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30/04/2024 | FRANCE | N°22LY02797

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 30 avril 2024, 22LY02797


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand : 1°) d'annuler la décision de retrait de la décision de l'aide au maintien en agriculture biologique (MAB) 2015 et l'ordre de recouvrement du 29 août 2019 ; 2°) d'enjoindre à l'Agence de services et de paiement (ASP) de lui reverser la somme de 6 098,59 euros ; 3°) subsidiairement de condamner l'Etat et la région Auvergne-Rhône Alpes à lui verser, solidairement une somme de 12 299,20 euros ; 4°) de mettre à la ch

arge de l'Etat, de l'agence des services et de paiement et de la région Auvergne-Rhône-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand : 1°) d'annuler la décision de retrait de la décision de l'aide au maintien en agriculture biologique (MAB) 2015 et l'ordre de recouvrement du 29 août 2019 ; 2°) d'enjoindre à l'Agence de services et de paiement (ASP) de lui reverser la somme de 6 098,59 euros ; 3°) subsidiairement de condamner l'Etat et la région Auvergne-Rhône Alpes à lui verser, solidairement une somme de 12 299,20 euros ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, de l'agence des services et de paiement et de la région Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000508 du 20 juillet 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Chevalier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 juillet 2022 ;

2°) de condamner l'Etat, et le cas échéant, l'Agence de services et de paiement (ASP) et la région Auvergne-Rhône Alpes à lui verser une somme de 10 500 euros, quitte à parfaire, assortie des intérêts au taux légal, et de leur capitalisation ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'engager la responsabilité de l'État, et subsidiairement, de l'ASP et de la région Auvergne-Rhône Alpes, à raison du versement de l'aide MAB 2015 : à supposer qu'il n'était pas éligible à l'aide au maintien en agriculture biologique au titre de la campagne 2015, les services de la direction départementale des territoires (DDT) du Puy-de-Dôme ont commis deux erreurs fautives, d'une part, en prenant la décision d'engagement du 6 juin 2015, d'autre part, en lui accordant des versements les 6 mai 2016 et 1er décembre 2017, dès lors que le versement d'une aide agricole indue, imputable en tout ou partie à une carence de l'administration, qui a commis une erreur dans l'instruction de la demande d'aide, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a refusé d'engager la responsabilité de l'État, et subsidiairement de l'ASP et de la région Auvergne-Rhône Alpes, à raison du retard avec lequel l'administration a procédé au retrait et à la récupération de cette aide ; si l'administration était, en 2019, encore en droit de procéder à la récupération des aides en litige, le contrôle d'éligibilité, réalisé quatre ans après la campagne en cause, a été effectué tardivement puisque l'administration était tenue d'instruire ces demandes d'aides dans un délai raisonnable d'un an, et donc au plus tard le 15 mai 2016 ;

- il n'a pas pu bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de la campagne 2015, ce qui génère un préjudice de 2 500 euros ;

- le versement indu de la somme de 5 938,56 euros (ATR) le 6 mai 2016 et de 2 360,64 euros le 1er décembre 2017 l'a conduit à supporter des charges fiscales et sociales supplémentaires qui n'ont pu être remboursées, représentant un préjudice évalué à 3 000 euros au titre de l'impôt sur le revenu (2017 et 2018) et de la CSG et à 2 500 euros au titre de ses cotisations de MSA ;

- ces erreurs d'instruction et de versement, puis ces demandes de restitution tardives lui ont causé des troubles dans ses conditions d'existence, qui devront être indemnisés en lui versant une somme globale de 2 500 euros.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire déclare qu'il ne produira pas d'observations dans l'instance, dès lors qu'il n'est pas compétent pour défendre les décisions, dont il n'est pas l'auteur, de la direction départementale des territoires (DDT), agissant au nom et pour le compte de la région Auvergne-Rhône Alpes, et de l'Agence de services et de paiement (ASP).

