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28/02/2024 | FRANCE | N°23LY00937

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 février 2024, 23LY00937


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.



Par un jugement n

° 2208676 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 2208676 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2023, Mme C... épouse A..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, agissant par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ",

- à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et ne pouvaient sans contrariété de motif considérer qu'elle ne prouvait pas le risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de soins ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 19 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C... épouse A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... épouse A..., née le 5 décembre 1977, de nationalité albanaise, déclare être entrée en France le 12 septembre 2016. Après rejet de sa demande d'asile, l'intéressée a fait l'objet d'un premier arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français en date du 27 juin 2017 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon le 14 novembre 2017 puis par la cour administrative d'appel de Lyon, le 7 mai 2018. Le 9 août 2017, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Sur injonction de réexamen, après annulation du refus implicite né sur cette demande, le préfet du Rhône a refusé d'admettre la requérante au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le 9 mars 2021. Par un jugement du 9 juillet 2021, le tribunal a annulé cet arrêté et enjoint à l'autorité administrative de procéder au réexamen de la situation et de la demande de l'intéressée. Par un arrêté du 27 octobre 2022, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Mme C... épouse A... relève appel du jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme B... C... épouse A... reproche aux premiers juges d'avoir commis une erreur de droit et entaché leur jugement de contrariété de motif, de tels moyens affectent le bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 octobre 2022 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. Pour refuser à Mme B... C... épouse A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Rhône s'est notamment fondé sur l'avis du 19 septembre 2022 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.

5. Pour contester le refus de titre de séjour, la requérante soutient qu'elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif très sévère, d'une grande vulnérabilité psychique nécessitant un soutien psychothérapeutique intensif et un traitement psychotrope. Elle fait également valoir, en lien avec ce tableau, des migraines hyper résistantes et des lombalgies ainsi qu'une insuffisance rénale chronique. Mme B... C... épouse A... se prévaut des certificats médicaux déjà versés en première instance, peu précis sur la gravité des troubles et les conséquences que pourrait avoir un défaut de prise en charge, lesquels ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Rhône, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII.

6. En deuxième lieu, Mme B... C... épouse A... se prévaut de l'ancrage de sa vie privée et familiale en France où elle réside depuis 2016, auprès de son époux et de leurs enfants, tous trois scolarisés. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'état de santé de la requérante ne justifie pas la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, dès lors qu'un éventuel défaut de soins n'est pas de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cette dernière n'établit pas davantage que son pays d'origine constituerait un milieu pathogène faisant obstacle à toute prise en charge médicale utile ni, par suite, que la poursuite des soins serait impossible en Albanie à raison des évènements qu'elle prétend avoir subis. Son conjoint est de même nationalité et a également fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement et leurs enfants mineurs nés en 2005, 2009 et 2018, ont vocation à suivre leurs parents. La requérante a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans en Albanie, où résident sa mère et ses neuf frères et sœurs. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... C... épouse A... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

7. En troisième lieu, dès lors que la décision refusant un titre de séjour à Mme E... épouse A... n'a ni pour objet ni pour effet de la séparer de ses trois enfants, ces derniers ayant vocation à la suivre, de même que de leur père, en Albanie, le préfet du Rhône n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en refusant de l'admettre au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En quatrième lieu, dès lors que le refus de séjour ne s'est pas prononcé sur l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constituent pas le fondement de la demande de titre de séjour de Mme E... épouse A..., le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant, alors même qu'il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet du Rhône a apprécié l'opportunité d'une mesure dérogatoire en faveur de Mme B... C... épouse A....

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

9. Mme B... C... épouse A... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour, et méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination seraient illégales par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs, retenus à bon droit, par les premiers juges.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, Mme B... C... épouse A... a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le 27 juin 2017 qu'elle n'a pas exécutée. Les éléments de sa vie privée et familiale dont elle fait état, y compris son état de santé, ne suffisent pas pour considérer que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, limitée à six mois, serait entachée d'une erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, en tout état de cause, l'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède, que Mme B... C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 27 octobre 2022, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions susmentionnées ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... C... épouse A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00937
Date de la décision : 28/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-28;23ly00937 ?
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