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27/03/2024 | FRANCE | N°22LY00369

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 27 mars 2024, 22LY00369


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle le maire de la commune de Sainte-Agnès a prononcé à son encontre la sanction de blâme à titre disciplinaire, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux présenté le 15 mars 2018.



Par un jugement n° 1804296 du 14 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa dema

nde.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 8 février 2022, M. A..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle le maire de la commune de Sainte-Agnès a prononcé à son encontre la sanction de blâme à titre disciplinaire, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux présenté le 15 mars 2018.

Par un jugement n° 1804296 du 14 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 février 2022, M. A..., représenté par Me Aldeguer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2021 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Agnès une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une dénaturation des faits de l'espèce ;

- la sanction disciplinaire prise à son encontre est entachée d'incompétence négative ;

- les faits ne sont pas établis ;

- la décision est entachée d'erreur dans la qualification juridique des faits ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2023, la commune de Sainte-Agnès, représentée par Me Senegas, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'aucun moyen nouveau n'est soulevé par rapport à la demande de première instance ;

- subsidiairement, aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par une ordonnance du 28 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me Aldeguer, représentant M. A...,

- et les observations de Me Punzano, représentant la commune de Sainte-Agnès.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce ses fonctions au sein de la commune de Sainte-Agnès en tant qu'adjoint technique principal. Par un courrier du 16 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable en vue du prononcé d'une sanction disciplinaire aux motifs de l'absence d'exécution d'un ordre urgent en situation de péril et de réponse aux appels d'urgence en situation d'astreinte. Par une décision du 16 février 2018, le maire de la commune a infligé un blâme à M. A.... Ce dernier a formé un recours gracieux le 15 mars 2018 à l'encontre de cette décision, lequel a été implicitement rejeté. M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Contrairement à ce que la commune soutient, la requête, par laquelle M. A... demande l'annulation du jugement attaqué, comporte d'une part un moyen relatif à la régularité de ce jugement, d'autre part une critique de la solution apportée au litige par le juge de première instance. La fin de non-recevoir opposée en défense ne peut donc qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable, désormais repris aux articles L. 121-9 et L. 121-10 du code général de la fonction publique : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ". Aux termes de l'article 29 de la même loi, repris à l'article L. 530-1 du code précité : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable, repris à l'article L. 533-1 du code précité : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Aux termes de l'article 19 de la même loi, repris à l'article L. 532-5 du code général de la fonction publique : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. (...) / Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ".

4. Il ressort de la décision du 16 février 2018 signée par le maire de la commune de Sainte-Agnès que, pour infliger à M. A... la sanction de blâme, celui-ci a mentionné l'existence d'une décision unanime de " la commission ", supposant ainsi la réunion et un vote identique des personnes la composant. Il ressort également d'une part, des termes de sa décision que le maire a utilisé la première personne du pluriel pour exposer les motifs de la sanction, et d'autre part des écritures en défense que la commune se réfère à une concertation informelle du maire avec ses deux adjoints. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, M. A... apporte la preuve de l'intention du maire non de suivre un avis émanant de ses adjoints, mais de s'en remettre à la décision d'une instance collégiale ainsi formée et, par suite, de sa renonciation à exercer seul son pouvoir disciplinaire. Dans ces conditions, le maire a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence. Il y a par suite lieu d'annuler la décision du 16 février 2018 ainsi que la décision implicite née du silence gardé par l'administration sur le recours de M. A... formé le 15 mars 2018.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Sainte-Agnès et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2021, la décision du 16 février 2018 du maire de la commune de Sainte-Agnès et la décision par laquelle celui-ci a implicitement rejeté le recours gracieux formé par M. A... sont annulés.

Article 2 : La commune de Sainte-Agnès versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Sainte-Agnès tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Sainte-Agnès.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY00369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00369
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SENEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;22ly00369 ?
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