Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2206602 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, Mme B... épouse C..., représentée par Me Albertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer le titre sollicité, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois, et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'irrégularité en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ;
- elle ne peut pas bénéficier d'une mesure de regroupement familial compte tenu de l'insuffisance des ressources de son époux ; ce dernier a vocation à demeurer en France ; tout retour dans son pays d'origine engendrerait ainsi une séparation du couple, ce qui porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Par une décision du 3 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B... épouse C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., ressortissante marocaine née le 13 avril 1974, relève appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Drôme du 12 septembre 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 septembre 2022 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, dès lors qu'elle entre, en raison de son mariage avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour, dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, Mme B... épouse C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
4. Mme B... épouse C... fait valoir qu'entrée pour la première fois en France le 11 mai 2016, elle a pu demeurer régulièrement sur le territoire français en qualité de travailleur saisonnier plusieurs mois chaque année avant de repartir dans son pays d'origine, qu'elle vit en France de manière ininterrompue depuis août 2020 et que son époux, compatriote présent en France depuis 1984, y bénéficie d'un titre de séjour et a eu trois enfants de précédentes unions, de sorte qu'il a vocation à demeurer en France. Mme B... épouse C... soutient en outre qu'il ne remplit pas la condition de ressources pour qu'elle puisse bénéficier du regroupement familial, et s'est déjà vu opposer deux refus pour ce motif. Toutefois, à la date de la décision en litige, la requérante n'était présente en France, où elle s'est maintenue en situation irrégulière deux années sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, que depuis une date récente. La cellule familiale s'est constituée récemment sur le territoire français puisque le mariage a été célébré le 22 décembre 2020. Les époux ne pouvaient pas ignorer que leurs perspectives communes d'établissement en France étaient incertaines puisque l'intéressée n'était pas autorisée à séjourner sur le territoire national. Le fait que cette dernière ne puisse pas bénéficier d'un regroupement familial, au motif que les ressources de son époux sont insuffisantes ne lui confère pas un droit au séjour. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation
5. En troisième lieu, dès lors que Mme B... épouse C... ne remplit pas les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir de plein droit un titre de séjour, le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et à soutenir, en l'absence de circonstance particulière faisant obstacle à son éloignement du territoire français, que l'obligation de quitter le territoire français viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation..
7. Il résulte de ce qui précède, que Mme B... épouse C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté de la préfète de la Drôme du 12 septembre 2022, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions susmentionnées ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00872