La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2024 | FRANCE | N°22LY02551

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 10 avril 2024, 22LY02551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS Plasti Rhône Alpes a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 février 2020 par laquelle la directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Auvergne Rhône Alpes lui a ordonné la reprise de déchets dans un délai de 48 heures maximum.



Par un jugement n° 2005629 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.



Procédure devant la cour


r> Par une requête, enregistrée le 17 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Plasti Rhône Alpes a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 février 2020 par laquelle la directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Auvergne Rhône Alpes lui a ordonné la reprise de déchets dans un délai de 48 heures maximum.

Par un jugement n° 2005629 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 juin 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Plasti Rhône Alpes devant ce tribunal.

Il soutient que :

- les déchets de plastique en litige sont issus de l'activité de l'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) dont la SAS Plasti Rhône Alpes est l'exploitante. Dès lors et en application des dispositions de l'article R. 541-12-16 du code de l'environnement, l'autorité titulaire du pouvoir de police mentionnée à l'article L. 541-3 était l'autorité administrative chargée du contrôle des ICPE, c'est-à-dire le préfet de département ;

- compte tenu de ces dispositions, mais également des dispositions du II de l'article L. 172-1 et de l'article R. 514- 1 du code de l'environnement, la DREAL d'Auvergne Rhône Alpes était habilitée à adresser à SAS Plasti Rhône Alpes le courrier du 14 février 2020 en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, la SAS Plasti Rhône Alpes, représentée par la SELARL Atmos Avocats, agissant par Me Moustardier, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- quand bien même le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la procédure de notification était applicable en l'espèce, le moyen d'annulation retenu, tiré de l'incompétence, doit être confirmé : la décision qui oppose un prétendu " transfert transfrontalier illicite de déchets " est prise sur fondement de l'article L. 541-41 II du code de l'environnement ; elle relève de la seule compétence du ministre chargé de l'environnement, avec l'appui du pôle national des transferts transfrontaliers de déchets (PNTTD) ; à supposer que les dispositions générales du code de l'environnement en matière de déchets s'appliquent, elle devait être édictée par le maire et non pas par le préfet de département, à défaut d'une démonstration préalable d'une carence du maire, et dès lors que les mesures ne trouvent pas à s'appliquer sur le site d'une ICPE ;

- la décision en litige n'est pas motivée en droit, eu égard à l'incohérence des différents textes cités, ni en fait, alors qu'il s'agit d'une mesure de police ; elle ne comprend aucun motif de fait ;

- elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue tant par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration que par l'article L. 541-3 du code de l'environnement ; le courriel du PNTTD du 24 décembre 2019 ne peut s'y substituer ;

- elle ne peut être tenue d'une obligation de reprise des déchets, en sa qualité de producteur des déchets, compte tenu des dispositions spécifiques du code de l'environnement relatives aux mouvements transfrontaliers de déchets, notamment son article L. 541-41, et du règlement européen n° 1013/2006/CE du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets, directement opposable en droit interne ; ces dispositions déterminent le responsable de la reprise des déchets, en l'espèce, l'État d'expédition du fait de la défaillance du responsable identifié, la société Felexia, organisatrice du transfert ;

- à titre subsidiaire, elle ne peut être tenue pour responsable de la reprise des déchets sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, la société Felexia en étant détentrice depuis la cession de février 2019 ; il ne peut lui être imputé aucune faute, ni aucune négligence ; elle ne peut être obligée de reprendre des déchets manifestement différents de ceux qu'elle a cédés ; les derniers détenteurs de fait doivent être regardés comme les véritables propriétaires des déchets ;

- le délai d'exécution n'est pas proportionné.