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, la région Auvergne-Rhône Alpes, représentée par la Selarl Philippe Petit et associés, agissant par Me Petit, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la demande était irrecevable, car tardive, le délai de recours contentieux de deux mois après rejet de son recours gracieux le 26 novembre 2019 étant expiré lorsque l'intéressé a saisi le tribunal administratif ;

- en l'absence de faute, les conclusions indemnitaires devront être rejetées ;

- le requérant ne démontre pas la réalité de ses préjudices.

La requête a été communiquée à l'Agence de services et de paiement, qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 29 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural ;

- le règlement délégué (UE) n° 640/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale ;

- le décret n° 2017-1286 du 21 août 2017 relatif aux paiements agroenvironnementaux et climatiques, aux aides en faveur de l'agriculture biologique, aux paiements au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l'eau et modifiant le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Chevalier pour M. B... ainsi que celles de Me Callot pour la région Auvergne-Rhône Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., cultivateur au sein du domaine de la garde, situé à Artonne, dans le Puy-de-Dôme, s'est engagé dans un processus de conversion à l'agriculture biologique à partir de 1998. Dans ce contexte, il a demandé à bénéficier d'aides au maintien de l'agriculture biologique au titre de la campagne 2015. Par une décision d'engagement du 6 juin 2015, le président du conseil régional de la région Auvergne-Rhône Alpes lui a accordé une aide de 8 299,20 euros, à compter du 15 juin 2015, pour une durée de cinq ans. Au titre de cette aide MAB 2015, il a perçu le 6 mai 2016 une avance de trésorerie remboursable (ATR) de 5 938,56 euros, et un solde de 2 360,64 euros le 1er décembre 2017. Toutefois, après un contrôle aléatoire dit de " supervision " achevé en février 2019, qui a conduit l'autorité administrative à estimer que cet engagement n'aurait pas dû être accepté, la direction départementale des territoires (DDT), a, par un courrier du 15 février 2019 mettant en œuvre la procédure contradictoire, indiqué que l'aide MAB versée en 2015 était susceptible d'être récupérée. Un ordre de recouvrer la somme de 8 299,20 euros a été émis par l'agence des services et des paiements le 29 août 2019 et notifié par un courrier du 3 octobre 2019, reçu le 9 octobre suivant. M. B... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à l'annulation de la décision de retrait de la décision de l'aide au maintien en agriculture biologique (MAB) 2015, à la décharge de l'obligation de payer la somme de 8 299,20 euros figurant sur l'ordre de recouvrer, ainsi qu'à l'indemnisation à hauteur de 12 299,20 euros des préjudices qu'il aurait subis dans les suites de la " supervision ". M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 juillet 2022 en tant qu'il rejette sa demande indemnitaire.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 29 " agriculture biologique " du règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil : " 1. L'aide au titre de cette mesure est accordée, par hectare de surface agricole, aux agriculteurs ou groupements d'agriculteurs qui s'engagent, sur la base du volontariat, à maintenir des pratiques et méthodes de l'agriculture biologique telles qu'elles sont définies dans le règlement (CE) no 834/2007 ou à adopter de telles pratiques et méthodes et qui sont des agriculteurs actifs au sens de l'article 9 du règlement (UE) no 1307/2013. / (...) 4. Les paiements sont accordés annuellement et indemnisent les bénéficiaires pour une partie ou la totalité des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des engagements pris (...) ". Aux termes de l'article 75 du règlement UE n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil : " 1. Les paiements au titre des régimes et mesures d'aide visés à l'article 67, paragraphe 2, sont effectués au cours de la période comprise entre le 1er décembre et le 30 juin de l'année civile suivante. / (...) En ce qui concerne l'aide accordée au titre du développement rural, visée à l'article 67, paragraphe 2, le présent paragraphe s'applique aux demandes d'aide ou de paiement introduites à compter de l'année de demande 2018 (...) / 2. Les paiements visés au paragraphe 1 ne sont pas effectués avant l'achèvement de la vérification des conditions d'admissibilité, à réaliser par les États membres conformément à l'article 74. / Par dérogation au premier alinéa, les avances pour l'aide accordée au titre du développement rural visée à l'article 67, paragraphe 2, peuvent être versées une fois terminé le contrôle administratif visé à l'article 59, paragraphe 1 ". L'article 59 du même texte précise que : " 1. Le système mis en place par les États membres conformément à l'article 58, paragraphe 2, comprend, sauf disposition contraire, le contrôle administratif systématique de toutes les demandes d'aide et de toutes les demandes de paiement (...) ". L'article 121 du même texte précise que : " 1. Le présent règlement entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. / Il est applicable à partir du 1er janvier 2014 (...) ". Cependant, en vertu de l'article 2 du règlement UE n° 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017, la fixation de la période de mise en paiement définie à l'article 75 du règlement UE n° 1306/2013 précité a été reportée à compter de la campagne 2019.

