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18/04/2024 | FRANCE | N°22LY00294

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 18 avril 2024, 22LY00294


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération Roannais Agglomération a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement les sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, cabinet d'études Marc Merlin et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à lui verser la somme de 253 127,01 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le parquet de la halle sportive André Vacheresse.

Par jugement n° 1902348 du 2 décembre 2021, le tribunal a

fait droit à sa demande à hauteur de 215 811,74 euros TTC en retenant la responsabilité déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération Roannais Agglomération a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement les sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, cabinet d'études Marc Merlin et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à lui verser la somme de 253 127,01 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des désordres affectant le parquet de la halle sportive André Vacheresse.

Par jugement n° 1902348 du 2 décembre 2021, le tribunal a fait droit à sa demande à hauteur de 215 811,74 euros TTC en retenant la responsabilité décennale des sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, cabinet d'études Marc Merlin et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi. Le tribunal a, en outre, statué sur les appels en garantie présentés par les défendeurs.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2022, la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et la société Hiatus Atelier H4, représentées par la Selarl Barre-Legleu agissant par Me Barre, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 2 décembre 2021 :

- en annulant la condamnation solidaire prononcée contre chacune d'elles et en rejetant les appels en garantie dirigés contre elles ;

- en condamnant les sociétés Citinéa, Atelier 4+, Parquetsol et le cabinet d'études Marc Merlin à garantir chacune d'elles de la totalité des condamnations qui seraient laissées à leur charge ;

2°) de mettre à la charge la commune de Vienne ou des Citinéa, Atelier 4+, Parquetsol et le cabinet d'études Marc Merlin la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elles soutiennent que :

- le parquet de la halle des sports est un élément d'équipement dissociable de l'ouvrage et est uniquement couvert par une garantie de bon fonctionnement de deux années à compter de la réception ; les dysfonctionnements invoqués ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination et la réalité des conséquences dommageables n'est pas établie ;

- dans l'hypothèse où le caractère décennal des désordres serait retenu, les désordres ont pour seule origine une utilisation anormale de l'équipement par le maître de l'ouvrage ; à tout le moins, cette utilisation anormale est à l'origine pour moitié des désordres constatés ;

- le quantum des travaux de reprise indemnisés doit être limité à la somme de 75 707,60 euros TTC après application d'un coefficient de vétusté de 40% au lieu des 15% retenus par le tribunal et après déduction d'un montant de 60 0000 euros correspondant à des coûts de mise aux normes exigées par l'évolution récente de la législation applicable à l'équipement, qui doivent rester à la charge du maître de l'ouvrage ;

- les sociétés Citinéa, Parquetsol, le cabinet d'études Marc Merlin et Atelier 4+ doivent les garantir en totalité ; les désordres affectant le parquet ne relèvent pas d'une faute de conception mais de fautes d'exécution imputables en totalité à la société Parquetsol, en charge de la pose et sous-traitant de la société Citinéa, ainsi qu'à la société Citinéa, qui est seule responsable de son sous-traitant ; en sa qualité de membre du groupement solidaire d'assistance à la maîtrise d'ouvrage (ATMO), la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi doit être exonérée de toute responsabilité car elle n'était en charge d'aucune mission de direction des travaux ; la société Hiatus Atelier H4 était en charge d'une mission de suivi architectural, différente de la mission de suivi des travaux, qui incombait à la société Citinéa en vertu de la convention du groupement de conception-réalisation ;

- dans l'hypothèse où une faute de conception devait être retenue, la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi doit être exonérée de toute responsabilité car en sa qualité de membre du groupement solidaire d'assistance à la maîtrise d'ouvrage (ATMO) elle n'était en charge d'aucune mission de conception.

