Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 juillet 2023 par lesquelles la préfète du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.
Par jugement n° 2306356 du 2 août 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistré le 18 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Couderc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 août 2023 ainsi que les décisions du 25 juillet 2023 de la préfète du Rhône le concernant ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de statuer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois après remise d'une autorisation provisoire de séjour sous quinzaine et d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions litigieuses sont entachées d'un défaut d'examen complet et particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- le refus de délai de départ volontaire ainsi que la fixation du pays de destination sont illégales en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour d'un an est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; elle est insuffisamment motivée, entachée d'erreur matérielle, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa durée ;
- l'assignation à résidence est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La préfète du Rhône n'a pas produit de mémoire en défense.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par décision du 20 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure ;
- et les observations de Me Lefevre pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né en 1992, est entré en France en 1999 alors qu'il était mineur, en compagnie de ses parents. Il relève appel du jugement du 2 août 2023, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 25 juillet 2023 de la préfète du Rhône l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et l'interdisant de retour sur le territoire français pendant un an et l'a assigné à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré sur le territoire à l'âge de 17 ans, s'est toujours maintenu en situation irrégulière en France et a déjà fait l'objet, en 2018 et 2021, de deux refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire qu'il n'a pas exécutées. S'il se prévaut de la présence en France de sa compagne arménienne et de leurs deux enfants nés en 2013 et 2017, tous les membres de son foyer se maintiennent en situation irrégulière tandis que la cellule familiale peut se reconstituer en Arménie. La présence en situation régulière en France de ses deux sœurs ne suffit pas à lui ouvrir droit au séjour au motif de la protection de la vie privée et familiale dès lors que l'intéressé a vocation à vivre aux côtés de son épouse et de leurs deux enfants. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire en litige ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive aux intérêts privés et familiaux de M. B..., en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, l'obligation de quitter le territoire en litige n'ayant pas pour effet de séparer le requérant de ses enfants mineurs, qui peuvent suivre leurs parents en Arménie et y poursuivre leur scolarité, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes des décisions en litige que la préfète du Rhône a procédé à un examen particulier et sérieux de la demande de M. B....
5. En troisième lieu, en l'absence d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre des décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi, lui interdisant le retour sur le territoire pendant une durée d'un an et l'assignant à résidence.
6. En quatrième lieu, M. B... invoque des risques de poursuites pénales et d'emprisonnement découlant de son refus de se présenter à une convocation en vue d'effectuer son service militaire. Toutefois, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'ont ni pour objet, ni pour effet de permettre à l'intéressé de de se soustraire aux obligations légalement mises à sa charge en sa qualité de ressortissant arménien. Par suite, le moyen tiré de la violation par la décision fixant le pays de destination de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas fondé et doit être écarté.
7. En cinquième lieu, en visant les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en rappelant les conditions d'entrée et de séjour en France de M. B..., notamment qu'il s'était soustrait à de précédentes mesures d'éloignement, et en relevant qu'aucune circonstance humanitaire n'était caractérisée en l'espèce, la préfète du Rhône n'a entaché sa décision d'aucune erreur matérielle et a suffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour tant sur le principe que sur la durée. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, l'intéressé ne développant pas à l'appui de son moyen d'autres circonstances de fait que celles qui y sont rappelées, l'interdiction de retour ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Enfin, la durée d'un an de l'interdiction de retour, compte tenu de la situation du requérant, n'est pas excessive, ni entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En dernier lieu, la décision l'assignant à résidence n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil du requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2024 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président,
Mme Aline Evrard, présidente assesseure,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.
La rapporteure,
C. Psilakis
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03253