3. L'article 74 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 prévoit que " (...) les Etats membres pratiquent, par l'intermédiaire des agences de paiement ou des organismes mandatés par elles, des contrôles administratifs sur la demande d'aide afin de vérifier si les conditions d'admissibilité sont remplies pour l'aide en question. Ces contrôles sont complétés par des contrôles sur place. ".

4. Pour critiquer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, M. B... soutient en premier lieu que le versement d'une aide agricole indue, imputable en tout ou partie à une carence, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration.

5. La décision d'engagement du président du conseil régional de la région Auvergne-Rhône Alpes du 6 juin 2015 mentionnait que " le montant annuel à percevoir est susceptible d'être réduit à la suite des contrôles administratifs et des contrôles sur place qui pourront être réalisés, y compris en ce qui concerne la conditionnalité des aides. Par ailleurs, les éventuels manquements constatés pourront, le cas échéant, conduire au reversement total ou partiel des aides déjà versées (...) ". Le requérant était en mesure de prévoir que la décision d'engagement, compte tenu de la possibilité d'une procédure de répétition du trop-versé d'aides qui pouvait être constaté à l'issue d'un contrôle, n'avait pas pour effet de lui accorder un droit définitivement acquis à l'appréhension de ces sommes. Il ne peut ainsi se prévaloir d'aucune attente légitime. M. B... ne conteste pas qu'il ne satisfaisait pas aux critères d'éligibilité précisés par l'arrêté du 29 juillet 2015 du président de la région Auvergne-Rhône Alpes relatif aux engagements en agriculture biologique en région Auvergne, et l'arrêté préfectoral n° 2015-116 relatif aux engagements en agriculture biologique soutenus par l'Etat en 2015 en région Auvergne du 31 juillet 2015, à savoir être chef d'exploitation installé depuis moins de six ans ou avoir bénéficié des cinq ans d'engagement en conversion en agriculture biologique sur la période 2010-2014. Il résulte de ce qui précède que l'indu dont le remboursement a été réclamé à M. B... ne résulte pas d'une faute commise par l'administration.

6. En second lieu, si M. B... soutient que l'administration était tenue d'instruire ces demandes d'aides dans un délai raisonnable d'un an, et donc au plus tard le 15 mai 2016, il n'a nullement invoqué, comme fait générateur de responsabilité à l'appui de ses conclusions indemnitaires, un retard fautif de l'administration dans l'instruction de sa demande d'aide, mais un tel retard pour procéder au retrait et à la récupération de l'aide en litige. La circonstance que l'administration aurait tardé à se rendre compte de l'illégalité du versement de l'aide ne saurait révéler une faute, dès lors qu'elle a exercé l'action en répétition dans le délai de quatre ans à compter du jour de la mise en paiement des sommes litigieuses qui lui était imparti en vertu des dispositions de l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 du 21 avril 2004.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

8. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la région Auvergne-Rhône Alpes et à l'Agence de services et de paiement.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet du Puy-de-Dôme et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02797
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. - Exploitations agricoles. - Aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;22ly02797 ?
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