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30/04/2024 | FRANCE | N°23LY01820

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 30 avril 2024, 23LY01820


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 janvier 2023 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2301433 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure deva

nt la cour



Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Sabatier, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 janvier 2023 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2301433 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, M. B..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 mai 2023 ;

2°) d'annuler les décisions du 18 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux révélant une erreur de droit et un vice de procédure, dès lors que la préfète de la Loire n'a pas statué sur sa demande d'autorisation de travail ; la préfète de la Loire a manqué à l'obligation de loyauté qui incombe à toute administration en ne transmettant pas la demande d'autorisation de travail au service de la main d'œuvre étrangère, alors précisément que la commission du titre de séjour avait conditionné son avis à l'obtention d'un avis favorable dudit service ; elle ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il a, contrairement aux allégations de la préfète, produit l'ensemble des documents nécessaires à la saisine des services de la main d'œuvre étrangère ;

- cette décision est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux et d'erreur de droit en ce que la préfète de la Loire s'est bornée, dans l'arrêté contesté, à indiquer que les caractéristiques de l'emploi auquel il prétend ne seraient pas de nature à constituer un motif exceptionnel, sans se prononcer au regard de sa qualification, de son expérience, ses diplômes, de même que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, ou tout autre élément relatif à sa situation personnelle, à commencer par l'ancienneté de son séjour en France, où il vit depuis plus de quinze ans ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans son volet " vie privée et familiale " ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par la préfète de la Loire de son pouvoir général de régularisation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Loire, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né le 16 janvier 1973, est entré régulièrement en France durant l'année 2008 sous couvert d'un visa italien. A son arrivée, il a été renvoyé en Italie mais est immédiatement revenu en France. Le 6 juillet 2021, M. B... a sollicité la régularisation de sa situation par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". M. B... relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 janvier 2023, par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.

Sur la légalité des décisions du 18 janvier 2023 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la demande d'autorisation de travail présentée par un étranger déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet par l'employeur. Saisi régulièrement d'une telle demande, le préfet est tenu de l'instruire et ne peut pendant cette instruction refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente.

3. Il est constant que la demande de M. B... était exclusivement présentée au titre de sa vie privée et familiale, et de l'admission exceptionnelle au séjour, au titre du travail. M. B..., qui a produit à l'appui de sa demande une promesse d'embauche en qualité de boucher, et non un contrat de travail, ne démontre pas avoir présenté simultanément une demande d'autorisation de travail par l'intermédiaire d'un formulaire normalisé rempli par son employeur potentiel et que le préfet aurait été tenu d'instruire. La commission du titre de séjour, laquelle s'est réunie le 19 octobre 2022 en raison de la présence habituelle en France de l'intéressé depuis plus de dix ans, a relevé que l'intéressé a versé au dossier un " projet de contrat de travail " et une " demande d'autorisation de travail ". Toutefois, le requérant ne démontre pas qu'il aurait déposé en préfecture le formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail rempli par son employeur auquel fait référence l'avis de la commission du titre de séjour. L'arrêté attaqué ne lui a nullement refusé la délivrance d'un titre de séjour salarié sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Dans ces conditions, les moyens tirés du vice de procédure, de l'erreur de droit et du défaut d'examen sérieux en l'absence d'instruction de sa demande d'autorisation de travail ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

4. En deuxième lieu, la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à la proposition de la préfecture de la Loire sous condition d'obtention d'un avis favorable de la part du service de la main d'œuvre étrangère. La préfète de la Loire a opposé dans l'arrêté en litige qu'aucune pièce complémentaire n'a été transmise, malgré la demande qui lui avait été faite, pour lui permettre de solliciter l'avis du service de la main d'œuvre étrangère. Comme l'ont relevé les premiers juges, si M. B... soutient que la préfète de la Loire aurait entaché sa décision d'une erreur de fait en relevant qu'il n'avait pas produit les pièces complémentaires sollicitées, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations de nature à contredire ladite mention, alors qu'est produit en défense un courriel de relance en ce sens, de sorte que la préfète de la Loire n'a pas davantage fait preuve de déloyauté à l'égard du requérant. Le requérant, qui n'établit pas qu'il aurait déposé en préfecture le formulaire Cerfa de demande d'autorisation de travail rempli par son employeur auquel fait référence l'avis de la commission du titre de séjour, ne peut davantage prétendre que les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration auraient été méconnues.

5. En troisième lieu, la demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail présentée par un étranger n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 5221-2. La préfète de la Loire n'avait pas davantage à examiner la pertinence de cette promesse d'embauche au regard des critères de l'article L. 5221-20 du code du travail, et notamment l'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, mais seulement au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. En indiquant dans l'arrêté contesté, que les caractéristiques de l'emploi auquel il prétend ne sont pas de nature à constituer un motif exceptionnel, la préfète de la Loire a procédé à un examen sérieux de l'opportunité de procéder à la régularisation de la situation de M. B... et a suffisamment motivé son refus.

6. En quatrième lieu, l'expérience professionnelle de M. B... comme boucher au Maroc et en France ne suffit pas pour caractériser une erreur manifeste d'appréciation de la préfète de la Loire dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au titre du travail.

7. En cinquième et dernier lieu, si M. B... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, où il réside depuis une quinzaine d'années, il résulte de ce qui a été dit au point 1 que l'intéressé se maintient en situation irrégulière depuis toutes ces années et qu'il a attendu le 6 juillet 2021 pour déposer une première demande d'admission au séjour. Le requérant, âgé de 50 ans, célibataire et sans charge de famille, a nécessairement conservé de fortes attaches dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence et où résident notamment ses parents, ses frères et sa sœur. En dépit de ses facultés d'intégration, eu égard aux conditions de son séjour en France, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Loire, en refusant la régularisation de sa situation par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français violerait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

9 M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

12. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01820
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23ly01820 ?
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