La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°23LY00908

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 23 mai 2024, 23LY00908


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, l'arrêté du 1er janvier 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a retiré tout délai de d

part volontaire pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prononcée le 9 décembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois, l'arrêté du 1er janvier 2022 par lequel le préfet du Rhône lui a retiré tout délai de départ volontaire pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prononcée le 9 décembre 2021 et l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2200007 du 5 janvier 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a annulé les décisions du 9 décembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays à destination, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée vingt-quatre mois et l'arrêté du 1er janvier 2022 ainsi que l'arrêté du 3 janvier 2022 et a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour.

Par un jugement n° 2200007 du 6 décembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 mars 2023, M. A..., représenté par Me Rahmani, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2022 et l'arrêté du 9 décembre 2021 en tant qu'il vaut refus de délivrance d'un titre de séjour ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation sur la menace qu'il représenterait pour l'ordre public au regard des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a inexactement apprécié les faits en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur de droit en rejetant la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement sans procéder à un examen global de sa situation ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en n'examinant pas la possibilité de lui délivrer un titre de séjour fondé sur son état de santé, l'administration a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- en refusant de régulariser sa situation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

La préfète du Rhône à laquelle la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- et les observations de Me Rahmani, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 13 septembre 2002, est arrivé en France, selon ses déclarations le 1er août 2017. Le 3 mai 2021, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 9 décembre 2021, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par arrêté du 1er janvier 2022, le préfet lui a retiré tout délai de départ volontaire pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prononcée le 9 décembre 2021. Puis, par arrêté du 3 janvier 2022 le préfet l'a assigné à résidence. Par un jugement du 5 janvier 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 9 décembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée vingt-quatre mois et les arrêtés des 1er et 3 janvier 2022. Par un jugement du 6 décembre 2022 dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour.

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour comprend les considérations de droit et les éléments de faits sur lesquels le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A.... Contrairement à ce qu'indique M. A..., le préfet n'a pas occulté ses problèmes de santé puisqu'il a indiqué qu'il avait été hospitalisé entre les mois de septembre 2018 et février 2020. Si le préfet n'en a pas fait état lorsqu'il a apprécié la menace qu'il représente pour l'ordre public, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la décision d'un défaut de motivation.

3. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs des premiers juges, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation.

4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

5. La menace pour l'ordre public s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement personnel de l'étranger en cause. Il n'est donc ni nécessaire, ni suffisant que le demandeur ait fait l'objet de condamnations pénales. L'existence de celles-ci constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que d'autres éléments tels que la nature, l'ancienneté ou la gravité des faits reprochés à la personne ou encore son comportement habituel.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. " Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

7. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement de ces dispositions, le préfet a indiqué qu'outre le non-respect d'une des conditions de fond en vue de la délivrance d'une carte de séjour prévue à l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir qu'il ne justifie pas du caractère réel et sérieux du suivi d'une formation, il y avait lieu de faire application de la réserve d'ordre public prévue aux articles L. 412-5 et L. 432-1 précités.

8. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. A... a été interpellé les 28 juillet et 11 septembre 2018, les 28 juin, 25 août et 5 octobre 2021 pour des faits de vol avec violence. Si aucun de ces faits n'a conduit à la condamnation pénale de l'intéressé, c'est en raison de son irresponsabilité pour troubles psychiques. Eu égard à la gravité des faits commis avec violence, à leur répétition et à leur caractère récent, et malgré l'irresponsabilité pénale de l'intéressé, le préfet a pu, sans commettre ni erreur de droit, ni faire une inexacte application des dispositions précitées, estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.

9. Par ailleurs, si le préfet s'est borné dans la décision litigieuse à apprécier le caractère réel et sérieux de sa formation et n'a en conséquence pas procédé à un examen global de la situation de M. A... au regard de l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle tels que rappelés au point 6, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'atteinte portée par M. A... à l'ordre public.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... avait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner d'office la possibilité de lui délivrer un tel titre de séjour même s'il savait qu'il présentait des troubles psychiatriques, n'a pas commis d'erreur de droit en n'examinant la possibilité de lui délivrer un tel titre de séjour.

11. En cinquième lieu, dès lors que M. A... n'a pas présenté de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et que le préfet n'a pas examiné d'office cette possibilité, M. A... ne peut utilement faire valoir que le refus de titre de séjour méconnaîtrait l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

13. A la date à laquelle le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., il séjournait en France depuis quatre ans. Depuis son arrivée en France, il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Il ne justifie pas d'une intégration particulière, n'ayant pas pu poursuivre ses études du fait de son affection psychiatrique et ne justifiant d'aucunes relations amicales ou sociales. S'il est indiqué, dans le rapport de la structure d'accueil qu'il aurait fui son pays en raison de relations conflictuelles avec son père, il apparaît dans ce rapport qu'il aurait conservé des liens, qualifiés de ténus, avec sa mère. Il n'apparaît pas que la pathologie psychiatrique dont il est atteint, et pour laquelle il bénéficie d'un suivi régulier, ne pourrait être prise en charge dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, il ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

14. En septième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14./ Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. "

15. Les éléments dont M. A... se prévaut, rappelés au point 13, ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 précité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation sur le fondement de cet article doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00908

kc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00908
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : RAHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23ly00908 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award