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21/03/2024 | FRANCE | N°22LY03833

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 21 mars 2024, 22LY03833


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



La société Chicken Way a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 7 240 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger non autorisé à travailler et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l

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Par un jugement n° 2000269 du 28 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Chicken Way a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 7 240 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger non autorisé à travailler et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger.

Par un jugement n° 2000269 du 28 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2022, la société Chicken Way, représentée par Me Bouchair, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision du 13 novembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- l'emploi irrégulier de M. A..., qui a tardé à demander le renouvellement de son titre de séjour, résulte d'une négligence de ce dernier et ne saurait être reproché à son employeur qui l'a régulièrement déclaré auprès de l'URSSAF de sorte qu'il n'y avait pas lieu de mettre en œuvre la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail ;

- M. A... résidant désormais de façon régulière en France, la contribution forfaitaire de frais de réacheminement d'un montant de 2 124 euros n'est pas due.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Chicken Way ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 mai 2023, l'instruction a été close au 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 13 novembre 2019, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société Chicken Way, qui exploite un restaurant, la somme de 7 240 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger constaté lors d'un contrôle sur place le 20 juin 2019 et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de cet étranger. La société Chicken Way relève appel du jugement du 28 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une décision qui met à la charge d'un employeur la contribution spéciale et la contribution forfaitaire prévues respectivement aux articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent ces sanctions.

4. La décision prise le 13 novembre 2019 par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne les articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail ainsi que les articles L. 626-1 et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, qui concerne l'emploi d'un travailleur, a été constatée dans un procès-verbal d'infraction établi par les services de police de l'Isère le 20 juin 2019. Elle détaille enfin le montant des contributions mises à la charge de la société et leur mode de calcul. Par suite, cette décision, qui comprend les considérations de droit et les éléments de faits sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, selon le premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". En application du premier alinéa de l'article L. 8253-1 du même code, " sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) ". Ce montant est fixé de manière forfaitaire, par l'article R. 8253-2 du même code, à cinq mille fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L 3231-12, à la date de la constatation de l'infraction. Il est réduit à deux mille fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ou lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Il est, dans ce dernier cas, réduit à mille fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Enfin, il est porté à quinze mille fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. L'article R. 8253-4 du même code précise que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale au vu des observations éventuelles de l'employeur, à l'expiration du délai qui a été fixé à ce dernier pour les faire valoir.

6. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. Celle-ci devant apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé, le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par les dispositions citées au point 5, ou en décharger l'employeur.

7. Il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle la société Chicken Way a procédé à l'embauche du salarié étranger, qui ne disposait pas d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France lorsque le procès-verbal d'infraction a été dressé, le titre de séjour de l'intéressé était déjà expiré depuis plusieurs mois. La société Chicken Way, à laquelle il incombait de procéder à la vérification de la situation de son employé au moment de l'embauche conformément à l'article L. 5221-8 du code du travail, ne conteste pas ne pas l'avoir fait. Elle ne soutient pas non plus avoir été victime d'une fraude commise par son salarié. Elle ne peut utilement faire valoir que l'élément intentionnel de l'infraction ne serait pas constitué. Elle n'est pas fondée à soutenir que l'infraction résulterait de la seule négligence de son employé qui a tardé à demander le renouvellement de son titre de séjour. Les éléments dont la société se prévaut par ailleurs, tenant au fait qu'elle déclarait régulièrement ce salarié auprès de l'URSSAF et que ce dernier a depuis lors été mis en possession d'un titre de séjour, ne suffisent pas à justifier, au regard de la nature et de la gravité des agissements sanctionnés et de l'exigence de répression effective des infractions, que les circonstances propres à l'espèce seraient d'une particularité telle qu'elles nécessiteraient que la société Chicken Way soit, à titre exceptionnel, dispensée de la contribution spéciale.

8. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ". Ni ces dispositions, ni aucune autre, ne subordonnent la mise à la charge de l'employeur de la contribution forfaitaire à la condition que l'étranger en cause ait été effectivement réacheminé dans son pays d'origine. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que la mise à sa charge de cette contribution serait illégale faute pour l'étranger en situation de séjour irrégulier qu'elle employait d'avoir été réacheminé dans son pays d'origine dans la mesure où, depuis lors, sa situation a été régularisée.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Chicken Way n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Chiken Way est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chiken Way et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY03833

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03833
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. - Emploi des étrangers. - Mesures individuelles. - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;22ly03833 ?
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