La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°22LY02575

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 02 mai 2024, 22LY02575


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Crolles a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.



Par jugement n° 2003172 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.







Procédure devant la cour



Par une requête et deux mémoires enregistrés le 22 août 2022, le 7 avril 2023 et le 30 octobre 2023, M. A..., représenté par Me La...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Crolles a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.

Par jugement n° 2003172 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 22 août 2022, le 7 avril 2023 et le 30 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Laborie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du maire de Crolles du 9 mars 2020, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à la commune de Crolles de supprimer cette sanction de son dossier administratif, à tout le moins d'y apposer la mention de son annulation, et d'insérer l'arrêt à intervenir dans son dossier ;

3°) d'enjoindre à la commune de Crolles de reconstituer ses droits financiers et à carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Crolles la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la sanction litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, celle-ci n'ayant pas respecté les droits de la défense, notamment lors de l'entretien préalable organisé le 30 octobre 2019, ni l'exigence d'impartialité, en emportant communication d'une précédente sanction aux membres du conseil de discipline ;

- le maire de Crolles s'est à tort estimé tenu de suivre l'avis du conseil de discipline ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction prononcée est disproportionnée au regard des faits reprochés.

Par mémoires enregistrés le 20 septembre 2023 et le 13 novembre 2023 (non communiqué), la commune de Crolles, représentée par Me Mollion (SELARL Conseil affaires publiques), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code pénal ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vial-Grelier pour M. A... et celles de Me Séchaud pour la commune de Crolles.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., brigadier-chef principal au sein de la police municipale de la commune de Crolles, relève appel du jugement du 21 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de la commune du 9 mars 2020 prononçant à son encontre, à titre disciplinaire, une exclusion temporaire de fonctions de douze mois, dont six avec sursis, ensemble la décision rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (...). L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ". L'information de l'agent exigée par ces dispositions doit intervenir préalablement au prononcé de la sanction et en temps utile pour que le droit à communication du dossier puisse s'exercer.

3. Il est constant que M. A... a été informé, par courrier 18 octobre 2019, de son droit à consulter son dossier, ce qu'il a fait le 28 octobre 2019, avant d'en recevoir copie le 14 février 2020. Il ne conteste pas le caractère complet du dossier dont il a alors reçu copie. Par suite, la circonstance que son dossier ait été complété, postérieurement au courrier du 18 octobre 2019 et à l'entretien mené le 30 octobre 2019, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Il en est de même de la circonstance que la convocation à cet entretien comportait des imprécisions quant à la date des faits qui devaient y être abordés, cet entretien préalable étant dépourvu de caractère obligatoire. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie et de la méconnaissance du principe général des droits de la défense doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, si, le 11 février 2020, M. A... a obtenu, sur le fondement de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, la suppression de son dossier d'une précédente sanction dont il avait fait l'objet en 2008, il ressort du courrier du maire de Crolles adressé le 13 février 2020 au centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Isère, et non utilement démenti par M. A..., que l'arrêté prononçant cette sanction a été retiré de son dossier dès le 11 février 2020 et qu'il n'avait pas été précédemment transmis au conseil de discipline, lequel n'y a, d'ailleurs, fait aucune référence dans son avis. Aucune irrégularité de procédure, ni aucune partialité des membres du conseil de discipline ne procèdent dès lors de la suppression de cette précédente sanction et de sa mention dans le courrier du 13 février 2020. Aucune partialité ne résulte davantage des circonstances qu'il n'aurait pas fait l'objet d'une évaluation et que sa manière de servir n'aurait jamais été critiquée depuis son entrée dans le service, moins de deux ans auparavant. Par suite, aucune méconnaissance du principe d'impartialité n'est établie.

5. En troisième lieu, si le maire de Crolles a suivi l'avis émis par le conseil de discipline et s'en est approprié certains termes, il ne ressort, en revanche, ni de la décision litigieuse, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'il se serait, à tort, estimé tenu de le suivre. Par suite, et contrairement à ce que prétend M. A..., le maire de Crolles n'a ainsi nullement méconnu l'étendue de sa compétence.

6. En quatrième lieu, aux termes, d'une part, de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte (...) leur dignité (...) ". Aux termes de l'article R. 515- 7 du code de la sécurité intérieure : " L'agent de police municipale (...) ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. Il est placé au service du public et se comporte de manière exemplaire envers celui-ci. Il accorde la même attention et le même respect à toute personne et n'établit aucune distinction dans ses actes et ses propos de nature à constituer l'une des discriminations énoncées à l'article 225- 1 du code pénal. ". Selon cet article 225-1 du code pénal : " Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement (...) de leur sexe (...) ".

7. Aux termes, d'autre part, de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) ".

8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. Pour prononcer la sanction litigieuse, le maire de Crolles a notamment retenu que, le 8 octobre 2019, M. A... a adressé des propos notablement obscènes à une collègue, en l'invitant à participer à des relations sexuelles. Si aucun témoin n'a assisté à leur échange, il ressort des pièces du dossier qu'un autre agent était alors présent à proximité. Entendu par le maire le 18 octobre 2019, celui-ci, manifestement embarrassé, a confirmé la réalité de l'entrevue entre M. A... et cette collègue, en indiquant avoir entendu des propos " un peu salace(s) " puis une altercation, avant de constater le désarroi de l'intéressée. Celle-ci a, le jour même, rapporté ces propos à son supérieur puis a, le lendemain, fait part de cet incident et de son mal-être à une collègue. M. A... qui n'a jamais exposé sa version des faits, ni expressément démenti avoir tenu de tels propos, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude de l'échange ainsi rapporté. Dans ces circonstances, et contrairement à ce que soutient M. A..., la réalité des faits qui lui sont reprochés est établie, nonobstant l'absence de suites pénales données à la plainte déposée par l'agent qui les a subis.

10. En cinquième lieu, portant atteinte à la dignité de l'agent concerné et méconnaissant l'obligation de respect incombant spécialement à tout agent de police municipal, les faits ainsi reprochés à M. A... revêtent, indépendamment de toute qualification de harcèlement sexuel, un caractère fautif, propre à justifier une mesure disciplinaire. Si M. A... se prévaut de l'absence de précédent disciplinaire pour des faits comparables et de l'absence d'autres griefs faits à sa manière de servir, il ressort des pièces du dossier, en particulier des témoignages recueillis auprès de différents agents entendus par le maire ou par la responsable des ressources humaines le 18 octobre 2019, qu'il tenait régulièrement des propos particulièrement outrageants, à connotation ou à caractère ouvertement sexuel, notamment auprès de collègues féminines, voire auprès de tiers dans l'exercice de ses fonctions. Emanant de sept agents qui font état d'un comportement dont ils ont été directement témoins, ces témoignages concordants ne sauraient être privés de caractère probant du seul fait de leur anonymat. Eu égard aux fonctions exercées par M. A..., ce comportement revêt une particulière gravité, qui ne saurait être justifiée par un humour présenté comme graveleux. Dans ces circonstances, la sanction litigieuse n'est pas disproportionnée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Crolles, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par la commune de Crolles au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Crolles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Crolles.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, où siégeaient :

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLa présidente,

A. Evrard

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02575
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;22ly02575 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award