Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
Par une première demande, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2018 du garde des Sceaux, ministre de la justice, le reclassant à compter du 1er janvier 2019 en qualité de titulaire du grade de surveillant, à l'indice dit " A... 355 et IM 331 " et le plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé et d'enjoindre à cette autorité de réexaminer son dossier ou de le reclasser, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par une seconde demande, il a demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser, avec les intérêts et leur capitalisation, 54 253 euros en réparation d'un préjudice financier correspondant à la reconstitution pécuniaire de sa carrière pour la période du 28 mai 2012 au mois de juin 2016, 63 257,50 euros en réparation du trouble dans ses conditions d'existence qu'il a subi de juillet 2016 jusqu'au jour d'introduction de sa demande, sauf à parfaire, et 20 000 euros en réparation d'un préjudice moral, d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et d'enjoindre à cette autorité de procéder à cette reconstitution.
Par un jugement n°s 1901366 et 1901465 du 14 octobre 2021, le tribunal a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus (article 1er), mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance (article 2) et rejeté le surplus de sa demande (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Aldeguer, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a limité la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus en réparation des préjudices qu'il a subis et de l'annuler en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et d'enjoindre à cette autorité de procéder à cette reconstitution ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser, avec les intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et la capitalisation de ces intérêts, les sommes de 54 253 euros en réparation d'un préjudice financier, 63 257,50 euros en réparation d'un trouble dans ses conditions d'existence et 20 000 euros en réparation d'un préjudice moral ;
3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et d'enjoindre à cette autorité de procéder à cette reconstitution ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas statué sur sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et d'enjoindre à cette autorité de procéder à cette reconstitution ;
- il a droit à la reconstitution de ses droits à pension de retraite à compter du 29 mai 2012 compte tenu de l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 prononçant sa mise en disponibilité d'office ;
- l'administration a commis trois fautes de nature à engager sa responsabilité ; la première consiste en l'illégalité de l'arrêté du 28 mars 2013 ayant prononcé sa disponibilité d'office du 29 mai 2012 au 29 mai 2013 reconnue par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 juillet 2016 ; la deuxième est constituée par l'absence de mesures d'exécution faisant suite à ce jugement, l'administration l'ayant ainsi laissé dans une position hors statut de la fonction publique ; la troisième faute correspond à l'inexécution de l'arrêt de la cour du 15 février 2018 ayant annulé le jugement n° 1303850 du 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Grenoble et la décision du 30 juin 2013 lui ayant refusé le bénéfice d'un reclassement professionnel et enjoint à l'administration de réexaminer sa demande de reclassement professionnel dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, en l'absence de mesures prises pour satisfaire à cette injonction ce qui l'a contraint à mettre en œuvre une procédure d'exécution devant la cour, alors qu'il devait bénéficier d'un reclassement et qu'il a accompli toutes les diligences nécessaires pour ce faire ;
- il a subi un préjudice, d'ordre financier, correspondant à l'absence de versement de son traitement pour la période du 28 mai 2012 au mois de juin 2016 qui doit être évalué à la somme de 54 253 euros bruts ;
- il a également subi un préjudice, relatif à des troubles dans ses conditions d'existence, qui doit être chiffré à la somme de 63 257,23 euros, pour la période du mois de juillet 2016 jusqu'au jour d'introduction de sa requête, sauf à parfaire ;
- il a enfin subi un préjudice, d'ordre moral, correspondant à l'inertie de l'administration pour le placer dans une situation régulière, qui doit être indemnisé à la somme totale de 20 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 13 juillet 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à M. C... une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi et au rejet de la demande de première instance correspondante.
Il soutient que :
- conformément à ce qu'a jugé le tribunal, la responsabilité de l'administration ne peut être engagée pour faute du fait de l'inexécution de l'arrêt de la cour du 15 février 2018, le comportement de l'intéressé n'ayant pas permis de procéder à son reclassement, ce dernier n'ayant pas répondu aux différentes sollicitations lui ayant été adressées afin de conduire la procédure correspondante ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la responsabilité de l'administration ne peut être engagée pour faute du fait de l'absence de placement de l'intéressé dans une position statutaire régulière, dès lors qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013, l'intéressé a été reclassé par un arrêté du 28 janvier 2019, à compter du 1er janvier précédent, faisant suite à l'intervention du décret n° 2017-1009 du 10 mai 2017 modifiant les statuts particuliers de divers corps de l'administration pénitentiaire, mais a été maintenu définitivement en disponibilité d'office pour la seule période comprise entre 2011 et 2013, l'étant provisoirement pour le reste de la période en l'absence de possibilité de mettre en œuvre la procédure de reclassement en application de l'arrêt du 15 février 2018 ;
- les chefs de préjudice invoqués par l'intéressé ne sont pas justifiés, et en toute hypothèse sont disproportionnés ; c'est donc à tort que les premiers juges ont notamment estimé que M. C... justifiait d'un préjudice moral et l'ont évalué à la somme de 1 000 euros.
