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10/04/2024 | FRANCE | N°23LY01230

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 10 avril 2024, 23LY01230


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2301920 du 14 mars 2023, le magi

strat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301920 du 14 mars 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 14 mars 2023 ;

2°) d'annuler les décisions du 9 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l'État.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreurs de fait et d'une absence d'examen réel et sérieux de situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'une absence d'examen réel et sérieux de situation ;

- la préfète a commis une erreur de fait dans l'application des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- la préfète a commis une erreur de droit au regard des mêmes dispositions ;

- la préfète aurait dû constater l'existence d'une circonstance particulière, la première mesure d'éloignement n'étant pas définitive compte tenu du fait qu'il a formé appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et le privant de délai de départ volontaire.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 9 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 5 juin 2001, relève appel du jugement du 14 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 mars 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir considéré que le requérant n'avait pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre et que la préfète du Rhône pouvait, pour ce seul motif, considérer que M. B... présentait un risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet. La circonstance que le tribunal n'aurait pas expressément répondu à l'argument du requérant contestant son absence d'intention de se conformer à l'obligation de quitter le territoire français ne saurait faire regarder le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon comme ayant omis de répondre à un moyen. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur la légalité des décisions du 9 mars 2023 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, M. B... réitère en appel ses moyens de première instance selon lesquels l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreurs de fait et d'une absence d'examen réel et sérieux de situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. B... déclare être entré en France, deux semaines après son frère jumeau, le 16 juillet 2018, à l'âge de 17 ans, muni d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il indique qu'ils ont été pris en charge, dans le cadre d'une délégation d'autorité parentale recueillie par notaire le 30 octobre 2018, par leur frère Mohamed, qui réside en France sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans. Si son sérieux lui a permis d'obtenir un CAP d'installateur en froid et conditionnement, et s'il poursuivait des études à la date de la décision en litige en baccalauréat professionnel de technicien en froid et conditionnement d'air et bénéficie d'un contrat d'apprentissage, il se maintient en situation irrégulière sur le territoire français depuis l'expiration de son visa et malgré la précédente mesure d'éloignement du 23 février 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 juillet 2022 et qu'il n'a pas exécutée. Son frère jumeau a également fait l'objet à la même date d'un arrêté préfectoral portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le requérant soutient que ce dernier souffrirait de problèmes de santé, sans démontrer que la situation administrative de son frère jumeau aurait été régularisée. Eu égard au caractère récent de son arrivée en France, M. B... ne peut être regardé comme y ayant établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Il dispose par ailleurs de fortes attaches en Tunisie où résident notamment ses parents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Rhône, en prenant la mesure d'éloignement en litige, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B....

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, le requérant n'établissant pas l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à l'exciper à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

8. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant. Le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.

9. En troisième lieu, le requérant persiste à soutenir en appel que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreurs de fait. Il ressort de la décision en litige que la préfète du Rhône a estimé que M. B... " ne justifie pas de la réalité de ses moyens d'existence effectifs, dans la mesure où il déclare, lors de son audition, être étudiant en dernière année de Bac Pro Climatisation au GRETA de Lyon à Oullins, travailler en alternance dans la société HB Réfrigératon à Vénissieux depuis 2 ans, avoir un contrat d'apprentissage et gagner entre 1 000 et 3 000 euros par mois (...) ". La préfète a également estimé que M. B... " ne peut justifier d'un hébergement stable et établi sur le territoire national, sans la mesure où il indique être hébergé à titre gratuits chez son frère (...), qu'en tout état de cause, le fait d'être hébergé par un tiers ne saurait être regardé comme la réalité d'une résidence effective ou permanente sur le territoire ". Enfin, la préfète a également relevé que l'intéressé " déclare ne pas vouloir retourner en Tunisie cat il est en France depuis 5 ans ". M. B..., sans relever l'inexactitude des éléments ainsi retenus par la préfète du Rhône, n'invoque pas tant l'erreur de fait dont serait entachée la décision en litige que l'erreur d'appréciation qu'aurait commise selon lui la préfète du Rhône en considérant que sa situation relèverait des 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de cet article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) ".

11. Comme l'a estimé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, M. B... entrait dans le cas prévu au 5° de l'article précité permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement en litige. La situation du requérant, quand bien même il aurait contesté devant la cour, par un recours au demeurant dépourvu d'effet suspensif, le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon sur la première mesure d'éloignement du 23 février 2022, ne révèle l'existence d'aucune circonstance particulière au regard de ces dispositions. Le moyen selon lequel la préfète du Rhône a fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Le requérant n'établissant pas l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à exciper de cette illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, le requérant n'établissant pas l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, il n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français./ Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

15. Compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 5, et en l'absence de circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire soit prononcée à son encontre, M. B..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, en tout état de cause, l'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

16. Le requérant n'établissant pas l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ni de celle lui refusant un délai de départ volontaire, il n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01230
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;23ly01230 ?
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