Par mémoires enregistrés le 24 mars 2022 et le 6 décembre 2022, la société Citinéa qui a succédé à la société Lamy, représentée par la SCP Ducrot et associés, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de condamner les sociétés Hiatus Atelier H4 et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à la garantir de toute condamnation qui serait laissée à sa charge ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de rejeter les demandes de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération dirigées contre elle, de la décharger de la condamnation prononcée par le tribunal et de condamner les sociétés Atelier 4+ et le cabinet d'études Marc Merlin à la garantir de toute condamnation laissée à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération ou de qui mieux une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres en litige tenant à la non-conformité du parquet ne sont pas établis et ne présentent pas un caractère décennal ; le parquet est un élément dissociable de l'équipement sportif et les désordres relevés ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination puisque des matchs de basketball y compris à caractère professionnels peuvent toujours s'y dérouler, aucune interdiction d'utiliser l'équipement n'a été opposée au maître de l'ouvrage par la fédération française de basketball ; à supposer que les désordres localisés affectant les panneaux de marquage observés dès janvier 2017 revêtent un caractère décennal, ces désordres ont fait l'objet de travaux de reprise et la persistance de ces désordres ne sauraient lui être imputable mais sont uniquement imputables à l'entreprise en charge de la réparation ; les désordres du parquet relevaient de la garantie biennale de bon fonctionnement laquelle est prescrite ;

- le maître d'ouvrage a fait un usage anormal du parquet exonérant les constructeurs de toute responsabilité décennale en accueillant en avril 2017 la Fed Cup féminine de tennis et en recouvrant le parquet de terre mouillée et de panneaux en aggloméré pour une charge stabilisée de 917 kg/m² afin de transformer le terrain de basketball en terrain de tennis en terre battue ; le maître de l'ouvrage ne démontre pas que les désordres seraient apparus avant l'utilisation anormale de l'ouvrage et ce, malgré une réparation ponctuelle en janvier 2017 au droit des panneaux de marquage ;

- une condamnation solidaire ne peut être prononcée à son encontre ; si la convention de groupement prévoit qu'en sa qualité de mandataire commun, elle est solidaire des autres entrepreneurs groupés, ce n'est que pour la durée de son mandat et cette solidarité s'éteint à la réception des travaux ; la solidarité ne saurait jouer en faveur de sociétés extérieures à ladite convention ;

- dans l'hypothèse où sa responsabilité décennale et solidaire serait engagée, la somme de 5 600 euros exposée pour la réalisation de test de conformité par la société Labosport est constitutive d'une amélioration de l'ouvrage et doit être exclue de l'indemnisation fixée par le tribunal ; l'indemnisation des travaux de reprise ne saurait excéder la somme de 142 876 euros TTC, soit la somme de 238 126,67 euros TTC de laquelle sont déduites les études Labosport, et corrigée d'un coefficient de vétusté de 40% ;

- les appels en garantie dirigés contre elle doivent être rejetés ; aucune faute de sa part n'est démontrée, elle n'a exercé aucune mission de maîtrise d'œuvre au sein du groupement solidaire de conception-réalisation, telle que la direction générale des travaux et était seulement en charge de la coordination des membres du groupement ; elle a sous-traité intégralement l'exécution du lot " revêtement de sol sportif " à la société Parquetsol, seule responsable en intégralité des fautes d'exécution et elle ne saurait répondre des fautes de son sous-traitant sur un terrain délictuel ;

- elle est fondée à être garantie de toute condamnation prononcée à son encontre par les sociétés Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, le cabinet d'études Marc Merlin et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi, qui étaient seules en charge de la conception du projet et en leurs qualités d'architectes ou de bureau d'études techniques, en charge du suivi des travaux.

Par mémoires enregistrés le 12 mai 2022 et le 2 novembre 2022, la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, représentée par la Selarl Cabinet Cabanes Avocats, agissant par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête, des appels incidents et provoqués dirigés contre elle et demande à la cour :

1°) par la voie des appels incident et provoqué, de prononcer la capitalisation des intérêts assortissant la condamnation solidaire des sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, cabinet d'études Marc Merlin et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi ;

2°) de mettre à la charge des mêmes une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les appels provoqués des sociétés Citinéa, Atelier 4+ et le cabinet d'études Marc Merlin sont irrecevables car ils soulèvent un litige distinct ;

- les moyens soulevés tenant à l'absence de caractère décennal des désordres, de sa faute exonératoire totale ne sont pas fondés ;

