemble la modification simplifiée n° 3 du plan local d'urbanisme de Mont de Lans, et ne permettaient pas la régularisation du permis de construire initial ; il n'est pas davantage prouvé que la modification simplifiée n'aurait pas dû faire l'objet d'une procédure de modification ordinaire voire même d'une procédure de révision ou encore que le rapport de présentation motive les changements apportés ; il n'est pas démontré que les dispositions des articles L. 153-47 et L. 153-48 puis R. 153-20 et R. 153-21 du code de l'urbanisme ont été respectées ;

- le permis de construire initial et le permis de construire modificatif méconnaissent l'article AUs11 de la zone AUs2 et l'article UA 11 du règlement du PLU ;

- les dispositions des articles AUs 13, UA2 et AUs 2 du règlement du PLU sont méconnues ;

- le projet en litige méconnaît les orientations d'aménagement et de programmation du PLU et les dispositions de l'article AUs 7 du règlement du PLU relatives aux limites séparatives ;

- un permis de démolir était nécessaire et n'a pas été sollicité ; les travaux de démolition réalisés sont illégaux dès lors qu'ils ont été effectués sans autorisation d'urbanisme ;

- aucun diagnostic portant sur les déchets issus des travaux de démolition n'a été réalisé, en méconnaissance des articles R. 111-43 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

- aucun diagnostic sur l'amiante n'a été réalisé avant la démolition du bâtiment existant, en méconnaissance de l'article L. 4412-2 du code du travail ;

- les autres moyens soulevés en première instance sont repris, et notamment la méconnaissance des règles de sécurité et d'accessibilité en ce que seul l'espace bien-être a été étudié en ERP ; en ne comptant que cet espace piscine et bien-être, l'établissement aurait dû être classé au minimum en 4ème catégorie et le projet méconnaît l'article X-2-f de l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ; c'est la résidence de tourisme dans son ensemble qui aurait dû être considérée comme un établissement recevant du public (ERP) et le projet aurait dû être considéré en ERP de catégorie 2 en application de l'article GN2 de l'arrêté du 25 juin 1980 ; aucune étude de risque n'a été réalisée en violation du PLU ; l'article X-3 de l'arrêté du 25 juin 1980 relatif aux traitements des eaux de la piscine et son annexe du chapitre XII n'ont pas été étudiés, et leur respect n'est donc pas établi, notamment s'agissant de l'entreposage et de la manutention des produits toxiques ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article AUs1 du règlement du PLU en ce qu'il comporte des commerces, ainsi que les dispositions des articles UA 12 et AUs 12 de ce règlement sur le stationnement ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article 3.3 du règlement du PLU relatives aux risques naturels, des articles UA4 et AUs4 de ce règlement sur les eaux pluviales et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; il méconnaît les dispositions de l'article UA14 dudit règlement relatives à la performance énergétique et environnementale et celles de l'article R. 111-43 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2024, la société Lucéma, représentée par la Selarl Racine Lyon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801475 du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " Résidence l'Etendard " et autres tendant à l'annulation du permis de construire qui lui a été délivré le 26 septembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de ce syndicat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un permis de construire modificatif lui a été délivré le 14 juin 2021, après la modification simplifiée n° 3 du PLU de la commune ;

- les moyens écartés dans l'arrêt avant-dire-droit et repris dans les écritures des parties sont irrecevables dans le cadre de l'instance statuant ensuite sur la régularisation du vice relevé ;

- l'exception d'illégalité de la modification n° 3 du PLU doit être écartée ;

- le permis modificatif a régularisé l'ensemble des vices relevés dans l'arrêt avant-dire-droit dès lors que l'article AUs 11 du règlement du PLU, dans sa rédaction issue de la modification n° 3, autorise les toitures-terrasses sous certaines conditions et que le permis de régularisation est conforme à ces dispositions ; les requérants ne peuvent pas utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de cet article UA 11 à l'égard du permis de construire du 14 juin 2021 en ce que le projet n'est pas modifié sur ce point ; le permis modificatif prévoit une surface de plancher de 380 m² de logements saisonniers, régularisant ainsi le vice retenu ; il supprime également les émergences prévues dans le permis de construire initial le long de la limite séparative Sud-Ouest, recule l'édifice technique de la piscine à plus de trois mètres de la limite séparative, et le projet respecte, ainsi, les règles de l'article AUs 7 du règlement du PLU ; le permis de régularisation est conforme aux dispositions de l'article AUs 13 du règlement du PLU modifié compte-tenu de la nouvelle définition des espaces libres, lesquels incluent les terrasses et toits-terrasses végétalisées possédant un complexe naturel de 60 centimètres permettant à la végétation de se développer ;

- la circonstance que la société Eiffage Immobilier Centre Est ait obtenu le 25 avril 2023 un permis de construire pour un projet différent sur le même terrain d'assiette du projet n'emporte pas le retrait du permis en litige.

