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29/05/2024 | FRANCE | N°23LY03210

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 29 mai 2024, 23LY03210


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a retiré sa carte de résident.



Par jugement n° 2202581 du 5 octobre 2023, le tribunal a annulé cet arrêté.



Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2023, le préfet de la Côte-d'Or demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande.



Il soutient que la décision de retrait de sa carte de résident ne porte à l'intéressée aucune atteinte disproportionnée à sa vie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a retiré sa carte de résident.

Par jugement n° 2202581 du 5 octobre 2023, le tribunal a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 octobre 2023, le préfet de la Côte-d'Or demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande.

Il soutient que la décision de retrait de sa carte de résident ne porte à l'intéressée aucune atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante chinoise née le 13 septembre 1991, s'est vue délivrer le 8 avril 2019 une carte de résident longue durée UE valable dix ans. Par arrêté du 13 septembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or a prononcé la sanction de retrait de cette carte de résident sur le fondement de l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a invité l'intéressée à déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout employeur titulaire d'une carte de résident peut se la voir retirer s'il a occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ". Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) et à la prévention des infractions pénales (...) ".

4. Pour retirer le titre de séjour dont Mme A... était titulaire depuis le 8 avril 2019 par l'arrêté en litige, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur la circonstance que l'intimée avait employé au sein de son restaurant un compatriote en situation irrégulière, en méconnaissance de l'article L. 8251-1 du code du travail. Par cet arrêté, le préfet de la Côte-d'Or, relevant également que la vie privée et familiale de l'intéressée justifiait qu'elle sollicite un titre de séjour, l'a invitée à déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a employé un compatriote en situation irrégulière qui avait sollicité son admission au séjour en se prévalant de la présence en France de son épouse bénéficiant d'un titre de séjour, et que les faits d'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France qui lui sont reprochés, s'ils sont matériellement établis, demeurent isolés, alors que par ailleurs, Mme A... est entrée en France le 15 juin 2009 et y vit sous couvert de titres de séjour régulièrement renouvelés depuis le 26 octobre 2011, qu'elle est mariée avec un compatriote installé sur le territoire depuis vingt ans et titulaire d'une carte de résident, que le couple est parent de deux enfants nés et scolarisés en France et que Mme A... dirige un établissement de restauration qu'elle a créé et qui emploie dix-huit salariés. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme A... en France et au caractère isolé des faits qui lui sont reprochés, et alors même que la décision en litige n'est assortie d'aucune mesure d'éloignement et que le préfet de la Côte-d'Or a invité l'intéressée à présenter une demande de titre de séjour sur un autre fondement, la décision par laquelle il lui a retiré sa carte de résident porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé sa décision retirant à Mme A... sa carte de résident.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de la Côte-d'Or et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03210
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-29;23ly03210 ?
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