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06/06/2024 | FRANCE | N°22LY01521

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 juin 2024, 22LY01521


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre au CEREMA de procéder à sa réintégration en qualité d'adjointe administrative et à la reconstitution de sa carrière et de condamner le CEREMA à lui verser la somme

de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.



Par un jugement n° 2100740 du 29 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, d'enjoindre au CEREMA de procéder à sa réintégration en qualité d'adjointe administrative et à la reconstitution de sa carrière et de condamner le CEREMA à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 2100740 du 29 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2022, Mme B..., représentée par la SCP Vuillaume-Colas et Mecheri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 3 décembre 2020 ;

2°) de condamner le CEREMA à lui verser une indemnité d'un montant de 10 000 euros en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge du CEREMA la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la composition de la commission administrative paritaire (CAP), qui s'est prononcée sur la demande de licenciement la concernant, était irrégulière ; elle était composée de six membres de l'administration et de quatre délégués du personnel ; son supérieur hiérarchique est intervenu en qualité d'expert ; il est intervenu à la fois comme membre de la CAP et comme expert ;

- en application de l'article 32 du décret du 18 mai1982, dès lors que la CAP avait rendu un avis défavorable au licenciement, l'autorité administrative devait l'informer des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre cet avis, ce qu'elle n'a pas fait ; elle a été privée d'une garantie ;

- le CEREMA ne lui a jamais communiqué le contenu des procès-verbaux des CAP qui lui auraient permis d'organiser sa défense, et notamment celui du 4 juin 2019, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

- elle n'a pas été convoquée à un entretien préalable ;

- l'insuffisance professionnelle n'est pas établie.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2023, le CEREMA, représenté par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 décembre 2022, l'instruction a été close au 30 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lacoeuilhe, pour le CEREMA ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée sans concours au titre de l'année 2017 comme fonctionnaire stagiaire au grade d'adjointe administrative de l'État, pour occuper des fonctions de gestionnaire administrative et de paie au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Son stage a été prolongé jusqu'au 19 août 2019. L'arrêté du 12 juillet 2019 portant refus de la titulariser a été annulé par un jugement définitif du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2020 au motif que cette décision devait être regardée comme un licenciement en cours de stage avant lequel le CEREMA ne justifiait pas avoir mis en mesure l'intéressée de consulter son dossier, conformément aux dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905. En exécution du jugement, par un arrêté du 27 octobre 2020, le CEREMA a procédé à sa réintégration à compter du 19 août 2019 en qualité de stagiaire. Toutefois, le directeur général du CEREMA l'a informée, dans le courrier lui notifiant cet arrêté, de l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et l'a invitée à consulter son dossier administratif, afin de régulariser la procédure qui avait été antérieurement suivie. Cette nouvelle procédure se fondait sur les mêmes faits que ceux ayant conduits à la décision annulée par le tribunal. Par un arrêté du 3 décembre 2020, le CEREMA a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette dernière mesure et de condamner le CEREMA à l'indemniser du préjudice subi. Par un jugement du 29 mars 2022 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 visé ci-dessus : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury. (...) ". L'article 5 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires visé ci-dessus prévoit que : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants ". Un représentant titulaire de l'administration qui se trouve dans l'impossibilité de participer à une séance d'une commission administrative paritaire peut être remplacé par tout représentant suppléant de l'administration, alors qu'un représentant titulaire du personnel qui se trouve dans l'impossibilité de siéger est remplacé par un représentant suppléant élu sur la même liste et au titre du même grade. Aux termes de l'article 31 du même décret : " Les suppléants peuvent assister aux séances de la commission sans pouvoir prendre part aux débats. Ils n'ont voix délibérative qu'en l'absence des titulaires qu'ils remplacent. / Le président de la commission peut convoquer des experts à la demande de l'administration ou à la demande des représentants du personnel afin qu'ils soient entendus sur un point inscrit à l'ordre du jour. / Les experts ne peuvent assister qu'à la partie des débats, à l'exclusion du vote, relative aux questions pour lesquelles leur présence a été demandée. (...) ". Selon l'article 32 de ce décret : " Les commissions administratives émettent leur avis à la majorité des membres présents. / S'il est procédé à un vote, celui-ci a lieu à main levée. Les abstentions sont admises. (...). En cas de partage des voix l'avis est réputé avoir été donné ou la proposition formulée. ".

3. D'une part, il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire (CAP) qui s'est tenue le 27 novembre 2020 que cinq représentants de l'administration étaient présents dont deux titulaires et trois non-titulaires. M. A..., supérieur hiérarchique de Mme B..., ne représentait pas l'administration mais avait été convoqué en qualité d'expert. Parmi les quatre représentants du personnel, trois étaient titulaires et un non-titulaire. La seule présence, en surnombre, d'un représentant non titulaire de l'administration n'est pas de nature à affecter la régularité de la procédure dès lors, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, qu'en pareil cas, le suppléant peut assister à la séance sans prendre part ni au débat ni au vote. Il n'apparaît pas, au vu du procès-verbal de la CAP, que le suppléant en surnombre de l'administration aurait pris part aux débats, seul deux représentants de l'administration s'étant exprimés, ou au vote, dès lors que ce procès-verbal, s'il ne mentionne pas le sens des votes des représentants de l'administration, a conclu, alors que les quatre représentants du personnel s'étaient abstenus ou avaient voté contre, que l'avis était réputé avoir été donné, ce qui correspond au cas où ni la proposition de l'administration, ni son rejet n'a obtenu la majorité des membres présents.

