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25/04/2024 | FRANCE | N°23LY01315

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 25 avril 2024, 23LY01315


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité (CRI) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision 1er décembre 2020 du service des retraites de l'État portant rejet de sa demande de retrait de suspension partielle de sa pension de victime civile de guerre et d'enjoindre à l'État de mettre un terme à la suspension de cette pension et de la

lui verser rétroactivement.



Par un jugement n° 2105463 du 17 mars 2023, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 26 mai 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité (CRI) a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé contre la décision 1er décembre 2020 du service des retraites de l'État portant rejet de sa demande de retrait de suspension partielle de sa pension de victime civile de guerre et d'enjoindre à l'État de mettre un terme à la suspension de cette pension et de la lui verser rétroactivement.

Par un jugement n° 2105463 du 17 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 avril et 13 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Bouhalassa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 26 mai 2021 ;

2) d'enjoindre à l'État de mettre un terme à la suspension de sa pension et de la lui verser rétroactivement ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que la commission de recours de l'invalidité a considéré qu'il ne pouvait pas cumuler la pension de victime civile de guerre, attribuée par un tribunal, avec la rente d'accident de travail, versée par la CNP Assurances ;

- le jugement est irrégulier ; le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'administration n'avait pas suspendu mais " procédé à ladite réduction en suspendant le paiement de la pension " ; le deuxième alinéa de l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne prévoit pas la suspension de la pension mais la déduction des autres indemnités de son montant ;

- l'indemnisation de ses postes de préjudice, à supposer même qu'ils soient issus d'un même fait générateur, ne sont pas couverts par la pension de victime civile de guerre qui lui a été accordée ; le troisième alinéa de ces mêmes dispositions ne fait pas obstacle à une indemnisation au titre de préjudices non couverts par la pension.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2023, le ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à l'annulation du jugement et au rejet de la requête de M. B... et demande de mettre à la charge de ce dernier une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; le recours était irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée ;

- aucun moyen n'est fondé.

Par une ordonnance du 6 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 septembre 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui est né en 1953, a été victime d'un accident de la circulation causé par un camion militaire en Algérie le 31 juillet 1961. Il est titulaire à ce titre d'une rente viagère versée par la CNP Assurances à la suite d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er décembre 1978. Par ailleurs, par un jugement du 8 décembre 2016, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille lui a accordé une pension de victime civile de guerre, définitivement concédée par un arrêté du 26 février 2018. En raison de la rente d'accident du travail servie par la CNP assurance pour le même fait générateur, le service des retraites de l'État, par une décision du 13 mars 2018, a suspendu partiellement le paiement de sa pension de victime civile de guerre concédée à titre définitif à compter du 1er janvier 2002. Par un courrier reçu le 2 février 2021, il a demandé à la commission de recours amiable d'annuler la décision du 1er décembre 2020 du service des retraites de l'État rejetant sa demande de retrait de la décision du 13 mars 2018. Par un jugement du 17 mars 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours amiable du 26 mai 2021 portant rejet de son recours contre la décision 1er décembre 2020.

2. Aux termes de l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les pensions définitives ou temporaires, majorations et allocations concédées conformément aux dispositions du présent code ne sont cumulables avec toute autre indemnisation attribuée au titre d'un autre régime de réparation pour le même chef de préjudice que dans la limite fixée au deuxième alinéa. / En cas de pluralité d'indemnisations, la pension du présent code est attribuée mais les rentes, indemnités en capital, allocations temporaires d'invalidité ou toutes autres indemnités servies en vertu d'un autre régime de réparation aux victimes directes ou à leurs ayants cause, au titre des mêmes infirmités que celles qui ouvrent le droit à pension, ou au titre du décès, sont déduites du montant de la pension. / Les présentes dispositions ne font pas obstacle au versement d'indemnisations au titre des postes de préjudice qui ne sont pas couverts par la pension d'invalidité. ". Aux termes de l'article R. 162-1 du même code : " Lorsque l'indemnité non cumulable avec la pension a été attribuée sous la forme d'un capital, le montant de la pension est diminué de la rente viagère qu'aurait produite cette somme si elle avait été placée à capital aliéné. ".

3. M. B... soutient que la règle du non cumul ne lui est pas opposable dès lors que CNP Assurances, qui lui verse une rente, est un organisme de droit privé. Toutefois, cette rente, versée par l'État en exécution du jugement de la cour d'appel de Paris du 1er décembre 1978, ne constitue pas un régime d'indemnisation privée et pouvait donc valablement être prise en compte pour l'application du principe du non cumul prévu à l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite le moyen ne peut qu'être écarté.

4. Le requérant fait également valoir que, en méconnaissance de l'article L. 162-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui prévoit uniquement une déduction de la pension, l'administration en a suspendu le paiement. Cependant, en procédant à une telle suspension, dans le respect des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 162-1 précité, l'administration s'est en réalité contentée de réduire sa pension à concurrence des sommes versées par ailleurs à l'intéressé. Ce moyen ne saurait donc davantage être retenu.

5. Il y a enfin lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter le moyen tiré de ce que les postes de préjudice indemnisés par la rente versée par CNP Assurances, à supposer même qu'ils soient issus d'un même fait générateur, ne sont pas couverts par la pension de victime civile de guerre accordée à l'intéressé.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir et l'autorité de la chose jugée opposées en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit, en toutes ses conclusions, être rejetée.

7. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY01315 2

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01315
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-01-02-02 Pensions. - Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. - Conditions d'octroi d'une pension. - Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23ly01315 ?
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