- la société Atelier 4+ ne saurait être exonérée de sa responsabilité décennale solidaire dès lors qu'il n'existe pas de répartition des missions au sein de la convention de groupement qui lui soit opposable ;

- le cabinet d'études Marc Merlin est responsable sur le terrain de la décennale en sa qualité de constructeur et membre de l'équipe d'ATMO, dont les missions n'étaient pas limitées à un contrôle administratif mais incluaient suivant l'article 1.1.3 du CCTP de s'assurer de la bonne exécution des travaux ; il est responsable sur le terrain de sa responsabilité contractuelle ;

- sur le quantum de l'indemnité : le coefficient de vétusté retenu par le tribunal à hauteur de 15% doit être maintenu ; l'étude de la société Labosport, réalisée en cours d'expertise à la demande de l'expert et d'un montant unitaire de 2800 euros HT soit 3 660 euros TTC doit être indemnisée car elle est utile à la résolution du litige ;

- la capitalisation des intérêts légaux est due à compter du 10 juillet 2020, date de leur première demande.

Par mémoires enregistrés le 24 mai 2022 et le 9 janvier 2023 (ce dernier non communiqué), le cabinet d'études Marc Merlin, représenté par Me Balon, conclut au rejet des conclusions dirigées contre lui et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de condamner la société Hiatus Atelier H4 à le garantir de toute condamnation laissée à sa charge ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de rejeter les demandes de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération dirigées contre lui, de le décharger de la condamnation prononcée par le tribunal et, subsidiairement, de condamner les sociétés Atelier 4+ et Citinéa à le garantir de toute condamnation laissée à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération ou de qui mieux le devra une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les désordres n'ont pas de caractère décennal mais relevaient de la garantie biennale de bon fonctionnement laquelle était prescrite à la date d'introduction du référé expertise par Roanne Agglomération ; le parquet est un élément dissociable de l'ouvrage ; les désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ; il est membre d'une équipe d'assistance technique à la maîtrise d'ouvrage, dont les missions contractuelles étaient sans lien avec celles de conception-réalisation mobilisées pour la pose du parquet dans la halle des sports qui relevaient du groupement composé des sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4 ;

- la faute du maître de l'ouvrage, qui a fait un usage anormal de l'ouvrage en l'aménageant pour la Fed Cup de tennis, est prépondérante dans la survenue des désordres et l'exonère totalement ;

- les appels en garantie dirigés contre lui doivent être rejetés dès lors que les désordres sont sans lien avec ses missions et qu'aucun manquement dans les règles de son art ne lui est imputable ; en revanche il doit être garanti de toute condamnation prononcée contre lui par les sociétés Citinéa, Atelier 4+ et Hiatus Atelier H4 en charge de la conception réalisation du parquet.

Par mémoires enregistrés le 28 octobre 2022 et le 28 décembre 2022 (ce dernier non communiqué), la société Parquetsol, sous-traitante de la société Lamy à laquelle a succédé la société Citinéa, représentée par la Selarl Robert, conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de la décharger de sa condamnation à garantir la société Hiatus H4 et l'Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à hauteur de 40 % ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, de rejeter toutes demandes de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération dirigées contre elle ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres affectant le parquet n'ont pas de caractère décennal ; le parquet est un élément dissociable de l'ouvrage ; les désordres n'engendrent aucune impropriété à destination de l'ouvrage ;

- si le caractère décennal devait être retenu, l'usage anormal de l'ouvrage par la communauté d'agglomération à l'occasion de la Fed Cup de tennis en avril 2017 l'exonère de toute responsabilité ;

- l'appel en garantie des sociétés requérantes dirigé contre elle n'est pas fondé ; les désordres affectant le parquet ne trouvent pas leur origine dans son intervention ; aucun désordre, notamment lié au rebond du ballon n'a été relevé avant que n'ait été organisée la Fed Cup ; elle est intervenue pour réparer une usure normale du parquet au niveau de la raquette en janvier 2017 mais cette intervention est sans lien avec les désordres en cause.

La clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2023 par ordonnance du même jour, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par courrier du 15 mars 2024, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions des appels provoqués dans l'hypothèse où la situation des intimés ne serait pas aggravée après l'examen de l'appel principal.