Par une ordonnance du 8 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement n° 1013/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pinot, représentant la SAS Plasti Rhône Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. Les autorités françaises ont été avisées du retour au port du Havre de vingt conteneurs de déchets de plastiques transférés à destination de la Malaisie à la suite du constat par les autorités de ce pays du caractère illicite d'un tel transfert. En application des articles 24 du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets et L. 541-41 du code de l'environnement, le pôle national des transferts transfrontaliers de déchets (PNTTD) a prescrit à la société Felexia, organisatrice de ces transferts, le retour de ces déchets sur le territoire français afin qu'ils soient repris par une installation autorisée à les gérer. La société Felexia n'a cependant pas respecté cette prescription malgré une mise en demeure fondée sur l'article L. 541-42-I du code de l'environnement. Elle a ensuite été placée en liquidation judiciaire le 21 novembre 2019. Le 24 décembre 2019, le PNTTD a informé par courriel la SAS Plasti Rhône Alpes que le transfert des déchets était considéré comme illicite par les autorités malaisiennes, que ceux-ci faisaient l'objet d'un rapatriement en France, que le ministre chargé de l'environnement a prescrit la reprise des déchets à la société Felexia en sa qualité d'organisateur du transfert, mais qu'en raison du placement en liquidation judiciaire de cette dernière, il serait amené à se tourner vers elle en sa qualité de productrice des déchets. Le PNTTD a finalement renoncé à engager cette procédure. Toutefois, par un courrier du 14 février 2020 à entête du préfet de la région de la région Auvergne Rhône Alpes, les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Auvergne Rhône Alpes ont ordonné à la SAS Plasti Rhône Alpes, mentionnée comme productrice de déchets présents dans quatre de ces conteneurs, de procéder au rapatriement de ses déchets vers son installation dans les meilleurs délais, à compter de leur arrivée au port du Havre prévue le jour même, et de les informer, sous 48 heures maximum, des dispositions mises en œuvre pour le déroulement de l'opération, y compris le dédouanement de ces conteneurs. Le courrier précisait qu'à défaut d'exécution, la société s'exposait à l'engagement des procédures définies par l'article L. 171-8 du code de l'environnement. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, sur demande de la SAS Plasti Rhône Alpes, a annulé cette décision.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Compte tenu du caractère contraignant des mesures requises par le courrier du 14 février 2020 et du délai strict et bref qu'il impose à son destinataire pour se conformer à la demande formulée, il constitue un acte faisant grief susceptible de recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en première instance, tirée de ce que ce courrier n'aurait aucun caractère décisoire, doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Les circonstances de l'espèce rappelées au point 1 relèvent de la police spécifique relative aux transferts transfrontaliers de déchets, visée à l'article 24 du règlement 1013/2006/CE et précisée à l'article L. 541- 41 du code de l'environnement. L'autorité compétente est le ministre chargé de l'environnement, par l'intermédiaire du Pôle National des Transferts Transfrontaliers de Déchets (PNTTD).

4. Pour critiquer le jugement attaqué, le ministre soutient que les règles applicables en matière de transfert de déchets doivent être articulées avec le principe énoncé à l'article L. 541-2 du code de l'environnement selon lequel " Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers ". La décision en litige, bien qu'elle comporte comme objet un " Transfert transfrontalier illicite de déchets ", cite les dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, qualifie la SAS Plasti Rhône Alpes de producteur de déchets au sens de ces dispositions, et l'informe qu'elle doit, en cette qualité, rapatrier dans les meilleurs délais ces déchets vers son installation agréée ou les traiter. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, seul le maire est en principe titulaire du pouvoir de police mentionné à l'article L. 541-3 du code de l'environnement au titre des déchets visés à l'article L. 541-2. Si le ministre soutient que les déchets sont issus de l'activité de l'installation classée pour la protection de l'environnement dont la SAS Plasti Rhône Alpes est l'exploitante, les mesures en litige, concernant la reprise de déchets préalablement transférés à la société Felexia, ne trouvent pas à s'appliquer " sur le site d'une installation classée pour la protection de l'environnement " au sens de l'article R. 541-12-16 du code de l'environnement, qui impliquerait, au demeurant, la compétence du préfet de département. Pour justifier de la compétence du préfet de région par l'intermédiaire de la DREAL, le ministre ne peut sérieusement invoquer les dispositions des articles L. 172-1 et R. 514-1 du code de l'environnement, qui se bornent à habiliter les inspecteurs de l'environnement à rechercher et constater les infractions prévues, notamment au titre IV du livre V du code de l'environnement, et charger le directeur de la DREAL de l'organisation de l'inspection des installations classées.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé pour incompétence la décision de la directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) d'Auvergne Rhône Alpes du 14 février 2020.

Sur les frais liés au litige :

6. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Plasti Rhône Alpes.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Plasti Rhône Alpes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la SAS Plasti Rhône Alpes.

Copie en sera adressée à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02551
Date de la décision : 10/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-035 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL ATMOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-10;22ly02551 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award