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16/05/2024 | FRANCE | N°23LY03935

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 16 mai 2024, 23LY03935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités de la République Fédérale d'Allemagne en qualité de responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre à cette autorité de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un dossier lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, à tout l

e moins, de réexaminer sa situation sous astreinte.



Par un jugement n° 2309556...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône a décidé sa remise aux autorités de la République Fédérale d'Allemagne en qualité de responsables de l'examen de sa demande d'asile et d'enjoindre à cette autorité de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un dossier lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation sous astreinte.

Par un jugement n° 2309556 du 30 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté (article 2), enjoint à la préfète du Rhône d'enregistrer la demande d'asile de Mme A..., de lui remettre le dossier à adresser à l'OFPRA et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement (article 3), et rejeté le surplus de cette demande (article 4).

Procédure devant la cour

I - Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2023 et 23 février 2024, sous le n° 23LY03935, la préfète du Rhône, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 31 octobre 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de Mme A..., de lui remettre le dossier à adresser à l'OFPRA et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande de première instance de Mme A... ;

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; la situation de Mme A... ne justifie pas l'application de la clause discrétionnaire qu'elles prévoient ;

- les autres moyens soulevés en appel par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 27 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Hmaida, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2023 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Rhône de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'un dossier lui permettant de saisir l'OFPRA ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, une somme de 1 000 euros au titre des article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par la préfète du Rhône n'est pas fondé ; l'arrêté est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ses parents et son frère résidant également en France ;

- à titre subsidiaire, il méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Une ordonnance du 28 février 2024 a fixé la date de clôture de l'instruction au 18 mars 2024.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2024.

II- Par une requête enregistrée le 21 décembre 2023, sous le n° 23LY03936, la préfète du Rhône demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement en ce qu'il a annulé l'arrêté du 31 octobre 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de Mme A..., de lui remettre le dossier à adresser à l'OFPRA et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement.

Elle soutient que :

- elle est fondée à obtenir le sursis à exécution du jugement attaqué, et à tout le moins de son article 3, en application des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ;

- le moyen qu'elle invoque, dans sa requête d'appel dirigée contre le jugement attaqué, paraît en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation qui ont été accueillies par celui-ci ;

- le jugement attaqué, en tant qu'il lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de Mme A..., méconnaît les dispositions des articles L. 777-3 du code de justice administrative et l'article L. 572-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de la décision de transfert en litige ne permettant pas le prononcé d'une telle injonction ; en toute hypothèse, à supposer que s'applique en l'espèce l'article L. 911-1 du code de justice administrative, l'enregistrement de la demande d'asile de Mme A... en procédure normale ne constitue pas la conséquence directe de l'annulation de la décision en litige.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêt C-578/16 PPU de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 février 2017 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante de la République d'Angola, née le 15 juin 1985 à Luige, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 23 août 2023, selon ses déclarations, avec son compagnon et leurs quatre enfants, dont une majeure. Elle a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 29 septembre 2023. La consultation du fichier européen dit " visabio " a fait alors apparaître que Mme A... était entrée sur le territoire des États membres au moyen d'un visa délivré par les autorités de la République Fédérale d'Allemagne valable du 12 août au 10 septembre 2023. Les autorités allemandes, saisies d'une demande de prise en charge de l'intéressée pour l'examen de sa demande d'asile le 11 octobre 2023, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 17 octobre 2023. Par un arrêté du 31 octobre 2023, la préfète du Rhône a ordonné son transfert aux autorités allemandes en qualité de responsables de sa demande d'asile. La préfète du Rhône, par deux requêtes qu'il convient de joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a notamment annulé cet arrêté et demande de surseoir à son exécution.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le motif de censure retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). ".

3. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Dans son arrêt C-578/16 PPU du 16 février 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a interprété le paragraphe 1 de cet article à la lumière de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " dans le sens que, lorsque le transfert d'un demandeur d'asile présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens de cet article. La Cour en a déduit que les autorités de l'État membre concerné, y compris ses juridictions, doivent vérifier auprès de l'État membre responsable que les soins indispensables seront disponibles à l'arrivée et que le transfert n'entraînera pas, par lui-même, de risque réel d'une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, précisant que, le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'État membre requérant pourrait choisir d'examiner lui -même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme A..., pour soutenir que la préfète du Rhône avait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions précitées du 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, a notamment invoqué son état de grossesse à risque. Toutefois, et alors qu'elle a indiqué pour la première fois aux services préfectoraux le 31 octobre 2023, lors de la notification de l'arrêté en litige, qu'elle était enceinte de six mois et s'est prévalue à cette occasion d'un compte-rendu d'échographie du deuxième semestre réalisé le 2 octobre précédent ne faisant état d'aucun risque particulier, l'intéressée a seulement produit au cours de la première instance, outre des documents à caractère médical confirmant cet état, en particulier un certificat établi le 10 novembre 2023 par un praticien attaché exerçant à la permanence d'accès aux soins de santé du Centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne, indiquant brièvement que l'intéressée avait accouché de son dernier enfant de manière prématurée et que tout voyage en avion présentait ainsi un risque similaire majoré pour l'enfant à naître, un transfert vers l'Allemagne étant ainsi contre indiqué pour ce dernier et pour Mme A.... Toutefois, il n'apparaît pas, en l'espèce, au vu de ce seul certificat, que le transfert de Mme A..., qui ne présentait pas une affection mentale ou physique particulièrement grave, vers l'Allemagne, pays bénéficiant de structures médicales comparables à celles existant en France, qui n'avait pas à être impérativement réalisé en avion, entraînerait un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Par suite, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, en considérant que la situation de Mme A... ne justifiait pas la mise en œuvre de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, la préfète du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. C'est donc à tort que le premier juge s'est fondé sur une telle erreur pour annuler cette décision.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif et la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / (...). ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre, le 29 septembre 2023, les brochures " A " et " B ", constituant la brochure commune prévue à l'article 4 cité au point précédent, en langue lingala qu'elle a déclaré comprendre, ainsi qu'il résulte des mentions portées sur un document intitulé " information délivrées en application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 " signé par l'intéressée. Le moyen tiré du vice de procédure, au regard des dispositions citées au point précédent, en l'absence de justification que lui ont été remises les informations prévues par ces dispositions, par écrit, dans une langue qu'elle comprend doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien individuel dont Mme A... a bénéficié, le 29 septembre 2023, avec un agent du service compétent de la préfecture du Rhône et avec l'assistance d'un interprète en langue lingala, a fait l'objet d'un compte-rendu, qu'elle a signé et dont elle a obtenu copie, ainsi que cela apparaît compte tenu des mentions portées sur un document intitulé " information délivrées en application de l'article 5.6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 " qu'elle a également signé. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure, au regard des dispositions citées ci-dessus, faute de remise d'une copie du compte-rendu de l'entretien individuel ne peut être admis.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / (...) / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier (...) alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. / (...). ".