Un mémoire a été produit pour la société Atelier 4+ le 19 mars 2024, en réponse à ce courrier dans lequel elle expose qu'en cas de mise hors de cause des sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4, sa situation serait aggravée, rendant ses appels provoqués recevables.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis,

- les conclusions de M. Bertrand Savouré,

- et les observations de Me Ritzler pour les sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4, celles de Me Ponchon pour la société Atelier 4+ et celles de Me Kamkar pour la société Citinea ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 23 juin 2009, la communauté d'agglomération Roannais Agglomération a conclu un marché d'assistance technique à maîtrise d'ouvrage avec un groupement solidaire composé du cabinet d'études Marc Merlin et de l'Atelier d'Architecture Fournel Jeudi en vue de rénover la halle sportive André Vacheresse, utilisée principalement par le club Chorale Basket Roanne. Le 6 novembre 2009, un marché de conception-réalisation a été conclu avec un groupement solidaire composé, notamment, de la société Citinéa (anciennement société Lamy), mandataire, et des sociétés Atelier 4+ et Hiatus Atelier H4, cotraitantes. La société Parquetsol, sous-traitante du groupement de conception-réalisation, a posé le parquet sportif fourni par la société Junckers. Les travaux ont été réceptionnés le 12 août 2012 et l'ensemble des réserves, levées le 17 octobre 2013. Des désordres affectant le parquet provoquant des rebonds aléatoires du ballon et des fissures des lames de bois de la raquette Ouest étant apparus dès le printemps 2016, Roannais Agglomération a, sur le fondement des conclusions de l'expertise judiciaire ordonnée en référé, demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation solidaire sur le fondement de leur responsabilité décennale, des sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, le cabinet d'études Marc Merlin et l'Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à lui verser la somme de 253 127,01 euros TTC.

2. Par jugement du 2 décembre 2021, dont les sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4 relèvent appel, le tribunal a fait droit à cette demande à hauteur de 215 811,74 euros TTC, outre la mise à la charge des frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 15 108,38 euros TTC. Il a en outre fait droit aux appels en garantie, en condamnant :

- la société Parquetsol à garantir les sociétés Hiatus Atelier H4 et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- la société Citinéa à garantir les sociétés Atelier 4+, Hiatus Atelier H4, Atelier d'Architecture Fournel Jeudi, le cabinet d'études Marc Merlin à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- la société Atelier 4+ à garantir les sociétés Citinéa, Hiatus Atelier H4, Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et le cabinet d'études Marc Merlin à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- la société Hiatus Atelier H4 à garantir les sociétés Citinéa, Atelier 4+ et le cabinet d'études Marc Merlin à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- la société Marc Merlin à garantir les sociétés Citinéa, Atelier 4+, Hiatus Atelier H4 et Atelier d'Architecture Fournel Jeudi à hauteur de 7,5 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- la société Fournel Jeudi à garantir les sociétés Citinéa et Atelier 4+ à hauteur de 7,5% des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur l'appel des sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4 :

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

3. Les désordres qui affectent le parquet, incompatibles avec la pratique du basket-ball, rendent la halle des sports impropre à sa destination qui est de permettre la pratique professionnelle de ce sport et d'accueillir des compétitions de haut niveau. Il suit de là qu'il sont de nature décennale et engagent la responsabilité décennale des locateurs quand bien même ils portent sur un élément d'équipement dissociable et sans égard à la circonstance que l'ouvrage a continué d'être utilisé après leur apparition. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'action en indemnisation de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération serait prescrite au motif qu'elle relèverait de la garantie biennale de bon fonctionnement.

