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06/06/2024 | FRANCE | N°23LY02405

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 juin 2024, 23LY02405


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen (SIS) et l'a assigné à résidence dans

le département de l'Ain pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2304036...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen (SIS) et l'a assigné à résidence dans le département de l'Ain pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2304036 du 25 mai 2023 le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2023, M. B... représenté par Me Vray, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté mentionné ci-dessus ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail sous huit jours ; et de procéder sans délai à l'effacement de son inscription au fichier système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; des pièces qu'il a produites n'ont pas été communiquées au préfet en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'arrêté dans son ensemble est entaché d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen particulier ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du même code, et revêt un caractère disproportionné.

Par un mémoire enregistré le 16 mai 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais, déclare être né le 10 octobre 2001 et être entré en France le 12 juin 2017. A la suite de son placement en garde à vue pour des faits d'usage de faux document, la préfète de l'Ain, par un arrêté du 17 mai 2023, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois en l'informant qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non admission dans le système d'information Schengen (SIS) et l'a assigné à résidence dans le département de l'Ain pour une durée de quarante-cinq jours. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort du dossier de première instance que M. B... a produit des pièces concernant son insertion, enregistrées le jour de l'audience. Il soutient que ces pièces n'ont pas été communiquées à la préfecture. Toutefois il n'apparaît pas que l'absence de transmission de ces pièces aurait pu, en l'espèce, préjudicier aux droits des parties. Aucune violation du principe du contradictoire ne saurait donc être ici reconnue.

Sur le fond du litige :

4. M. B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés du défaut de motivation et de l'absence d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.

5. Il ressort des mentions du jugement attaqué et notamment de son point 4, que ce jugement n'est pas entaché de contradiction de motifs dans sa réponse au moyen tiré du défaut d'examen particulier, contrairement à ce qu'allègue le requérant.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, à la date d'intervention de l'arrêté contesté, M. B..., célibataire sans enfant, était en France depuis juin 2017. Il n'y justifie d'aucune attache familiale ou personnelle particulière alors qu'il a vécu la majeure partie de son existence au Sénégal. S'il a produit notamment un certificat de compétence de citoyen de sécurité civile et une promesse d'embauche de la société Ex'al, ces éléments sont insuffisants pour établir son intégration en France, alors qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement en date du 24 septembre 2020. Aucune méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est ici caractérisée.

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Eu égard, en particulier, au comportement de l'intéressé, les éléments qu'il invoque, tirés de sa présence en France depuis 2017, ne peuvent être regardés comme des " circonstances humanitaires " qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ce contexte, la durée de cette interdiction n'apparaît pas en l'espèce disproportionnée. En lui interdisant le retour sur le territoire français et en fixant à dix-huit mois la durée de cette interdiction, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Dès lors, la requête de M. B... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 23LY02405

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02405
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23ly02405 ?
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