La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2024 | FRANCE | N°22LY02488

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 29 mai 2024, 22LY02488


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Dijon l'a suspendue à compter du même jour des fonctions qu'elle exerçait en qualité d'adjointe administrative contractuelle, au motif qu'elle ne justifiait pas de sa vaccination contre la covid-19 ou d'une contre-indication à cette vaccination.



Par un jugement n° 2102965 du 14 juin 2022, le tribunal

administratif de Dijon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Dijon l'a suspendue à compter du même jour des fonctions qu'elle exerçait en qualité d'adjointe administrative contractuelle, au motif qu'elle ne justifiait pas de sa vaccination contre la covid-19 ou d'une contre-indication à cette vaccination.

Par un jugement n° 2102965 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, Mme C..., représentée par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision de suspension du 15 septembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Dijon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige est entachée d'incompétence ;

- elle aurait dû être convoquée à un entretien trois jours après sa suspension, ainsi que l'article 1er de la loi du 5 août 2021 le prévoit ;

- en prononçant la mesure de suspension pour une durée supérieure à trois jours, la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, le centre hospitalier universitaire de Dijon, représenté par Me Gourinat, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.

Par une décision du 22 mai 2024, Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., adjointe administrative contractuelle en fonctions au centre hospitalier universitaire de Dijon, a fait l'objet d'une décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice générale de cet établissement a prononcé sa suspension de fonctions à compter du même jour au motif qu'elle ne justifiait pas de sa vaccination contre la covid-19 ou d'une contre-indication à cette vaccination. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes du V de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, dans sa version applicable au litige : " Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité (...) ". Il en résulte qu'il appartient à l'employeur des personnes soumises à l'obligation vaccinale de contrôler le respect de cette obligation, au vu des documents prévus par ce même article, notamment le certificat de statut vaccinal, un certificat de contre-indication, ou un certificat de rétablissement. Pour l'application du II de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, le décret du 1er juin 2021 a prévu les modalités d'établissement et de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d'identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. En outre, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " (...) Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art. (...) ".

3. En l'espèce, la décision en litige a été prise par Mme A..., attachée d'administration hospitalière, pour la directrice générale du centre hospitalier universitaire de Dijon, employeur de Mme C... et bénéficiant à ce titre de l'habilitation législative précitée, dans le respect des contraintes relatives à l'accès aux données de santé. Ainsi que les premiers juges l'ont retenu, la signataire de la décision disposait d'une délégation de la part de la directrice générale aux fins notamment de signer les documents ayant trait à la gestion et à l'administration du personnel non médical en vertu d'une décision du 28 juin 2021 régulièrement publiée. Contrairement à ce que l'appelante soutient, la décision en litige, qui n'a pas vocation à sanctionner un manquement ou un agissement fautif mais écarte momentanément du service un agent qui ne satisfait pas à l'obligation de vaccination contre la covid-19, relève d'une mesure de gestion du personnel non médical et donc du champ d'application de la délégation précitée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

5. Le moyen tiré de ce que la requérante n'aurait pas bénéficié de garanties telles que la convocation à un entretien à fin notamment de régularisation de sa situation prévue par le III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 trois jours après sa suspension, doit être écarté, un tel entretien ayant été tenu conformément à ces mêmes dispositions préalablement à la suspension. En tout état de cause, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1er, II, C, 2, 2ème alinéa de la loi précitée, aux termes duquel " Lorsque la situation mentionnée au premier alinéa du présent 2 se prolonge au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur convoque l'agent à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation. " dès lors d'une part que cette procédure, dont l'application est prévue postérieurement à la décision de suspension, reste ainsi sans influence sur celle-ci, et d'autre part, qu'elle concerne les agents publics intervenant dans les lieux, établissements, services ou événements dont l'accès est soumis à l'obligation du passe sanitaire. Par suite, et alors même que l'administration n'a pas indiqué la durée de la mesure de suspension attaquée mais l'a conditionnée, ainsi qu'elle était en droit de le faire, à la production des documents attestant de la correcte exécution des obligations mises à sa charge par la loi du 5 août 2021, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la directrice générale du CHU de Dijon aurait commis une erreur de droit en prononçant une telle mesure pour une durée non définie.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Dijon, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au centre hospitalier universitaire de Dijon et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mai 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au préfet de la Côte-d'Or en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02488
Date de la décision : 29/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-01-01-02 Santé publique. - Protection générale de la santé publique. - Police et réglementation sanitaire. - Lutte contre les épidémies.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MANHOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-29;22ly02488 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award