Par une ordonnance du 21 mars 2024 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- et les observations de Me Richard pour la société Lucema, de Me Delaire substituant Me Don Simoni pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble " Résidence l'Etendard " et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 septembre 2017, le maire de la commune Les Deux Alpes a délivré à la société Lucéma un permis de construire une résidence de tourisme de soixante-dix logements et dix logements saisonniers et un parking couvert, pour une surface de plancher totale de 7 530 m², sur un terrain situé ... avenue de la Muzelle à Mont de Lans, aux Deux Alpes. Ce permis de construire a été contesté par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence L'Etendard et autres devant le tribunal administratif de Grenoble, lequel l'a annulé par un jugement n° 1801475 du 18 décembre 2019. Par un arrêt avant-dire-droit du 9 février 2021, la cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la requête d'appel de la société Lucéma jusqu'à l'expiration du délai de six mois imparti à cette société à compter de la notification de cet arrêt pour justifier d'une mesure de régularisation des vices entachant le permis litigieux. Un permis de construire modificatif a été délivré le 14 juin 2021 à la société Lucéma par le maire des Deux Alpes, et a été versé à l'instruction, et les intimés en demandent également l'annulation. Par un second arrêt du 25 février 2022 mettant fin à l'instance, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le permis de construire délivré le 14 juin 2021 et rejeté l'appel de la société Lucéma. Cette dernière s'est pourvue en cassation contre cet arrêt devant le Conseil d'Etat. Par une décision du 6 juillet 2023, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 février 2022 et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence l'Etendard et autres :

2. Si, en cours de procédure devant le Conseil d'État, un nouveau permis de construire a été délivré le 25 avril 2023 sur les mêmes parcelles à la SAS Eiffage Immobilier Centre Est en vue de la démolition totale du bâtiment existant et de la construction d'une résidence de tourisme " Les Loges Blanches " composée de soixante-trois logements, de neuf logements saisonniers, d'un parking couvert et de commerces pour une surface de plancher totale de 6 685m², cette autorisation, accordée à une société distincte du bénéficiaire du permis initial, n'a pu avoir pour effet de rapporter implicitement les permis de construire des 26 septembre 2017 et 14 juin 2021 en litige. Il suit de là que l'exception de non-lieu à statuer opposée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence l'Etendard et autres doit être écartée.

Sur la régularisation des vices du permis de construire initial et les vices propres du permis de régularisation :

En ce qui concerne le document d'urbanisme applicable :

S'agissant de la détermination des zonages :

3. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le précise la notice descriptive du dossier de demande de permis de construire, que le foncier de l'opération est situé dans deux zones distinctes du plan local d'urbanisme (PLU), la partie aval (1 547 m²), située en façade sur l'avenue de la Muzelle, étant en zone UA, et la partie amont (2 318 m²), située à l'articulation avec le projet " les Terres de Venosc ", étant en zone AUs2 et supporte une orientation d'aménagement et de programmation (OAP).

S'agissant de la modification simplifiée approuvée par la délibération du 23 mars 2021 :

4. Par une délibération du 23 mars 2021 prise sur le fondement de l'article L. 153-45 du code de l'urbanisme, le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune a fait l'objet d'une modification simplifiée n° 3, document à partir duquel doit être appréciée la légalité du permis de régularisation délivré le 14 juin 2021. Le syndicat des copropriétaires et autres excipent de l'illégalité de cette modification et soutiennent qu'elle n'est pas opposable.

5. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les dispositions des articles L. 2121-10, L. 2121-11, L. 2121-13 et L. 2121-13-1 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été respectées et de ce que l'arrêté du 18 novembre 2020 prescrivant l'engagement de la procédure de modification simplifiée, la délibération du 26 janvier 2021 qui définit les modalités de mise à disposition du public du dossier de modification simplifiée et la délibération du conseil municipal du 23 mars 2021 approuvant cette modification simplifiée sont manifestement illégaux, ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

6. En deuxième lieu, le rapport de présentation de la modification simplifiée n° 3 du PLU rappelle qu'elle porte uniquement sur le territoire de la commune déléguée de Mont-de-Lans et relève qu'elle s'inscrit dans la constatation par la commune, depuis les modifications nos 1 et 2, de la naissance de nouvelles problématiques ponctuelles dans l'application de son PLU. Ce rapport, suffisamment motivé, détaille les modifications apportées, en les reprenant au surplus dans un tableau comparatif avec l'ancien PLU, et précise qu'elles relèvent bien du champ d'application de la procédure de modification simplifiée. Les modifications ponctuelles ainsi apportées sont également reprises par la délibération du 26 janvier 2021. Si les requérants soutiennent qu'il ne serait pas prouvé que ces modifications relevaient du champ d'application de la procédure de modification simplifiée, ils n'apportent aucune précision ni justification à l'appui de leur moyen, qui ne peut, dès lors, qu'être écarté.