Par une ordonnance du 20 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 2010-1641 du 23 décembre 2010 ;
- le décret n° 2017-1014 du 10 mai 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., titulaire du grade de surveillant de l'administration pénitentiaire, affecté au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (38077), a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 30 novembre 2010. Le comité médical ayant, le 17 janvier 2012, émis un avis défavorable à sa demande tendant au bénéfice d'un congé de longue maladie, il a été placé en disponibilité d'office pour maladie par un arrêté du 27 janvier 2012 pour la période du 29 novembre 2011 au 28 mai 2012, puis, par un arrêté du 28 mars 2013 pour la période du 29 mai 2012 au 29 mai 2013, lequel a été annulé par un jugement du 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Grenoble devenu définitif sur ce point. Par ailleurs, M. C..., par courrier reçu le 14 juin 2013, a demandé au directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier de mettre en œuvre la procédure de reclassement professionnel prévue par le décret du 30 novembre 1984 relatif au reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, à laquelle cette autorité a, par décision du 20 juin 2013, opposé un refus. Par un arrêt définitif du 15 février 2018, la cour a annulé le jugement du 11 juillet 2016 du tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté la demande de M. C... d'annulation de ce refus ainsi que ce refus et a enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de réexaminer la demande de reclassement professionnel de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
2. M. C... a formé, par un courrier reçu le 19 novembre 2018, une demande auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, afin d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par l'administration ainsi que la reconstitution de ses droits à la retraite, qui a été implicitement rejetée. Il a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de reconstituer ses droits à la retraite. Il devait ainsi être regardé comme présentant, d'une part, des conclusions indemnitaires et, d'autre part, des conclusions aux fins d'annulation du refus implicite de reconstituer ses droits à la retraite assorties de conclusions aux fins d'injonction. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble ayant, d'une part, seulement condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros, tous intérêts confondus, en réparation de son préjudice moral, alors qu'il avait demandé une somme de 20 000 euros à ce titre, une somme de 54 253 euros en réparation du préjudice financier correspondant à son traitement pour la période du 28 mai 2012 au mois de juin 2016 et une somme de 63 257,50 euros en réparation du trouble dans ses conditions d'existence pour la période allant de juillet 2016 jusqu'au jour d'introduction de sa demande, outre intérêts légaux et leur capitalisation, et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande relatif à la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il résulte de la demande de M. C..., enregistrée sous le n° 1901465 par le greffe du tribunal administratif de Grenoble, et ainsi que cela ressort partiellement des visas du jugement attaqué, qu'il a demandé à ce tribunal d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et d'enjoindre à cette autorité de procéder à cette reconstitution. Or, il n'apparaît pas que les premiers juges se seraient prononcés sur cette demande. Le jugement attaqué doit, en conséquence, être annulé dans cette mesure, sa régularité n'étant affectée que sur ce point.
4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur cette demande présentée par M. C... devant le tribunal et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus de ses conclusions.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un jugement définitif du 11 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 28 mars 2013 ayant placé M. C... en disponibilité d'office pour la période du 29 mai 2012 au 29 mai 2013 au motif que l'autorité ayant pris cette décision n'avait pas procédé à un examen particulier de la demande de l'intéressé, s'étant à tort crue liée par l'avis du comité médical. M. C... est donc fondé à soutenir, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'administration a ce faisant commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
6. En deuxième lieu, il appartient à l'autorité administrative de placer les fonctionnaires soumis à son autorité dans une position statutaire régulière. Ainsi, le cas échéant, cette autorité peut prendre, à titre provisoire, une décision plaçant l'intéressé dans l'une des positions prévues par son statut, et notamment, si l'agent a épuisé ses droits à congé de maladie et ne peut reprendre momentanément le service dans l'attente de mesures visant à son reclassement, en disponibilité d'office, et sous réserve de régularisation ultérieure par une décision définitive statuant sur sa situation y compris pendant la période couverte par la décision provisoire.
