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06/06/2024 | FRANCE | N°22LY01200

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 juin 2024, 22LY01200


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... Hourlier a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler son compte rendu d'évaluation de l'année 2020, d'enjoindre à l'administration d'élever sa notation chiffrée de 5 à 7 et de condamner l'État à lui verser 6 500 euros en réparation de son préjudice matériel et 13 000 euros en réparation de son préjudice moral.



Par un jugement n° 2102710 du 23 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 avril 2022 et 16janvier 2023, M. Hourlier, représenté par Me All...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... Hourlier a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler son compte rendu d'évaluation de l'année 2020, d'enjoindre à l'administration d'élever sa notation chiffrée de 5 à 7 et de condamner l'État à lui verser 6 500 euros en réparation de son préjudice matériel et 13 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 2102710 du 23 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 avril 2022 et 16janvier 2023, M. Hourlier, représenté par Me Alligné, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que le compte-rendu d'entretien de notation ;

2°) d'enjoindre à l'administration d'élever sa notation chiffrée de 5 à 7 ;

3°) de condamner l'État à lui verser 19 500 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'entretien professionnel a été réalisé au-delà de la date limite fixée par la note de cadrage du 28 janvier 2021 ;

- l'entretien professionnel s'est déroulé en présence de l'adjoint de l'évaluateur, en méconnaissance du guide de l'évaluation de la direction des ressources et des compétences de la police nationale ;

- la majeure partie de la durée de l'entretien, qui n'a pas porté sur le rapport qu'il avait transmis à sa hiérarchie le 6 janvier 2021 intitulé " Retour sur l'année opérationnelle 2020 de la CSP Roanne ", a été consacrée à l'évocation d'une affaire judiciaire et administrative, sans lien avec l'entretien ;

- l'entretien du 12 mars 2021 ne pouvait que s'appuyer sur les objectifs fixés par la lettre de mission du 21 septembre 2020 mentionnant expressément ce qui lui était demandé ;

- son évaluation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'administration a commis un détournement de pouvoir ;

- sa demande indemnitaire devant le tribunal était recevable, le défaut de demande préalable indemnitaire ayant été régularisé par le mémoire en défense de l'administration du 17 novembre 2021 ;

- il a subi un préjudice financier tenant à la perte de la prime performance de l'indemnité de responsabilité et de performance représentant un montant de 6 500 euros, ainsi qu'un préjudice moral évalué à 13 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 10 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par M. Hourlier contre son compte rendu d'entretien ne sont pas fondés ;

- c'est à juste titre que le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire comme irrecevable à défaut de liaison du contentieux ;

- aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration n'a été commise.

Par une ordonnance du 10 février 2023, l'instruction a été close au 13 mars 2023.

Des mémoires ont été présentés le 22 mars 2023 pour M. Hourlier.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-939 du 2 août 2005 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. Hourlier, commissaire de police, alors affecté à la circonscription de sécurité publique de Roanne, a été reçu le 12 mars 2021 par le directeur départemental de la sécurité publique de la Loire pour l'entretien d'évaluation portant sur l'année 2020. Après avoir formé un recours gracieux contre le compte rendu de cet entretien, il a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande d'annulation de ce compte-rendu, d'injonction à l'administration de porter sa notation chiffrée à 7 et de condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis. Par un jugement du 23 février 2022 dont M. Hourlier relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du compte rendu d'évaluation et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le modifier :

2. Aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 visée ci-dessus portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. ". L'article 2 du décret du 28 juillet 2010 visé ci-dessus relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État prévoit : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " L'entretien professionnel porte principalement sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; 3° La manière de servir du fonctionnaire ; 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ;7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. (...) ". Aux termes 4 du même décret : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Des arrêtés des ministres intéressés ou des décisions des autorités investies du pouvoir de gestion des corps concernés, pris après avis des comités techniques compétents, précisent les modalités d'organisation de l'entretien professionnel, le contenu du compte rendu qui se réfère aux thèmes mentionnés à l'article 3 et, le cas échéant, la liste des autorités hiérarchiques compétentes. / Des arrêtés des ministres intéressés ou des décisions des autorités investies du pouvoir de gestion des corps concernés, pris après avis des comités techniques compétents, fixent les critères à partir desquels la valeur professionnelle des agents est appréciée au terme de l'entretien professionnel. Ces critères sont fonction de la nature des tâches qui leur sont confiées et du niveau de leurs responsabilités ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 visé ci-dessus fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : 1. Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; 2. Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; 3. Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire ".

4. En premier lieu, selon la note de la direction des ressources et des compétences de la police nationale du 28 janvier 2021 : " La campagne d'évaluation 2021, portant sur l'activité et les résultats de l'année 2020, se déroulera du lundi 18 janvier au lundi 8 mars 2021 ". Le courrier du directeur général de la police nationale accompagnant cette note précise que : " le respect du calendrier (transmission des originaux au plus tard le 8 mars 2021) est impératif pour permettre la mise en paiement des parts " performance " en juin 2021. " ;

5. Si, en l'espèce, l'entretien de M. Hourlier ne s'est tenu que le 12 mars 2021, en méconnaissance de ces dispositions, le délai imparti par cette note ne constitue pas, pour le fonctionnaire, une garantie. Il n'apparaît pas, en outre, que le non-respect de ce délai aurait eu, en l'espèce, une incidence sur la notation de M. Hourlier, alors que rien ne permet de dire que l'entretien n'aurait pas, du fait de ce dépassement, été conduit avec sérieux, ou que la date à laquelle il a eu lieu aurait eu une incidence sur l'attribution de la prime performance. Par suite, le moyen tiré de ce que l'entretien professionnel a été réalisé au-delà de la date limite fixée par la note de cadrage du 28 janvier 2021 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des dispositions de l'article 2 précité du décret du 28 juillet 2010 que l'entretien professionnel doit être conduit par le supérieur hiérarchique direct de l'agent. Interprétant ces dispositions, le livret intitulé " comment bien remplir le formulaire d'entretien professionnel du corps de conception et de direction : étape par étape ", annexé à la circulaire du 26 décembre 2016 du directeur général de la police nationale relative à la réforme des entretiens professionnels des corps actifs de la police nationale, indique que : " Seul l'évalué et l'évaluateur participent à cet entretien. ".