4. D'autre part, rien ne faisait obstacle à ce que le supérieur hiérarchique de Mme B... soit entendu à la demande de l'administration en qualité d'expert. En tout état de cause, sa présence n'a pas privé Mme B... d'une garantie et sa présence n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission administrative paritaire doit être écarté en toutes ses branches.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 32 du décret du 18 mai 1982 : " Lorsque l'autorité compétente prend une décision contrairement à l'avis ou à la proposition émis par la commission, cette autorité doit informer la commission des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre l'avis ou la proposition ".

6. Si, en vertu de ces dispositions, l'autorité territoriale doit informer la CAP des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre son avis, cette formalité ne conditionne toutefois pas la légalité de la décision contestée et demeure sans incidence sur celle-ci. Par suite, et alors au surplus qu'en l'espèce l'administration n'avait pas à communiquer ces motifs dans la mesure où la CAP n'avait pas émis d'avis défavorable au licenciement, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aucune disposition ne prévoit que l'avis rendu par la CAP, qui ne fait pas partie du dossier personnel de l'agent, doit être communiqué au fonctionnaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière, faute pour le CEREMA de lui avoir communiqué le contenu des procès-verbaux de CAP, et notamment celui du 4 juin 2019, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aucune disposition n'imposait que le licenciement litigieux soit précédé d'un entretien.

9. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme B... repose sur les griefs formulés par son supérieur hiérarchique en novembre 2018 lors de la demande de prolongation de stage, puis en mai 2019 lors de la proposition de non titularisation. Il est fait grief à l'intéressée d'avoir rencontré des difficultés pour assimiler les fondamentaux du métier de gestionnaire de paie, d'avoir souvent commis des erreurs ou rendu des éléments incomplets, d'avoir pris du retard dans le traitement de dossiers, de ne pas avoir su s'intégrer dans le collectif de travail et de ne pas avoir instauré de bonnes relations fonctionnelles avec ses directions. S'il a été indiqué au cours de la CAP qu'il manquait des éléments de preuve sur ces différents manquements, l'administration a produit toute une série d'échanges de mails faisant apparaître la réalité de tels manquements, et notamment, le retard dans le traitement d'un dossier, malgré plusieurs relances, dans lequel elle a sollicité des informations alors qu'elle les avait déjà, l'anomalie sur la rémunération d'un doctorant, le non-respect des consignes que son chef de service lui avait déjà données s'agissant des évolutions en paie du technicien supérieur, des difficultés d'organisation dans son travail contraignant des collègues à traiter en urgence des dossiers de son ressort, des erreurs sur un état liquidatif d'un agent, l'omission de faire bénéficier un agent de la revalorisation indiciaire à laquelle il avait droit ainsi que de l'indemnité de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée. D'autres anomalies ont été relevées à plusieurs reprises par l'adjointe au chef du service central de gestion administrative et de la paie, par la responsable service paie de l'agence comptable principale du CEREMA et par le service liaisons-rémunérations de la direction générale des finances publiques et concernant au moins neuf agents.

10. Il n'apparaît pas que l'administration n'aurait pas, dans l'appréciation qu'elle a portée, pris en compte le fait que le portefeuille de Mme B... était composé de personnels du siège, dont la gestion serait plus complexe que d'autres. Si la requérante fait valoir que d'autres agents commettaient également des erreurs, c'est l'accumulation d'erreurs simples qu'il lui est reproché, outre sa lenteur et sa mauvaise communication avec les directions qu'elle gérait. Si elle indique avoir reçu parfois de mauvaises indications de son référent lui-même et que certains dossiers avaient été validés par son référent et son supérieur, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pas contesté la réalité de la plupart des erreurs que l'administration a relevées. Par ailleurs, pour les motifs exposés par le tribunal aux points 10 et 11 du jugement qu'il y a lieu d'adopter, la formation qu'elle a reçue, le compagnonnage mis en place, l'accompagnement de son supérieur hiérarchique pendant la période de prolongation de son stage et les interventions de son référent ne sauraient justifier de ses défaillances. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et alors que l'administration n'était pas tenue de lui proposer un autre poste, celui sur lequel elle avait été affecté correspondant au type d'emploi qu'elle était susceptible d'occuper, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en décidant de la licencier pour insuffisance professionnelle en cours de stage l'administration aurait commis une erreur d'appréciation.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Compte tenu de ce qui précède sur la légalité de la décision prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le CEREMA aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à sa charge une somme à verser au CEREMA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CEREMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01521

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01521
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Licenciement. - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22ly01521 ?
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