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07/03/2024 | FRANCE | N°22LY01568

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 07 mars 2024, 22LY01568


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services à compter du 1er février 2020 et l'a placé en surnombre dans le cadre d'emploi des administrateurs territoriaux pour une durée d'un an.



Par jugement n° 2004225 du 15 mars 2022, le tribunal a an

nulé cet arrêté et a enjoint au président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère de procéder à l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services à compter du 1er février 2020 et l'a placé en surnombre dans le cadre d'emploi des administrateurs territoriaux pour une durée d'un an.

Par jugement n° 2004225 du 15 mars 2022, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint au président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère de procéder à l'examen des droits, y compris, le cas échéant, à réintégration, de M. A... au titre de la période comprise entre le 14 novembre 2019 et le 31 août 2022, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 23 mai 2022 et le 29 septembre 2023, la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, représentée par Me Walgenwitz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par M. A... ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable dès lors qu'elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 prévoyant un délai minimal de trois mois entre l'information de l'assemblée délibérante et la fin des fonctions de l'agent n'a pas été méconnu, dès lors que la décharge de fonctions de M. A... a été décidée par l'arrêté du 20 janvier 2020 et n'a pris effet que le 1er février 2020 ;

- le courrier du 14 novembre 2019 ne prononce pas la fin du détachement mais constitue une autorisation d'absence de l'intéressé jusqu'à l'adoption de la décision mettant fin à son détachement ;

- M. A... a été rémunéré et a conservé son logement de fonction jusqu'au 1er février 2020 ;

- le fait de priver un agent d'un véhicule de fonction n'est pas une atteinte à un droit statutaire ;

- M. A... a disposé d'un délai suffisant entre la date à laquelle il a été convoqué à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien et a été informé de façon suffisamment précise des motifs de la fin de son détachement ;

- la décision mettant fin à son détachement est justifiée par la perte de confiance de l'employeur ;

- le placement en surnombre n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement ;

- la décision mettant fin à son détachement ne constitue pas une sanction disciplinaire déguisée.

Par mémoires enregistrés le 11 juillet 2022 et le 6 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Di Nicola, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.-761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance et méconnaît ainsi l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- il a été évincé de ses fonctions dès le 14 novembre 2019, ainsi que l'a retenu le tribunal, sans que la procédure de décharge de fonction ait été mise en œuvre ; cette décision ne saurait s'analyser comme une suspension dès lors qu'une telle mesure est provisoire et justifiée par une faute grave, ni comme une prise de congés qu'il n'a pas demandés ; cette décision a été révélée par le retrait des avantages en nature liés à l'exercice effectif de ses fonctions ;

- le délai de trois jours ouvrés dont il a bénéficié avant l'entretien préalable n'était pas suffisant pour consulter son dossier, saisir un conseil et formuler des observations ;

- s'il a effectivement été informé qu'une procédure visant à le décharger de ses fonctions était engagée pour perte de confiance, il n'a pu avoir connaissance des faits qui fondaient cette perte de confiance que postérieurement à la tenue de l'entretien préalable ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne sont pas de nature à justifier la rupture du lien de confiance ;

- le placement en surnombre est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il existait des possibilités de reclassement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me Allala pour la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et celles de Me Schiltz pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., administrateur territorial, a été affecté par voie de mutation à la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, le 1er septembre 2017, puis détaché pour une durée de cinq ans dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services. Cependant, par arrêté du 20 janvier 2020, le président de l'établissement a mis fin à son détachement à compter du 1er février 2020 et l'a placé en surnombre durant un an. La communauté d'agglomération Porte de l'Isère relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et a enjoint à son président de reconstituer la carrière de l'intéressé entre le 14 novembre 2019 et le 31 août 2022.

Sur les conclusions de la requête :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Le mémoire introductif d'appel de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère contient une critique du motif d'annulation retenu par le tribunal. La requête est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de ces dispositions doit être écartée.

En ce qui concerne le fond du litige :

3. Aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel (...) et que (...) l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à (...) l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. / Ces dispositions s'appliquent aux emplois : (...) - de directeur général des services / (...) La fin des fonctions des agents (...) est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale (...) la fin des fonctions de ces agents prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la fin du détachement de M. A... dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère a été prononcée par arrêté du 20 janvier 2020 qui disposait expressément que la mesure prenait effet au 1er février 2020. Dans ces conditions, la situation statutaire de l'intéressé n'a été modifiée qu'à cette date et il est sans incidence sur l'entrée en vigueur de la fin du détachement que le président de l'établissement ait incité M. A... à prendre des congés à compter du 14 novembre 2019 et mis fin, à la même date, à l'attribution d'un véhicule et d'un logement pour nécessité de service. La communauté d'agglomération Porte de l'Isère est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a regardé la fin du détachement comme ayant été prononcée dès le 14 novembre 2019 pour en déduire qu'elle avait pris effet avant le premier jour du troisième mois ayant suivi l'information de l'assemblée délibérante, accomplie le 26 novembre 2019, en méconnaissance des dispositions citées au point 3.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

S'agissant de la décision mettant fin au détachement sur l'emploi fonctionnel :