En ce qui concerne la faute du maître de l'ouvrage

4. Il résulte de l'instruction que les désordres découlent des modalités de pose et de conception du parquet le rendant vulnérable aux chocs, notamment dans les zones de fortes sollicitations telles que les raquettes où les joueurs de fort gabarit se réceptionnent après des sauts leur permettant d'atteindre les paniers. Les désordres se sont d'ailleurs manifestés dans l'une de ces zones, antérieurement à l'organisation de la Fed Cup de tennis ayant nécessité l'apport et le compactage de terre sur le parquet. Compte tenu de cette antériorité et de ce que les désordres, provoqués par la conformation du support de béton et le mode de fixation des lattes, auraient nécessairement évolués indépendamment de toute sollicitation anormale due à l'organisation de ce tournoi de tennis, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le fait du maître de l'ouvrage serait de nature à les exonérer totalement ou partiellement de leur responsabilité.

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices

5. Le tribunal a indemnisé les travaux de reprise préconisés par l'expert correspondant à la construction d'une nouvelle dalle et l'installation d'un nouveau parquet, après application d'un coefficient de vétusté de 15% soit la somme de 211 453,75 euros TTC. Ont, en outre, été indemnisés divers frais d'études à hauteur de 3 360 euros TTC, des frais de géomètre expert à hauteur de 720 euros TTC et des frais de constat d'huissier à hauteur de 277,99 euros.

6. En premier lieu, les sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4 demandent de réduire l'indemnisation d'une somme de 60 000 euros, ce montant correspondant au coût de la mise aux normes de l'équipement et qui seraient des travaux d'amélioration de l'ouvrage. Il résulte toutefois de l'instruction qu'en visant ces travaux de mise aux normes, les requérantes font référence à une nouvelle charte graphique du terrain sportif évoqué dans la presse par un responsable de la communauté d'agglomération qui est sans lien avec les travaux, notamment ceux de traçage et marquage, retenus par l'expert. Par suite, elles ne sont pas fondées à demander la déduction de cette somme de l'indemnisation due à la communauté d'agglomération Roannais Agglomération.

7. En second lieu, il résulte notamment de l'expertise que le coefficient de vétusté retenu par le tribunal correspond à un délai d'apparition des désordres de quatre années après la pose du parquet dont la durée de vie moyenne est de vingt-cinq ans. A l'appui de leur demande tendant à porter le coefficient de vétusté à 40%, les sociétés requérantes ne font valoir aucune justification susceptible de remettre en cause le coefficient fixé par le tribunal conforme au taux d'obsolescence de l'équipement défectueux.

8. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4 ne sont pas fondées à demander l'annulation ou la diminution de la condamnation de 215 811,74 euros TTC qu'elles ont été condamnées solidairement à payer à la communauté d'agglomération Roannais Agglomération.

En ce qui concerne les appels en garantie

9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise que le parquet a été posé sur une dalle en béton qui présente de nombreuses irrégularités et sert de support au passage de câbles électriques. D'autre part, de nombreuses anomalies de calage et de cloutage (cales mal positionnées et composées d'un matériau compressible, pointes inadaptées, manquantes ou cassées) ont eu pour conséquence de désolidariser les lattes du parquet des lambourdes, traduisant une exécution des travaux non conformes aux règles de l'art et aux prescriptions techniques du fabricant.

S'agissant des appels en garantie de la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi

10. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les désordres en cause n'ont pas pour unique origine l'exécution, dont la société Parquetsol, en charge de la pose du parquet et sous-traitant du groupement de conception-réalisation, serait seule responsable. Par suite, la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi ne justifie pas que la société Parquetsol doive être condamnée à la garantir d'une quote-part supérieure à celle fixée par le tribunal.

11. En deuxième lieu, le contrat de sous-traitance conclu entre les cotraitantes du groupement titulaire du marché de conception-réalisation et la société qui a posé le parquet, n'ayant pas d'effet à l'égard des tiers, la société Citinéa, membre de ce groupement, ne saurait être tenue de répondre à l'égard de la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi des agissements de la société Parquetsol. Il suit de là que les conclusions présentées à cette fin doivent être rejetées.

12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le contrat du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage dévolu au groupement solidaire dont était membre la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi incluait des missions de conseil et d'assistance au maître de l'ouvrage dès la conception jusqu'à la livraison des travaux, notamment en matière des choix techniques proposés par le groupement de conception réalisation. La société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi n'est par suite, pas fondée à soutenir que ne lui étaient dévolues aucune mission de conception ou de suivi de l'exécution des travaux, et que ces missions étaient, seules attribuées à la société Citinéa et Atelier 4+ au sein du groupement de conception réalisation, et ne justifie ainsi pas que ces sociétés la garantissent en totalité.

