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23/05/2024 | FRANCE | N°23LY02834

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 23 mai 2024, 23LY02834


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 23 juin 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.



Par jugement n° 2301514 du 3 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une r

equête enregistrée le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Bourg, demande à la cour :



1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 23 juin 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 2301514 du 3 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Bourg, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 23 juin 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, le premier juge ayant examiné des moyens qui n'étaient pas soulevés ;

- le jugement attaqué est irrégulier, le premier juge ayant insuffisamment motivé son jugement à l'égard du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français et ayant omis de répondre à ce moyen ;

- l'arrêté du 6 avril 2023, qui constitue la base légale des décisions litigieuses, est illégal ; le refus de titre de séjour ainsi opposé n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation, est entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation, en datant à tort son dernier titre de séjour de 2019 et en qualifiant son comportement de menace pour l'ordre public ; l'interdiction de retour sur le territoire français dont il est assorti n'est pas motivée en fait et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une inexactitude matérielle et d'une erreur d'appréciation, compte tenu des circonstances particulières dont il se prévaut ;

- elle est entachée d'une méconnaissance du 1° de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'assignation à résidence est entachée d'erreur d'appréciation et est disproportionnée, compte tenu de la formation qu'il suit à Lyon.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 novembre 2023.

Par courrier du 5 avril 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que :

- la cour est susceptible de substituer d'office à la base légale erronée de la décision prolongeant l'interdiction de retour sur le territoire français celle tirée du 2° de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2023, devenu définitif à la date à laquelle elle a été soulevée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme du 23 juin 2023 prolongeant pour une durée d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre le 6 avril 2023 et l'assignant à résidence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, la circonstance que le premier juge ait écarté des moyens qui n'étaient pas soulevés par les parties n'est pas de nature à entacher son jugement d'irrégularité. En tout état de cause, et contrairement à ce que soutient M. B..., les moyens auxquels le premier juge a répondu aux points 3, 4, 8, 9 et 10 de son jugement avaient été soulevés dans sa requête, enregistrée le 23 juin 2023. Par suite, le moyen tiré de l'examen de moyens dont le tribunal n'était pas saisi doit être écarté.

3. En second lieu, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments du demandeur, a précisément répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont il s'est prévalu à l'encontre de la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, et alors même qu'il n'écarte pas explicitement l'existence de circonstances particulières propres à justifier l'inexécution par M. B... d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre, le jugement attaqué ne souffre ni d'une omission à statuer, ni d'une insuffisante motivation à l'égard de ce moyen.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 6 avril 2023 :

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'accusé de réception produit, que M. B... a été avisé le 8 avril 2019 du dépôt du pli contenant l'arrêté du 6 avril 2023. Dans son courrier du 26 juin 2023, celui-ci a reconnu avoir reçu cet avis de passage, sans avoir retiré le pli en temps utiles. Par suite, M. B... est réputé avoir, dès cette date, régulièrement reçu notification de cette décision, qui mentionnait les voies et délais de recours applicables. Par suite, cette décision était devenue définitive à la date à laquelle il s'est prévalu, par voie d'exception, de son illégalité. L'exception d'illégalité de cette décision individuelle s'avère ainsi irrecevable et ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne la prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; 2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé (...) ".

6. Lorsqu'il constate que l'arrêté contesté devant lui aurait pu être pris, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui sur lequel il se fonde, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

7. S'il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. B... le 6 avril 2023 était, contrairement à ce qu'a mentionné le préfet du Puy-de-Dôme en visant le 1° de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assortie d'un délai de départ volontaire, l'interdiction de retour sur le territoire français dont elle était également assortie pouvait tout autant faire l'objet d'une prolongation sur le fondement de cette mesure d'éloignement, en application du 2° du même article. Par suite, si le préfet du Puy-de-Dôme s'est, à tort, fondé sur le 1° de l'article L. 612-11 pour prolonger l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. B..., il y a lieu d'y substituer la base légale tirée du 2° du même article, dès lors que cette substitution n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer ces deux dispositions.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour (...) la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 6 avril 2023, le préfet du Puy-de-Dôme a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Ce dernier, qui a reconnu avoir reçu l'avis de passage postal sans avoir retiré le pli en temps utiles, ne saurait dès lors utilement se prévaloir de la connaissance tardive qu'il a eue de cette décision pour justifier le défaut d'exécution de cette mesure d'éloignement. Par ailleurs, s'il fait valoir résider en France depuis 2013, il n'établit nullement la continuité de son séjour sur le territoire français, où il ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale. Dans ces circonstances, et alors même que sa présence en France ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Puy-de-Dôme a pu, sans méconnaître les dispositions précitées ni entacher sa décision d'inexactitude matérielle, prolonger l'interdiction de retour sur le territoire français initialement prononcée à l'encontre de M. B... pour une durée d'un an.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

10. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré (...) ".

11. Si, pour soutenir que l'obligation de se présenter quotidiennement aux services de police de Clermont-Ferrand, prévue par son assignation à résidence, est disproportionnée, M. B... invoque la poursuite de ses études à Lyon, il n'établit nullement, par le certificat d'inscription au titre de l'année universitaire 2022/2023, les copies de planning et les justificatifs de transport, antérieurs à la décision litigieuse, qu'il produit que ses cours devaient se prolonger durablement au-delà du 23 juin 2023. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de cette mesure doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02834
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23ly02834 ?
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