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07/03/2024 | FRANCE | N°23LY00599

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 07 mars 2024, 23LY00599


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 17 octobre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, l'a interdit de retour sur le territoire pendant trois ans et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.



Par jugement n° 2206763 du 6 décembre 2022, le président du tribunal a rejeté cette demande.



Procédure devant

la cour



Par requête enregistrée le 14 février 2023, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 17 octobre 2022 par lesquels le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, l'a interdit de retour sur le territoire pendant trois ans et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par jugement n° 2206763 du 6 décembre 2022, le président du tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 14 février 2023, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, ainsi que les arrêtés du 17 octobre 2022 du préfet de l'Isère le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et après remise d'une autorisation provisoire de séjour sous huitaine et, en cas d'annulation de l'interdiction de retour, d'effacer son signalement du système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- le refus de délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour pendant trois ans est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sans délai ; elle est insuffisamment motivée, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'intérêt supérieur de ses enfants et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée et méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de l'Isère n'a pas produit de mémoire en défense.

Par décision du 8 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant serbe né le 20 décembre 1978 est entré en France dans des circonstances indéterminées. Il a fait l'objet de plusieurs obligations de quitter le territoire les 26 juin 2014, 19 juin 2015 et 18 juillet 2017, ces deux dernières mesures ayant été exécutées, et du 14 avril 2018. Il relève appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du 17 octobre 2022 du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, lui interdisant le retour sur le territoire pendant une durée de trois ans d'une part, et l'assignant à résidence pour une durée de six mois d'autre part.

2. En premier lieu, M. B... réitère en appel sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle dirigés contre l'obligation de quitter le territoire et contre l'interdiction de retour pour une durée de trois années. De même, l'intéressé réitère en appel son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la décision lui refusant un délai de départ volontaire. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu par les services de police, le 17 octobre 2022, entretien au cours duquel il a déclaré comprendre et parler le français et au cours duquel il a pu s'exprimer sur son âge, son état de santé, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches avec son pays d'origine, sa date d'entrée en France et ses conditions de résidence et moyens d'existence dans ce pays. Il résulte de ce qui précède que l'intéressé, qui avait par ailleurs déjà fait l'objet de précédentes obligations de quitter le territoire français, doit être regardé, d'une part, comme n'ignorant pas que son maintien en France ne reposait pas sur un droit au séjour reconnu et insusceptible d'être remis en cause par l'édiction d'une décision de retour et, d'autre part, comme ayant eu la possibilité, lors de son audition de faire valoir tout élément utile susceptible d'influer sur la reconnaissance d'un droit au séjour en France ainsi que sur la prise à son encontre d'une mesure d'éloignement et sur ses modalités. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction qu'il disposait d'autres éléments pertinents que ceux qu'il a portés à la connaissance de l'administration et qui, s'ils avaient été communiqués à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.

4. En troisième lieu, M. B..., n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour pendant une durée de trois ans.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 731-3 du même code : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Et aux termes de l'article L. 732-4 du même code : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1° (...) de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois (...) ".

6. Il est constant que l'arrêté en litige refuse à M. B... tout délai de départ volontaire. Pour assigner M. B... à résidence pendant une durée de six mois, le préfet de l'Isère, au visa de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est fondé sur la circonstance que l'éloignement demeurait une perspective raisonnable. La décision litigieuse est ainsi suffisamment motivée.

7. Cependant, le motif qui vient d'être rappelé ne pouvait donner lieu, ainsi qu'en dispose l'article L. 732-3 précité, à une assignation à résidence d'au plus quarante-cinq jours. En conséquence, cette mesure doit être annulée en tant qu'elle excède cette durée.

8. En cinquième lieu, l'assignation à résidence impose à M. B... de se présenter deux fois par semaine, les mardi et jeudi à 10 heures, à la gendarmerie de Pont de Claix. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces mesures de contrôle portent une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir, ni que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle est dirigée contre l'assignation à résidence en tant qu'elle excède quarante-cinq jours et, par suite, à demander l'annulation dans cette mesure tant du jugement que de l'arrêté du 17 octobre 2022 portant assignation à résidence pour une durée de six mois.

10. La présente décision n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction de M. B... doivent ainsi être rejetées.

11. Enfin, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. B..., qui a la qualité de partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 17 octobre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a assigné M. B... à résidence pour une durée de six mois est annulé en tant qu'il excède une durée de quarante-cinq jours.

Article 2 : Le jugement n° 2206763 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

La rapporteure,

Christine Psilakis

Le président,

Philippe Arbarétaz

La greffière,

Fabienne Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00599
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;23ly00599 ?
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