13. Enfin, en s'abstenant d'identifier toute faute du cabinet Marc Merlin, la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi ne justifie pas en quoi celui-ci devrait être condamné à la garantir d'une quote-part supérieure à celle retenue par le tribunal.

S'agissant des appels en garantie de la société Hiatus Atelier H4

14. En premier lieu, la société Hiatus Atelier H4 se prévaut de la répartition des tâches jointe à la convention du groupement de conception réalisation et fait valoir qu'elle n'était qu'en charge du volet architectural du projet, les missions de conception des revêtements de sols et de suivi des travaux incombant d'une part, à la société Atelier 4+ et, d'autre part, à la société Lamy aux droits de laquelle vient la société Citinéa. Toutefois, il résulte de l'annexe 1 de la convention du groupement de conception que la société Hiatus Atelier H4, à laquelle était dévolue une mission de maîtrise d'œuvre en sa qualité d'architecte du groupement aux cotés de la société Atelier 4+, était partie prenante des missions de conception, notamment pour le choix des matériaux de revêtements sols, puis des missions de suivi d'exécution des travaux. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les désordres ont uniquement pour origine une mauvaise conception de la part des sociétés Citinéa ou Atelier 4+ et un suivi des travaux défaillant de la part de la société Citinéa.

15. En deuxième lieu, en se bornant à invoquer la faute du cabinet d'études Marc Merlin en sa qualité d'assistant au maître d'ouvrage sans plus la caractériser, la société Hiatus Atelier H4 ne justifie pas en quoi celui-ci devrait être condamné à la garantir d'une quote-part supérieure à celle retenue par le tribunal.

16. Enfin, la société Parquetsol étant intervenue en exécution d'un contrat de sous-traitance avec le groupement de conception réalisation dont la société Hiatus Atelier H4 était cotraitante, ces deux entreprises sont liées par un contrat de droit privé et l'action en garantie de la société Hiatus Atelier H4 contre la société Parquetsol sur le fondement de la responsabilité délictuelle relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Par suite, la société Hiatus Atelier H4 n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal ait limité à 40 % sa quote part de responsabilité.

Sur l'appel incident de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération :

17. Il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération Roannais Agglomération a demandé la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1231-7 du code civil, le 10 juillet 2020, alors qu'était due au moins une année d'intérêts échue. Dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal n'a pas fait droit à sa demande et il y a lieu de prononcer la capitalisation des intérêts au taux légal assortissant la condamnation de 215 811,74 euros TTC mise solidairement à la charge des sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4, seulement, au 10 juillet 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels incidents des sociétés intimées :

18. Par les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 10 à 16, il y a lieu de rejeter les demandes tendant à ce que les sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4 soient condamnées à garantir intégralement les sociétés cabinet d'études Marc Merlin, Atelier 4+ et Citinéa.

Sur les appels provoqués :

19. La situation des sociétés Atelier d'Architecture Marc Merlin, Atelier 4+ et Citinéa, de même que celle de la communauté d'agglomération Roanne Agglomération n'étant pas aggravée à l'issue de l'examen de l'appel principal, leurs appels provoqués sont irrecevables et doivent être rejetés.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4 est rejetée.

Article 2 : Les intérêts au taux légal assortissant la condamnation de 215 811,74 euros TTC mise solidairement à la charge de la société Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et de la société Hiatus Atelier H4, seulement, sont capitalisés au 10 juillet 2020, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 1902348 du 2 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Atelier d'Architecture Fournel Jeudi et Hiatus Atelier H4, cabinet d'études Marc Merlin, Citinéa, Atelier 4+ et Parquetsol, à la communauté d'agglomération Roanne Agglomération et au ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbaretaz, président

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbarétaz

La greffière,

Fabienne Faure

La République mande et ordonne au le ministre de la transition écologique et de de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY00294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00294
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BARRE-LE GLEUT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;22ly00294 ?
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