7. En troisième lieu, les syndicats des copropriétaires et autres doivent être regardés comme soutenant qu'il n'est pas établi par les pièces produites que, tant les dispositions des articles L.153-47 et L. 153-48 du code de l'urbanisme subordonnant le caractère exécutoire de l'acte approuvant une modification simplifiée à sa publication et transmission à l'autorité administrative, que celles des articles R. 153-20 et R. 153-21 du même code reprenant les mesures de publicité de cet acte, aient été respectées, pour en déduire que la modification simplifiée n'était pas opposable au permis de construire de régularisation. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la délibération du 23 mars 2021 approuvant la modification n° 3 du PLU a été reçue en préfecture le 1er avril 2021, a fait l'objet d'un avis paru dans les annonces légales du Dauphiné Libéré du 5 avril 2021 et a été affichée à compter du 6 avril 2021 en mairie. Ainsi la modification n° 3 du PLU, qui a fait l'objet des publicités et transmission requises, est devenue exécutoire à compter du 6 avril 2021.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la modification simplifiée n° 3 approuvée par la délibération du 23 mars 2021 ne pouvait être opposée au permis de régularisation délivré le 14 juin 2021 doit être écarté.

En ce qui concerne la régularisation par le permis de construire du 14 juin 2021 des vices du permis de construire initial retenus par l'arrêt avant dire droit :

9. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire-droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire-droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

10. Par un arrêt avant-dire-droit du 9 février 2021, pris en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Lyon a sursis à statuer sur les vices tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article AUs 11 (point 4 et 5), AUs 13 (point 7), UA 2 et AUs 2 (point 17), AUs 7 (point 23) et AUs 13 (point 27) du règlement du PLU. Il ressort par ailleurs de la notice du permis de régularisation du 14 juin 2021 qu'il porte sur la modification de la surface des logements saisonniers afin qu'ils représentent au moins 5% de la surface de plancher totale de l'opération, soit 376,50 m² réglementaires, la modification des constructions en émergence sur la partie sud-ouest de la zone AUs 2 afin de respecter la limite de retrait de trois mètres, et la modification des toitures-terrasses et terrasses-végétalisées pour respecter les objectifs d'espaces-libres et d'espaces verts inscrits dans le PLU issu de la modification n°3.

11. En premier lieu, aux termes de l'article AUs 11 du règlement du PLU modifié : " (...) En zone AUs2, il est imposé des toitures à deux ou plusieurs pans, sauf dans les cas suivants où la toiture terrasse est autorisée : - Création de stationnements couverts enterrés totalement ou partiellement avec couverture végétalisée ou accessible pour une utilisation de plein air, ou comme espaces extérieurs de bâtiments en superstructure. - Couverture de garages individuels attenants à une construction formant terrasse d'agrément accessible ou végétalisée. - Toiture terrasses végétalisées accessibles permettant d'atteindre des objectifs de performance énergétique ; Les pentes des toitures seront comprises entre 45% et 100% maximum, sauf pour les toitures en lauzes où elles peuvent être de 30% minimum. Cependant, les extensions de toitures pourront avoir une pente identique à celle existante ".

12. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de régularisation, et plus particulièrement du plan de masse général PC 2.1, que les toitures-terrasses situées en zone AUs2, soit du côté de la route des Terres de Venosc, seront des toitures terrasses végétalisées sur logement ou sur équipement et la notice précise que chacune de ces toitures-terrasses végétalisées possède un complexe naturel de 60 centimètres d'épaisseur permettant à la végétation de se développer durablement en montagne. Ce dispositif peut être considéré comme permettant d'atteindre les objectifs de performance énergétique. Par ailleurs, la lecture combinée des plans du dossier de permis de régularisation démontre que les terrasses précitées sont accessibles soit par des logements contigus soit par un ascenseur et elles ne peuvent être regardées, contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires et autres, comme étant destinées à accueillir du stationnement aérien. Il suit de là que le projet en litige, tel que modifié par le permis de régularisation, ne méconnaît plus les dispositions précitées.

