Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision portant sanction d'avertissement qui lui a été infligée le 20 avril 2020 par le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, ensemble la décision du 3 août 2020 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2006993 du 31 mai 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande et annulé les décisions précitées.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2022 et 18 avril 2023, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, représenté par Me Da Costa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mai 2022 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée en première instance ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. A..., en participant à une promotion d'un site politique faisant l'apologie de la violence et de l'insurrection contre l'Etat, sans lien avec la défense des intérêts professionnels, a commis une faute ;
- en tant que membre d'une section syndicale, il était responsable des actions qui y sont menées ;
- la sanction disciplinaire de l'avertissement est proportionnée à la situation ;
- le lien entre la procédure disciplinaire et le recours administratif introduit par la section syndicale contre une délibération du 17 décembre 2019 n'est pas établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, M. A..., représenté par Me Hammerer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon (CDG 69) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens présentés par le CDG 69 ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me Da Costa, représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon et celles de Me Hammerer, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ingénieur territorial employé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon (CDG 69), est membre de la section locale du syndicat SUD CT 69. Les 6 et 13 janvier 2020, la section locale du syndicat SUD CT 69 a adressé à l'ensemble des agents du centre de gestion des messages électroniques les informant du dépôt d'un préavis de grève et de la tenue d'une manifestation le 9 janvier 2020 et les invitant, pour se tenir informés des actions en cours ou à venir, à consulter le site internet dénommé " rebellyon.info ". Le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, estimant que ce site publie des articles au caractère politique engagé, et que l'incitation à le consulter excédait les fonctions syndicales exercées par M. A..., a infligé un avertissement à ce dernier. Le CDG 69 relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision ainsi que celle du 3 août 2020 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable, désormais repris aux articles L. 121-9 et L. 121-10 du code général de la fonction publique : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ". Aux termes de l'article 29 de la même loi, repris à l'article L. 530-1 du code précité : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable, repris à l'article L. 533-1 du code précité : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ".
3. D'autre part, si les agents publics qui exercent des fonctions syndicales bénéficient de la liberté d'expression particulière qu'exigent l'exercice de leur mandat et la défense des intérêts des personnels qu'ils représentent, cette liberté doit être conciliée avec le respect de leurs obligations déontologiques et des contraintes liées à la sécurité et au bon fonctionnement du service.
4. Pour infliger la sanction d'avertissement contestée, le CDG 69 a retenu que M. A... a adressé deux messages électroniques les 6 et 13 janvier 2020, diffusés à l'ensemble des agents du centre de gestion, afin de les inviter à consulter le site internet " Rebellyon ", que ce site publie des articles " au caractère politique clairement engagé " et que M. A... a, en procédant à cette incitation, outrepassé ses fonctions syndicales. Toutefois, il ressort des termes du message envoyé à deux reprises par les représentants du syndicat SUD CT que celui-ci se bornait à inviter les destinataires à consulter le site précité uniquement à titre d'information sur les mobilisations locales en cours et à venir, sans pour autant en faire la promotion ni encourager les adhérents du syndicat à soutenir les idées défendues par le site ou s'y associer. Si le CDG 69 fait état de l'existence de plusieurs articles publiés sur ce site appelant à une rébellion et des actions pénalement répréhensibles telles que le vol, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du relevé des articles du mois de janvier 2020 produit par M. A..., que ceux-ci auraient appelé à des actions de désobéissance civile, de violence, d'insurrection ou de révolte. Les articles produits par le CDG 69 en première instance et en appel, outre l'absence d'authentification permettant de les relier au site en cause, ne sont pas contemporains de l'invitation envoyée par M. A.... En outre, la seule circonstance que le site en litige présenterait un caractère politique et contiendrait depuis 2011 quelques articles de réflexion sur le thème de l'anarchisme ne permet pas d'établir que les limites de la liberté d'expression dont dispose un représentant syndical auraient été dépassées en l'espèce ou que M. A... n'aurait pas porté des revendications à caractère professionnel relevant de l'exercice de son mandat syndical.
5. Dans ces conditions, le CDG 69 n'est pas fondé à soutenir que l'action de M. A... était dépourvue de tout lien avec la défense des intérêts professionnels du syndicat qu'il représente, et aurait méconnu l'obligation de réserve qui s'impose aux agents publics. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle aurait porté atteinte au bon fonctionnement du service. Par suite, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon a commis une erreur dans la qualification juridique des faits en retenant une faute à l'égard de M. A... et en lui infligeant, pour ce motif, la sanction du blâme.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le CDG 69 n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon du 20 avril 2020 prononçant un avertissement à l'encontre de M. A..., et du 3 août 2020 rejetant le recours gracieux de celui-ci.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge du centre de gestion une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon est rejetée.
Article 2 : Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la Métropole de Lyon et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY02235