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04/04/2024 | FRANCE | N°23LY03770

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 04 avril 2024, 23LY03770


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le courrier du 20 avril 2022 par lequel la préfète de la Loire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie d'origine professionnelle déclarée le 14 septembre 2021 et d'enjoindre à cette autorité de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie, ou à tout le moins de réexaminer sa demande, sous astreinte.



Par un jugement n° 2204505 du 27 octobre 2023, le t

ribunal a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le courrier du 20 avril 2022 par lequel la préfète de la Loire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie d'origine professionnelle déclarée le 14 septembre 2021 et d'enjoindre à cette autorité de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie, ou à tout le moins de réexaminer sa demande, sous astreinte.

Par un jugement n° 2204505 du 27 octobre 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Salen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ce courrier valant décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts maladie, ou à tout le moins de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, les premiers juges ayant à tort estimé que le courrier du 20 avril 2022 ne constituait pas une décision de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie susceptible de recours et rejeté sa demande pour irrecevabilité ; à titre subsidiaire, il existait une décision implicite de rejet de sa demande avant l'intervention de ce courrier ou qui est née ultérieurement et les premiers juges devaient regarder sa demande comme dirigée contre une telle décision ;

- le courrier attaqué a été signé par une autorité qui ne disposait pas d'une délégation de signature pour ce faire ;

- il est entaché d'un vice de procédure au regard de l'article 12 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, faute de respect du délai de dix jours ouvrés qu'il prévoit ;

- il est insuffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est entaché d'erreur de droit, la préfète n'ayant pas exercé sa propre compétence, s'étant estimé liée par l'avis du conseil médical ;

- il est entaché d'une inexacte application des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, en raison du fait qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique ou, en toute hypothèse, qu'elle a été placée dans un cadre anxiogène au sein du service, ce qui a causé de manière directe l'accident de service dont elle a été victime, voire a entraîné la survenance de sa pathologie ;

- il méconnaît les dispositions du II de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dès lors que s'agissant d'une pathologie telle que la sienne intervenue à la suite d'un contexte anxiogène au sein du service, celle-ci constitue un accident de service, si bien que la condition liée à ce qu'un certain taux d'incapacité permanente soit reconnu à l'agent en vertu du IV de cet article n'est pas applicable en l'espèce ;

- à titre subsidiaire, l'administration a également fait une inexacte application de ces dispositions s'agissant du taux d'incapacité permanente retenu comme étant inférieur à 25 % ; une expertise avant-dire droit pourrait être ordonnée à ce titre.

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, le courrier du 20 avril 2022 ne constituant pas une décision faisant grief ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,

- et les observations de Me Salen, représentant Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'adjointe administrative principale de 2ème classe et exerçant ses fonctions au sein de la préfecture de la Loire a demandé à la préfète de la Loire, par courrier du 14 septembre 2021, reçu le surlendemain, la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est victime ayant entraîné son placement en congé pour maladie à compter du mois de juin 2020 jusqu'au 21 mars 2022. Par un courrier du 20 avril 2022, la préfète de la Loire l'a informée que le conseil médical en formation plénière, saisi pour avis dans le cadre de l'instruction de sa demande, avait émis un avis défavorable en raison d'un taux d'invalidité prévisionnel inférieur au taux de 25%. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande d'annulation de ce courrier.

Sur la recevabilité :

