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27/03/2024 | FRANCE | N°23LY00817

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 27 mars 2024, 23LY00817


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2202169 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 5 mars 2023, M. A..., représenté par Me Moundounga, demande à la cour :


r> 1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 15 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2202169 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2023, M. A..., représenté par Me Moundounga, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2023 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 15 juin 2022 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié / travailleur temporaire " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été informé de la substitution de base légale qui a été opérée ;

- le jugement attaqué a estimé à tort que la demande de régularisation à titre exceptionnel devrait nécessairement être soumise à la production d'un visa de long séjour ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers institue un droit de visa de régularisation que doit acquitter, à l'occasion de sa première admission au séjour, en sus de la taxe de primo-délivrance, l'étranger entré irrégulièrement en France ou non muni d'un titre de séjour dans les délais réglementaires ;

- au regard de sa situation professionnelle et de ses ressources, il peut être admis au séjour pour motif exceptionnel ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 de ce code ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été consultée ;

- son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public.

La requête de M. A... a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né le 7 février 1991, déclare être entré irrégulièrement en France en 2010. Il a fait l'objet d'un premier arrêté portant obligation de quitter le territoire français, prononcé le 16 août 2018 par le préfet des Hauts-de-Seine dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 21 mai 2019, et d'un second arrêté portant obligation de quitter le territoire assortie d'une interdiction de retour d'une durée de vingt-quatre mois prononcé le 16 août 2021 par le préfet de la Marne dont la légalité n'a pas été contestée. Le 1er décembre 2021, M. A... a présenté une demande de titre de séjour en qualité de salarié. Par une décision du 15 juin 2022, le préfet de Saône-et-Loire a rejeté sa demande. M. A... interjette appel du jugement du 5 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance ainsi que des visas du jugement contesté que, contrairement à ce qu'il soutient, les premiers juges ont informé M. A... par une lettre du 28 novembre 2022, qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le tribunal était susceptible de procéder d'office à la substitution, d'une part, des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain aux dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part, du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont dispose le préfet aux dispositions de l'article L. 435-1 du même code, comme bases légales de l'arrêté attaqué. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour avoir procédé à une substitution de base légale sans l'avoir averti de cette possibilité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". En vertu du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".

4. L'accord franco-marocain susvisé renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord cité ci-dessus. Il en résulte que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " est notamment subordonnée, en vertu de l'article 9 de cet accord, à la production par l'intéressé du visa de long séjour mentionné à l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Saône-et-Loire a pu légalement opposer à M. A... le défaut de visa de long séjour au titre de l'application de l'accord franco-marocain dont les stipulations ont été substituées aux dispositions des articles L. 421-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'il est rappelé au point 4. Contrairement à ce que le requérant soutient, les premiers juges, qui ont estimé qu'il résultait de l'ensemble des éléments qui avaient été relevés, que le préfet de Saône-et-Loire, en refusant de faire usage du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont il dispose, n'avait pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé, n'ont pas opposé à M. A... l'absence de visa de long séjour au titre de la mise en œuvre d'un tel pouvoir de régularisation. Il en découle notamment que, en dépit des éléments apportés par le requérant en ce qui concerne les contrats de travail dont il aurait bénéficié entre 2016 et 2022 et de la promesse d'embauche qu'il produit, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation à ce même titre. Il convient ainsi d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et qui n'ont pas été utilement contestés ni assortis d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet à n'avoir pas mis en œuvre son pouvoir de régularisation, et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va de même de la circulaire du 28 novembre 2012, dépourvue de toute valeur réglementaire.

9. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'a pas été assorti d'éléments nouveaux en appel, et pour les mêmes raisons le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ne ressort ni de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation du requérant.

10. En quatrième lieu, ainsi que les premiers juges l'ont à bon droit retenu, M. A..., qui n'a pas présenté de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, et dont le préfet n'a pas examiné le droit au séjour sur ce fondement, ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est donc inopérant et doit dès lors être écarté pour ce motif.

11. En cinquième lieu, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui se borne à faire état de ses avis d'imposition entre 2012 et 2021 faisant apparaitre un revenu fiscal nul en ce qui concerne les années 2012 à 2016, ainsi que d'une attestation d'hébergement délivrée le 24 mars 2012 sur les déclarations de sa sœur par la ville de Villeneuve Saint-Georges, et qui ne produit aucun autre document de nature à justifier sa présence en France entre 2012 et 2016, aurait résidé en France depuis dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté.

12. En sixième et dernier lieu, contrairement à ce qu'il soutient, M. A... n'a pas fait l'objet d'une unique condamnation pénale, dès lors que, comme les premiers juges l'ont relevé, il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné le 21 mars 2019 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence aggravée et menaces de mort réitérées commis le 15 août 2018, et, le 17 août 2021, à une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire de deux ans pour des faits de dégradation de bien, violence par personne en état d'ébriété et refus de se soumettre à un test d'alcoolémie commis le 14 août 2021. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire constitue une menace à l'ordre public.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves TallecLa greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00817
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MOUNDOUNGA NTSIGOU

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;23ly00817 ?
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