13. Par ailleurs l'obligation de réaliser des faîtages perpendiculaires à la façade principale en zone AUs2 et à deux pans n'existe plus depuis la modification simplifiée du PLU, et le vice est ainsi régularisé, par un changement des circonstances de droit à la date du permis de régularisation.

14. Enfin, le syndicat des copropriétaires et autres ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article UA 11 du règlement du PLU à l'égard du permis de construire du 14 juin 2021, qui ne comporte pas de modification sur ce point par rapport au permis initial.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article AUs 13 du règlement du PLU, relatif aux espaces libres et plantations et aux espaces boisés classés, dans leur rédaction issue de la modification simplifiée n° 3 : " Espaces verts / Les surfaces libres de toute construction, ainsi que les délaissés des aires de stationnement, seront à dominante végétale composée d'essences locales. Les espaces libres représenteront au moins 30 % du terrain. / Les espaces verts représenteront au moins 50 % des espaces libres. / Un plan des dispositions projetées permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords devra être joint à la demande d'autorisation d'occupation des sols. (...) ". L'article 4, relatif aux définitions et dispositions générales du règlement du PLU, dans sa rédaction issue de la même modification simplifiée n° 3, définit les espaces libres comme correspondant " aux espaces ne supportant pas de construction. Sont inclus dans les espaces libres les espaces verts (conformément à la définition ci-après), les terrasses, y compris celles situées au-dessus d'une construction enterrée, si elles ne sont pas surélevées de plus de 0,6 m du sol. Les piscines ne sont pas des espaces libres. ". La définition donnée des espaces verts est quant à elle la suivante : " Les espaces végétalisés correspondent aux espaces plantés ou végétalisés y compris les toitures végétalisées, possédant un complexe naturel de 60 cm permettant à la végétation de se développer durablement en montagne. / Les espaces verts sont généralement réalisés sur des espaces de pleine terre. Toutefois, sont comptabilisés dans la superficie des espaces verts : / - les espaces aménagés sur dalle, en toiture ou en terrasse possédant un complexe naturel de 60 cm permettant à la végétation de se développer durablement en montagne. / - les cheminements piétonniers et les aires de jeux, dès lors qu'ils sont conçus pour que leur emprise demeure perméable ".

16. Il résulte de ces dispositions que doivent être regardés comme des espaces libres, au sens et pour l'application de la règle selon laquelle ceux-ci doivent représenter au moins 30 % du terrain d'assiette d'un projet en zone AUs, les espaces verts, y compris ceux aménagés sur dalle, en toiture ou en terrasse possédant un complexe naturel de 60 centimètres permettant à la végétation de se développer durablement en montagne.

17. Le plan de masse général du dossier de demande du permis de régularisation précise, ainsi qu'il a été dit, que les terrasses végétalisées sont couvertes d'un complexe de 60 centimètres d'épaisseur de terre végétalisée, de sorte qu'elles constituent des espaces verts et des espaces libres. Selon la notice de ce dossier de demande : " les ratios d'espaces libres et d'espaces verts dans les deux zones concernées par le projet sont les suivants : sur la zone AUs2, nous devons créer 30% d'espaces libres soit 2318 x 30% = 695 m² et 50% des espaces libres en espaces verts soit : 695 x 50% = 348 m². Le projet développe 737 m² ou 31% d'espaces libres répartis comme suit : - 93 m² de terrasse piscine surélevée de moins de 60 cm du sol, - 460 m² de terrasses-végétalisées avec un complexe de 60 cm, - 184 m² de pleine terre. Les espaces verts représentent 644 m² dont 184 m² de pleine terre et 460 m² de terrasses-végétalisées avec un complexe de 60 cm soit 92% ", et l'ensemble de ces indications figure sur le plan de masse général. Il résulte de ces mêmes calculs que les vices relatifs aux espaces libres et aux espaces verts, retenus aux points 7 et 27 de l'arrêt avant-dire-droit, ont été régularisés.