6. En premier lieu, ni les dispositions de l'article 53 précitées de la loi du 26 janvier 1984, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fixent les conditions de déroulement de l'entretien préalable à la fin du détachement, non plus que les formes et délais de la convocation du fonctionnaire. Il incombe cependant à l'autorité compétente, dans les cas où la mesure est prise en considération de la personne de mettre l'intéressé à même d'avoir communication de son dossier avant que la décision ne soit prise.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été informé, par courriel du 15 novembre 2019 dont il a été accusé réception le lendemain, que le président de l'établissement envisageait de mettre fin à son détachement sur emploi fonctionnel conformément à la procédure prévue à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, et qu'il était convoqué à un entretien préalable le 21 novembre suivant. Cette convocation précisait, d'une part, le motif sur lequel reposait le projet de décision, tiré de la perte de confiance et, d'autre part, la faculté de prendre connaissance du dossier, de se faire assister par une ou plusieurs personnes de son choix et de présenter toutes observations utiles. Ces précisions ont permis à M. A... de comprendre l'objet de l'entretien et d'exercer ses droits. Enfin, il ne ressort d'aucune circonstance propre à l'espèce que le délai de trois jours ouvrés dont M. A... a disposé entre la réception de la convocation et l'entretien aurait été insuffisant pour lui permettre de préparer utilement sa défense. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il peut être mis fin au détachement des agents occupant les emplois fonctionnels mentionnés par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 pour des motifs tirés de l'intérêt du service. Eu égard à la nature particulière des responsabilités exercées, le fait pour le directeur général des services d'une communauté d'agglomération de s'être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de bénéficier de la confiance de l'autorité territoriale peut légalement justifier qu'il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions.

9. Or, il ressort des pièces du dossier que la profondeur des divergences entre l'encadrement et de nombreux agents, d'une part, et M. A..., d'autre part, ainsi que le climat de suspicion sur les méthodes de gestion de ce dernier faisaient obstacle à ce qu'il continue d'exercer dans des conditions normales ses fonctions de direction du service et assure le relai de la politique de l'exécutif de l'établissement. Dans ces conditions, la rupture du lien de confiance invoquée par le président de la communauté d'agglomération n'est pas étrangère à l'intérêt du service. Si M. A... remet en cause l'impartialité du rapport d'audit commandé par le président de la communauté d'agglomération afin de contester l'exactitude des faits que ce document lui impute, la mesure contestée n'a pas le caractère d'une sanction et n'a pas à reposer sur des griefs matériellement établis dès lors que, comme en l'espèce, elle prend en considération une situation générale de dégradation du climat de travail vérifiée par des témoignages concordants.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en mettant fin au détachement de M. A... sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services après avoir relevé l'altération du lien de confiance, le président de la communauté d'agglomération ait eu l'intention de sanctionner M. A.... Le moyen tiré de ce que la décision en litige serait constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée et aurait été prononcée sans les garanties de la procédure disciplinaire doit être écarté.

S'agissant de la décision de maintien en surnombre :

11. Aux termes de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est (...) réintégré dans son (...) cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant (...) de son établissement d'origine (...) / Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an (...) Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l'article 97 (...) par le Centre national de la fonction publique territoriale (...) / Le fonctionnaire détaché qui est remis à la disposition (...) de son établissement d'origine avant l'expiration normale de la période de détachement pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions et qui ne peut être réintégré dans son (...) cadre d'emplois d'origine faute d'emploi vacant continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement au plus tard jusqu'à la date à laquelle le détachement devait prendre fin (...) ".

12. Dans le cas où le fonctionnaire territorial est détaché sur un emploi fonctionnel relevant de son établissement d'origine, il appartient à celui-ci, pour mettre en œuvre l'obligation de réintégration qui lui incombe, de prendre en compte, sous réserve des nécessités du service, les emplois vacants à la date à laquelle il a informé son organe délibérant, en application de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, de la fin du détachement, ainsi que ceux qui deviennent vacants ultérieurement.

13. M. A... fait valoir que, pour estimer qu'aucun emploi vacant correspondant à son grade ne pouvait lui être proposé et le maintenir, en conséquence, en surnombre dans les effectifs de l'établissement, le président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère s'est placé à la date à laquelle il a été mis fin à ses fonctions, soit le 1er février 2020, et non pas à la date d'information de l'assemblée délibérante, soit le 26 novembre 2019. Il soutient qu'à cette date, il pouvait être affecté sur l'emploi de directeur général adjoint délégué à la transition écologique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et, notamment, du tableau des emplois et des effectifs produit par la communauté d'agglomération, d'une part, que s'il était vacant depuis le 30 septembre 2019, l'emploi de directeur général adjoint délégué à la transition écologique n'était ouvert qu'aux ingénieurs territoriaux en chef hors classe et, d'autre part, qu'aucun poste d'administrateur territorial n'est devenu vacant entre novembre 2019 et février 2020. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision le maintenant en surnombre méconnaitrait les dispositions combinées citées aux points 2 et 11.

14. Il résulte de ce qui précède M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère a mis fin à son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services à compter du 1er février 2020 et l'a placé en surnombre dans le cadre d'emploi des administrateurs territoriaux pour une durée d'un an. En conséquence, le jugement n° 2004225 du 15 mars 2022 par lequel le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint au président de l'établissement de reconstituer la carrière de M. A... au titre de la période comprise entre le 14 novembre 2019 et le 31 août 2022 doit être annulé et la demande à fins d'annulation et d'injonction présentée par M. A... doit être rejetée.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère. Les conclusions présentées par M. A..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2004225 du tribunal administratif de Grenoble du 15 mars 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Porte de l'Isère et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Psilakis, première conseillère,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.

Le président, rapporteur,

Ph. ArbarétazL'assesseure la plus ancienne,

C. Psilakis

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de ministre de la transformation et de la fonction publiques ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY01568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01568
Date de la décision : 07/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : DNL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-07;22ly01568 ?
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