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27/03/2024 | FRANCE | N°22LY01234

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 27 mars 2024, 22LY01234


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juin 2020 par laquelle le directeur par intérim du centre hospitalier du Forez l'a suspendue de ses fonctions de praticien hospitalier.



Par un jugement n° 2004824 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit cette demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 25 avril 2022, le cen

tre hospitalier du Forez, représenté par l'AARPI Angle droit avocats, agissant par Me Brazier, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juin 2020 par laquelle le directeur par intérim du centre hospitalier du Forez l'a suspendue de ses fonctions de praticien hospitalier.

Par un jugement n° 2004824 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2022, le centre hospitalier du Forez, représenté par l'AARPI Angle droit avocats, agissant par Me Brazier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 février 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a informé le centre national de gestion, par mail du 17 juin 2020, de la décision de suspension à titre conservatoire prise à l'égard de Mme A... ;

- la décision est justifiée au regard du comportement de Mme A... qui mettait en péril la continuité du service et la sécurité des patients.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet 2022 et 6 juin 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par la Selarl Clément-Cuzin-Leyraud et Descheemaker, agissant par Me Leyraud, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier du Forez en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité externe de l'acte est établie : aucune procédure disciplinaire n'a été engagée quand la décision de suspension a pris effet ; cette décision de suspension a été prise par le directeur d'établissement, alors qu'elle n'est pas praticien attaché, et non par le directeur du centre national de gestion ; l'arrêté de suspension n'est pas limité dans le temps ;

- la décision du 10 juin 2020 est entachée d'un vice de procédure, faute d'information immédiate du directeur du centre national de gestion ;

- elle n'a commis aucun acte suffisamment grave susceptible de nuire à la qualité des soins et à la sécurité des patients et du personnel.

Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Leyraud pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier du Forez relève appel du jugement du 23 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 10 juin 2020 de son directeur par intérim suspendant Mme A..., praticien hospitalier, de ses fonctions à titre conservatoire.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. S'il appartient, en cas d'urgence, au directeur général de l'agence régionale de santé compétent de suspendre, sur le fondement de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, le droit d'exercer d'un médecin qui exposerait ses patients à un danger grave et si le directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière est compétent, en application des dispositions de l'article R. 6152-77 du même code, pour suspendre dans l'intérêt du service, le praticien qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire, le directeur d'un centre hospitalier, qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du même code, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut lui aussi, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour la nomination de ce praticien.

3. Pour annuler la décision en litige, comme procédant d'une inexacte application des principes rappelés au point précédent, les premiers juges ont retenu qu'eu égard à l'ancienneté de l'attitude reprochée à Mme A... et à ses conséquences sur l'activité du service, la poursuite de l'activité hospitalière de l'intéressée n'était pas de nature à caractériser une situation exceptionnelle mettant en péril, de manière imminente, la continuité du service de biologie médicale où elle exerçait ou la sécurité des patients.

4. Pour critiquer ce jugement, le centre hospitalier du Forez fait valoir que plusieurs fiches d'évènement indésirables ainsi que des rapports internes au cours de l'année 2020 ont fait état du comportement totalement inapproprié de Mme A..., menaçant et harcelant envers les techniciennes du laboratoire, entraînant des conflits permanents, ce qui engendrait des conséquences sur ses relations avec les autres biologistes, une désorganisation du service et des retards et, par conséquent, avait un impact sur la prise en charge des patients. Ce faisant, il ne démontre pas, quand bien même une des biologistes aurait exprimé le souhait de quitter le service, en quoi la mésentente au sein du service aurait mis en péril la continuité du service, ni en quoi le comportement de Mme A... aurait eu quelconque incidence sur la sécurité des patients.

5. Le centre hospitalier du Forez fait également valoir que Mme A... avait fait l'objet de rappels à l'ordre et de remarques, en 2017, 2018 et 2019. Toutefois, ces faits anciens ne permettent pas de caractériser l'imminence du risque de nature à justifier que le directeur par intérim du centre hospitalier du Forez prononce sans attendre la mesure de suspension litigieuse.

6. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier du Forez n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 10 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de Mme A..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier du Forez le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A....

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier du Forez est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier du Forez versera une somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Forez et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de la Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01234
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-11-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Dispositions propres aux personnels hospitaliers. - Personnel médical. - Personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CLEMENT-CUZIN, LONG LEYRAUD & DESCHEEMAKER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;22ly01234 ?
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