18. En troisième lieu, aux termes des dispositions non modifiées des articles UA2 et AUs 2 du règlement du PLU : " Pour les constructions ou opérations produisant plus de 1 000 m² de surface de plancher d'hébergement hôtelier, il est exigé la création de logements saisonniers correspondant à au moins 5 % de la surface de plancher totale de l'opération ". La notice du permis de construire de régularisation précise sur ce point, et sans que les indications n'en soient contestées, que " par le biais de modifications intérieures, la surface des logements saisonniers est portée à 380 m² de surface de plancher permettant ainsi de répondre au ratio de 5% de 7 530 m² développé par l'opération dans sa globalité ". Le vice retenu par l'arrêt avant-dire-droit a ainsi été régularisé.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article AUs 7 du règlement du PLU, dont les dispositions n'ont pas été modifiées et qui est relatif aux limites séparatives : " Les constructions doivent s'implanter conformément aux principes édictés dans les orientations d'aménagement et de programmation. Le retrait sera d'au moins 3 m avec les limites de zone sauf pour la zone AUs2 où les constructions peuvent également s'implanter en limite conformément au principe de l'OAP. ". Aux termes de l'article 4 des dispositions générales du règlement du PLU : " Le retrait est calculé à partir des parties émergentes des constructions. Aucun retrait n'est imposé pour les parties enterrées ". La notice du permis de régularisation précise que ce permis vise à supprimer les émergences présentes dans le cadre du permis de construire initial le long de la limite séparative sud-ouest, en zone AUs2, située à moins de trois mètres de la limites séparative, et que le permis de construire modificatif maintient l'implantation du bâtiment en partie nord, validée par la Cour administrative de Lyon, mais recule l'édicule technique de la piscine en émergence à plus de trois mètres de la limite séparative concernée et perpendiculaire à l'avenue de la Moselle. Il suit de là que le projet en litige, tel que modifié par le permis de régularisation, ne méconnaît plus les dispositions précitées.

En ce qui concerne les autres vices soulevés à l'encontre du permis de régularisation du 14 juin 2021 :

20. En premier lieu, le syndicat des copropriétaires et autres soutiennent que l'article X-3 et l'annexe du chapitre XII afférent de l'arrêté du 25 juin 1980 relatif aux traitements des eaux de la piscine ne sont pas étudiés, et que leur respect n'est dès lors pas établi, plus particulièrement s'agissant de l'entreposage et de la manutention des produits toxiques. Le moyen tiré de la méconnaissance ces dispositions, qui relèvent d'une législation distincte, est toutefois inopérant et ne peut, dès lors, qu'être écarté.

21. En deuxième lieu, le syndicat des copropriétaires et autres ne peuvent utilement invoquer de nouveau les moyens tirés de ce qu'aucun diagnostic portant sur les déchets issus des travaux de démolition n'a été réalisé, en méconnaissance des articles R. 111-43 et suivants du code de la construction et de l'habitation, de la méconnaissance des règles de sécurité et d'accessibilité des établissements recevant du public (ERP), de ce qu'aucune étude de risque n'a été réalisée en violation du PLU, de ce que le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article AUs1 du PLU en ce qu'il comporte des commerces, ainsi que les dispositions des articles UA 12 et AUs 12 du règlement du PLU sur le stationnement et les articles UA 4 et AUs 4 sur les eaux pluviales et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ou encore les dispositions de l'article UA 14 relatives à la performance énergétique et environnementale et les dispositions de l'article R. 111-43 et suivants du code de la construction et de l'habitation, dès lors que de tels moyens ont déjà été écartés par l'arrêt avant-dire-droit du 9 février 2021 et que le projet n'est pas modifié sur ces points.

22. En dernier lieu, les moyens tirés de l'absence de diagnostic d'amiante avant la démolition du bâtiment existant, en méconnaissance de l'article L. 4412-2 du code du travail, de l'absence de permis de démolir, de ce que les travaux de démolition réalisés sont illégaux dès lors qu'ils ont été effectués sans autorisation d'urbanisme et de ce que le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article 3.3 du règlement du PLU relatives aux risques naturels, qui ne portent ni sur les vices objets de la mesure de régularisation ni sur des vices propres à cette mesure et n'ont pas été révélés par le permis de régularisation précité, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

23. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence l'Etendard et autres tendant à l'annulation du permis de régularisation du 14 juin 2021 doivent être rejetées. Les vices entachant le permis de construire initial du 26 septembre 2017 ayant été régularisés par le permis de régularisation intervenu le 14 juin 2021 et les autres moyens invoqués ayant été écartés, la société Lucéma est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le permis de construire initial du 26 septembre 2017.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801475 du 18 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence l'Etendard et autres tendant à l'annulation du permis de construire du 26 septembre 2017 et du permis de régularisation du 14 juin 2021 sont rejetées.

Article 3: Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lucema, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence l'Etendard, représentant unique, et à la commune des Deux Alpes.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Christine Djebiri, première conseillère,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon

La présidente,

M. H...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY02326 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02326
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly02326 ?
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