7. Il est constant que M. Hourlier a été reçu le 12 mars 2021 par son supérieur hiérarchique direct qui était assisté de son adjoint. En l'espèce, la seule présence de cet adjoint n'a pas eu pour effet de priver M. A... la garantie tenant à ce que l'entretien soit réalisé par son supérieur hiérarchique direct. En outre, il n'apparait pas que ce tiers ait joué un rôle au cours de l'entretien ou que sa seule présence ait été de nature à avoir influencé son déroulement et ait pu, de ce fait, avoir une incidence, sur le sens de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière en raison de la présence d'un tiers au cours de l'entretien doit être écarté.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, quand bien-même une partie de l'entretien aurait été consacrée à évoquer des affaires judiciaires et administratives qui seraient sans lien avec sa manière de servir, que l'entretien individuel de M. Hourlier, qui a duré soixante-dix minutes et au cours duquel il lui était loisible de faire état des éléments contenus dans le rapport qu'il avait transmis à sa hiérarchie le 6 janvier 2021 intitulé " Retour sur l'année opérationnelle 2020 de la CSP Roanne ", n'aurait pas permis d'aborder les différents points visés à l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 cité au point é ci-dessus.

9. En quatrième lieu, dans la partie de l'entretien consacrée au " bilan de l'activité de l'année écoulée ", trois objectifs ont été évalués : " un management adapté du personnel dans un but réformateur tout en maintenant la cohésion du service ", " développer les IRAS, notamment en matière de lutte contre les trafics de produits stupéfiants " et " accentuer le partenariat sur toute la circonscription pour dynamiser la police de sécurité du quotidien ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces objectifs n'avaient pas été assignés à M. Hourlier au titre de l'année 2020. A cet égard, la lettre de mission du 21 septembre 2020 rappelle expressément le premier objectif comme étant l'une des orientations communiquées par le directeur départemental de la sécurité publique de la Loire dans le cadre des objectifs 2020.

10. En cinquième lieu, il résulte du compte rendu de l'entretien professionnel de M. Hourlier que sur les douze items de la rubrique " I - Evaluation des aptitudes professionnelles ", un a reçu la mention " excellent ", quatre la mention " très bon " et trois la mention " bon " tandis que les deux items " Aptitude au travail en équipe " et " Fiabilité, confiance accordée " ont été évalués à " moyen ". M. Hourlier conteste que son " Aptitude au travail en équipe " soit passé de bon à moyen et que la " Fiabilité, confiance accordée " ait été maintenue à moyen. Pour la rubrique " II - Evaluation des compétences professionnelles ", les items " Savoir organiser une remontée réactive d'informations fiabilisées et gérer les situations, crises " et " Savoir organiser et adapter les ressources en fonction des besoins opérationnels " ont reçu la mention " très bon ", ce que l'intéressé ne conteste pas. Sur les dix items que comporte la rubrique " III - Evaluation des compétences managériales ", un a reçu la mention " excellent ", quatre la mention " très bon " tandis que l'" aptitude à motiver et évaluer ses collaborateurs " a été maintenue à " moyen ", ce que M. Hourlier conteste. En ce qui concerne la rubrique " IV- bilan de l'année écoulée ", M. Hourlier conteste également que deux des trois objectifs, à savoir un " management adapté du personnel dans un but réformateur tout en maintenant la cohésion du service " et " développer les IRAS, notamment en matière de lutte contre les trafics de produits stupéfiants " n'aient pas été atteints. Il conteste que sa notation globale ait été maintenue, comme l'année précédente, à 5/7 soit " très bon ". Enfin, il fait grief à l'évaluateur d'avoir indiqué, après avoir rappelé certaines des réalisations de M. Hourlier au cours de l'année, " néanmoins, en dépit de réelle qualités professionnelles, il doit poursuivre ses efforts pour améliorer son management considéré et perçu comme trop rigide. Le commissaire Hourlier doit porter une attention particulière à cette difficulté qui pourrait à l'avenir porter préjudice au bon déroulement de sa carrière, si elle n'était pas corrigée ".

11. Pour les motifs exposés par le tribunal au point 8 du jugement, qu'il y a lieu d'adopter, et alors que le contexte de sa prise de poste et les différentes réussites mises en avant par l'intéressé ne permettent pas de remettre en cause la réalité des difficultés qu'il a rencontrées, qui sont étayées par plusieurs documents émanant de sa hiérarchie, le moyen tiré de ce que son évaluation serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

12. En sixième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Il résulte de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.

14. M. Hourlier n'ayant pas saisi l'administration d'une demande préalable indemnitaire, avant ou après saisine du tribunal, sa demande indemnitaire n'était pas recevable et ce, même si l'administration a présenté un mémoire en défense le 17 novembre 2021. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ces conclusions comme irrecevables pour ce motif.

15. Il résulte de ce qui précède que M. Hourlier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Hourlier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... Hourlier et au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01200

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01200
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Notation.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ALLIGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22ly01200 ?
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