7. Il ne résulte pas de l'instruction qu'après l'annulation définitive de la décision du 20 juin 2013 portant refus de reclassement professionnel, prononcée par la cour par l'arrêt définitif du 15 février 2018, et compte tenu de celle de l'arrêté du 28 mars 2013 par le jugement du 11 juillet 2016, M. C... aurait été effectivement placé dans l'une des positions prévues par son statut pour la période débutant le 29 mai 2012, avant l'intervention de l'arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, du 18 décembre 2018, ayant, à compter du 1er janvier 2019, reclassé l'intéressé au sein de son corps d'appartenance suite à l'intervention du décret du 10 mai 2017 visé ci-dessus ayant modifié l'échelonnement indiciaire de son grade, et l'ayant placé, à compter de la même date, en disponibilité pour raison de santé après un congé de maladie ordinaire, ainsi que l'a au demeurant jugé la cour par un arrêt définitif n° 19LY00756 du 2 juillet 2020. Si l'administration fait valoir qu'elle a considéré M. C..., du fait des décisions juridictionnelles précitées des 11 juillet 2016 et 15 février 2018, comme placé dans cette dernière position depuis le 29 mai 2012, à titre provisoire, dans l'attente d'un reclassement visant à lui permettre de reprendre son service sur un poste compatible avec son état de santé, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a pris aucune décision en ce sens. Par suite, il résulte de l'instruction, contrairement à ce que soutient le garde des Sceaux, ministre de la justice, à l'appui de son appel incident, et conformément à ce que soutient M. C..., que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le laissant dans une position non prévue par son statut depuis l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 jusqu'au 1er janvier 2019.
8. En troisième lieu, par son arrêt du 15 février 2018, la cour a annulé la décision du 20 juin 2013 portant refus de reclassement professionnel de M. C... et enjoint à l'administration, sous réserve que M. C... soit toujours en activité, de réexaminer sa demande de reclassement. Il résulte de l'instruction que l'administration, dès le 9 mars 2018, a invité l'intéressé à se présenter devant le médecin de prévention pour poursuivre la procédure de reclassement, mais que M. C..., qui a reçu ce courrier, ne s'est cependant pas présenté devant ce médecin. Si ce dernier a certifié avoir examiné l'intéressé le 3 mai 2019, il n'est pas précisé dans quel cadre. De plus alors que le comité médical de l'Isère a, le 9 juillet 2019, émis un avis favorable à une reprise de service sur un poste adapté avec avis du médecin de prévention, M. C..., qui a été invité à se présenter devant ce médecin en 2020, à deux reprises, n'a pas satisfait à cette sollicitation, bien qu'il n'ait pu, indépendamment de sa volonté, être examiné durant le second semestre de l'année 2019. Ainsi que l'a d'ailleurs indiqué la cour par un arrêt du 2 juillet 2020, saisie d'un litige sur l'exécution de son arrêt, l'administration devait ainsi être regardée, lorsqu'il a été statué sur cette demande, comme ayant exécuté, dans la mesure des initiatives qu'il lui revenait de prendre, les mesures qui lui avaient été prescrites dans l'arrêt du 15 février 2018. Toutefois, il apparaît, au vu des nouvelles pièces produites en appel, que M. C... a été convoqué devant le médecin de prévention, le 26 novembre 2021, par un courrier de l'administration du 8 novembre 2021, visant à la mise en œuvre de l'avis précité du 9 juillet 2019, et que ce médecin a, après examen de l'intéressé, rendu un avis selon lequel il était à même de reprendre le travail sur un poste adapté en évitant les étages et d'intervenir lors d'altercations avec ou entre les détenus. Or, l'administration ne démontre pas avoir, à compter du 26 novembre 2021, pris des mesures conformément à cet avis du médecin de prévention. M. C... est donc seulement fondé à soutenir que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité du fait des conditions d'exécution de l'arrêt de la cour du 15 février 2018 en ne prenant aucune mesure visant à le reclasser professionnellement à compter du 26 novembre 2021.
En ce qui concerne la réparation du préjudice :
9. En premier lieu, ni le jugement définitif du 11 juillet 2016 ayant annulé l'arrêté du 28 mars 2013 portant placement en disponibilité d'office pour la période du 29 mai 2012 au 29 mai 2013, ni les conditions d'exécution de l'arrêt de la cour du 15 février 2018 à compter du 26 novembre 2021, n'impliquaient, en tant que tels, le versement à M. C... de son traitement pour la période du 28 mai 2012 au mois de juin 2016. Par ailleurs, si M. C... a été laissé dans une position non prévue par son statut du 29 mai 2012 jusqu'au 1er janvier 2019, cette faute n'impliquait pas davantage le versement de ce traitement pour la période précitée. Par suite, si M. C... soutient qu'il a subi un préjudice, d'ordre financier, correspondant à l'absence de versement de son traitement pour cette période, qui doit être évalué à la somme de 54 253 euros bruts, les trois fautes retenues ci-dessus ne peuvent être regardées comme étant de nature à lui avoir causé, de manière directe et certaine, un tel chef de préjudice, qui doit donc être écarté.
10. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'il a subi un préjudice, relatif à des troubles dans ses conditions d'existence, qui doit être chiffré à la somme de 63 257,23 euros pour la période du mois de juillet 2016 jusqu'au jour d'introduction de sa requête, sauf à parfaire. Toutefois, d'abord, le jugement définitif du 11 juillet 2016, compte tenu de son sens, n'avait pas vocation à impliquer que l'administration prenne des mesures visant à le reclasser, si bien que la faute commise par l'administration à ce titre ne saurait être appréciée comme en lien direct et certain avec ce chef de préjudice. Ensuite, le fait que M. C... ait été laissé dans une position non prévue par son statut du 29 mai 2012 jusqu'au 1er janvier 2019, ne saurait, à elle seule, justifier de l'existence de troubles dans les conditions d'existence de l'intéressé qui, par ailleurs, n'indique pas, de manière précise et circonstanciée, en quoi consisteraient de tels troubles. Enfin, si l'administration n'a pas pris, à compter du 26 novembre 2021, des mesures en vue du reclassement professionnel de l'intéressé conformément à l'avis du médecin de prévention, M. C... ne peut être regardé comme démontrant qu'il a spécifiquement subi des troubles dans ses conditions d'existence entre cette date et l'introduction de sa requête d'appel, le 3 décembre 2021, dès lors qu'il n'a pas parfait ce chef de préjudice, et alors que le délai entre ces deux dates ne peut être considéré comme déraisonnable de la part de l'administration pour mettre en œuvre les recommandations du médecin de prévention. Le chef de préjudice ne saurait donc être admis.
11. En dernier lieu, M. C... soutient qu'il a subi un préjudice, d'ordre moral, correspondant à l'inertie de l'administration pour le placer dans une situation régulière, qui doit être indemnisé à la somme totale de 20 000 euros. Si la faute précédemment retenue relative aux conditions d'exécution de l'arrêt de la cour du 15 février 2018 à compter du 26 novembre 2021 ne saurait être appréciée comme étant en lien, direct et certain, avec le chef de préjudice invoqué par M. C..., ce dernier, en revanche, doit être nécessairement regardé comme ayant, compte tenu du jugement définitif du 11 juillet 2016, subi, de manière directe et certaine, un chef de préjudice moral, mais également en raison de l'absence de placement dans une position prévue par son statut du 29 mai 2012 jusqu'au 1er janvier 2019. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 000 euros, tous intérêts confondus. Le chef de préjudice invoqué par M. C... doit donc être accueilli dans cette seule mesure, et l'appel incident présenté par le garde des Sceaux, ministre de la justice, rejeté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
12. En toute hypothèse, ni le jugement définitif du 11 juillet 2016 ayant annulé l'arrêté du 28 mars 2013 portant placement en disponibilité d'office pour la période du 29 mai 2012 au 29 mai 2013, ni l'annulation définitive de la décision du 20 juin 2013 portant refus de reclassement professionnel prononcée par la cour par l'arrêt définitif du 15 février 2018, n'impliquaient en tant que tels, la réintégration de M. C.... Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a droit à la reconstitution de ses droits à pension de retraite à compter du 29 mai 2012 compte tenu de l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 prononçant sa mise en disponibilité d'office. Par suite, la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012, présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, réitérée en appel, ne peut donc qu'être rejetée.
13. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, n'implique pas, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012. La demande de M. C... tendant au prononcé d'une telle injonction présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, réitérée en appel, ne peut donc qu'être rejetée.
14. Il résulte de ce qui précède, d'abord, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et qu'il soit enjoint à cette autorité de procéder à cette reconstitution. Ensuite, M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement attaqué, limité la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros tous intérêts confondus, et a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire, cette somme devant être portée à 3 000 euros. Ses conclusions doivent donc, pour le surplus être rejetées. Enfin, le garde des Sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser à M. C... une somme en réparation du préjudice moral qu'il a subi. Ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident doivent donc être rejetées.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 octobre 2021 est annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de procéder à cette reconstitution.
Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconstituer ses droits au titre de la retraite depuis le 29 mai 2012 et à ce qu'il soit enjoint à cette autorité de procéder à cette reconstitution est rejetée.
Article 3 : La somme de 1 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. C... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 octobre 2021 est portée à 3 000 euros, tous intérêts confondus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 octobre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions présenté par M. C... devant la cour et les conclusions du garde des Sceaux, ministre de la justice, présentées par la voie de l'appel incident, sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au garde des Sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement,
M. Chassagne, premier conseiller,
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
J. ChassagneLa présidente de la formation de jugement,
A. Duguit-Larcher
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier en chef,
2
N° 21LY03876
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