2. Si le ministre oppose une fin de non-recevoir en défense tirée de ce que la requête d'appel est irrecevable, le courrier du 20 avril 2022 ne constituant pas une décision faisant grief, toutefois, la requête d'appel de Mme A... est dirigée non pas directement contre cette décision mais contre le jugement du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande de première instance dirigée contre ce courrier. Par suite, cette fin de non-recevoir, qui n'est pas relative à une cause d'irrecevabilité de l'appel, ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction en vigueur à la date de survenance de la pathologie de Mme A... : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive (...) à une maladie contractée en service définis aux (...) IV du présent article. (...). / (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / (...) Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...). ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 7-1 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Les conseils médicaux en formation plénière sont saisis en application : / 1° Des articles 47-6 et 47-8 du présent décret ; / (...). ". Aux termes de l'article 47-4 de ce décret : " L'administration qui instruit une demande de congé pour invalidité temporaire imputable au service peut : / (...) / 2° Diligenter une enquête administrative visant à établir la matérialité des faits et les circonstances ayant conduit à (...) l'apparition de la maladie. ". Aux termes de l'article 47-5 de ce décret, dans sa rédaction applicable à la date de la demande de Mme A... : " Pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie, l'administration dispose d'un délai : / (...) 2° En cas de maladie, de deux mois à compter de la date à laquelle elle reçoit le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. / Un délai supplémentaire de trois mois s'ajoute aux délais mentionnés (...) au 2° en cas d'enquête administrative diligentée à la suite (...) de la déclaration d'une maladie mentionnée au troisième alinéa du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée, (...) ou de saisine de la commission de réforme compétente. Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, l'employeur doit en informer l'agent ou ses ayants droit. / (...). ". Aux termes de l'article 47-6 de ce décret, applicable au litige : " Le conseil médical est consulté : / (...) / 3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies. ". Aux termes de l'article 47-9 du même décret : " Au terme de l'instruction, l'administration se prononce sur l'imputabilité au service et, lorsqu'elle est constatée, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l'arrêt de travail. / Lorsque l'administration ne constate pas l'imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. / (...). ".

5. La demande de Mme A... présentée au tribunal administratif tendait à l'annulation du courrier du 20 avril 2022 de la préfète de la Loire valant selon elle refus de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie d'origine professionnelle déclarée le 14 septembre 2021. Les premiers juges ont relevé que ce courrier, eu égard à ses termes, se bornait à informer l'intéressée de l'avis émis par le conseil médical siégeant en formation plénière, le 8 avril 2022, et ne présentait pas de caractère décisoire. Toutefois, en procédant ainsi, la préfète, à qui il appartenait de se prononcer sur la demande de Mme A... formée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et à l'issue de l'instruction de cette demande en vertu des dispositions ci-dessus rappelées du décret du 14 mars 1986, et notamment de son article 47-9, ne s'est pas bornée à transmettre cet avis mais doit être nécessairement regardée comme ayant pris une décision refusant de faire droit à cette demande. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur et à ce qu'ont estimé les premiers juges, cette décision fait grief et est susceptible de recours. Mme A... est donc fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier au motif que le courrier du 20 avril 2022 présenterait un caractère décisoire. Le jugement doit, pour ce motif, être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et dans un souci de bonne administration de la justice, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision :

7. Il résulte des termes mêmes du courrier du 20 avril 2022 que la préfète de la Loire, qui devait en vertu des dispositions ci-dessus notamment des articles 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 et 47-9 du décret 14 mars 1986, se prononcer sur la demande de Mme A..., tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est victime, s'est crue liée par l'avis émis par le conseil médical siégeant en formation plénière le 8 avril 2022, lequel n'a qu'un caractère consultatif, et n'a pas exercé les compétences qu'elle tient des textes précités. Mme A... est donc fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit, la préfète n'ayant pas exercé sa propre compétence, s'étant estimé liée par l'avis du conseil médical.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés par Mme A... tant devant le tribunal que devant la cour, qu'elle est fondée à demander l'annulation de la décision contestée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation, il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète de la Loire, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, de réexaminer la demande de Mme A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : La décision du 20 avril 2022 par lequel la préfète de la Loire a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... déclarée le 14 septembre 2021 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la demande de Mme A... et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

Le rapporteur,

J. ChassagneLa présidente de la formation de jugement,

A. Duguit-Larcher

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier en chef,

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N° 23LY03770

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03770
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Comités médicaux.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes constituant des décisions susceptibles de recours - Avis et propositions.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ly03770 ?
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