11. Si Mme A... soutient que l'arrêté contesté méconnaît l'article 21 précité, en l'absence de justification que les autorités allemandes ont été saisies dans les délais impartis, il ressort toutefois des pièces du dossier que, à la suite de la demande de protection internationale de l'intéressée formée le 29 septembre 2023, et la consultation du système dit " visabio " le même jour, les autorités allemandes ont été saisies d'une demande de prise en charge le 11 octobre 2023, à laquelle elles ont d'ailleurs répondu le 17 octobre suivant. Le moyen ne saurait ainsi être admis.

12. En quatrième lieu, Mme A... soutient que l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation faute de prise en compte par la préfète de son état de grossesse de même que la présence de ses parents et de son frère. Cependant, il résulte des termes mêmes de l'arrêté en litige que la préfète a tenu compte du fait que l'intéressée était enceinte, estimant qu'il ne faisait pas obstacle à la mesure prise. Par ailleurs, il n'apparaît pas que Mme A... aurait fait état de la présence en France de ceux qu'elle présente comme ses parents et son frère avant la notification de la décision en litige, ayant seulement mentionné lors de celle-ci que sa mère se trouvait en France et qu'elle la cherchait, si bien qu'elle ne saurait faire reproche à la préfète de ne pas avoir tenu compte de cette circonstance. Par suite, ces éléments ne sont pas de nature à laisser penser que cette décision serait entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, qui ne ressort, en toute hypothèse, pas des pièces du dossier. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

14. Mme A... se prévaut de l'état de santé de l'un de ses fils, qui est atteint d'une pathologie infectieuse latente touchant habituellement les poumons, en produisant un certificat établi le 10 novembre 2023 par un praticien attaché exerçant à la permanence d'accès aux soins de santé du Centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne qui, bien que rédigé postérieurement à la décision contestée, décrit une situation préexistante. Toutefois, il ne ressort pas de ce certificat médical, qui fait seulement mention de risques en cas de rupture de traitement débutant, que la préfète n'aurait pas tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme A... en décidant sa remise aux autorités allemandes en qualité de responsables de l'examen de sa demande d'asile, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ce pays bénéficie de structures médicales comparables à celles existant en France, susceptibles ainsi de prendre médicalement en charge cet enfant dans des conditions similaires. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

15. En dernier lieu, si Mme A... soutient que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, du fait de la présence de membres de sa famille en France, soit un frère et ses parents, elle ne produit toutefois aucun élément suffisamment circonstancié de nature à laisser présumer de l'existence d'un tel lien familial. En toute hypothèse, en admettant même que la réalité de liens familiaux avec les personnes qu'elle présente comme son frère et ses parents serait suffisamment corroborée, rien ne permet de penser que Mme A..., majeure, se trouvant sur le territoire français avec son compagnon et ses quatre enfants, dont une majeure, aurait, comme l'indique la préfète du Rhône, entretenu ou entretiendrait avec ceux-ci des liens particulièrement étroits, justifiant que leurs demandes d'asile soient étudiées en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., son compagnon et ses enfants et ceux qu'elle présente comme son frère et ses parents, sont entrés sur le territoire à des dates différentes et par des voies distinctes. Par suite, aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ne saurait être retenue.

16. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 31 octobre 2023 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de Mme A..., de lui remettre le dossier à adresser à l'OFPRA et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement. La demande correspondante de Mme A... présentée devant ce tribunal, dans cette mesure, et l'ensemble de ses conclusions présentées en appel, doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

17. Le présent arrêt statuant sur l'appel la préfète du Rhône dirigée contre le jugement n° 2309556 du 30 novembre 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 23LY03936 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2309556 du 30 novembre 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : La demande de Mme A... correspondante présentée devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées devant la cour dans l'instance n° 23LY03935 sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la préfète du Rhône tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 novembre 2023.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B....

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°s 23LY03935, 23LY03936

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03935
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : HMAIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23ly03935 ?
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