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28/02/2024 | FRANCE | N°22LY01145

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 28 février 2024, 22LY01145


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 15 mai 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Voiron l'a placée en disponibilité d'office du 29 mars 2019 au 28 mars 2020, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 1906933 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.



Procédure devant la cour



Par u

ne requête, enregistrée le 15 avril 2022 et un mémoire en réplique, enregistré le 6 juin 2023, qui n'a pas été communi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 15 mai 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Voiron l'a placée en disponibilité d'office du 29 mars 2019 au 28 mars 2020, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1906933 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022 et un mémoire en réplique, enregistré le 6 juin 2023, qui n'a pas été communiqué, le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes, représenté par la SELARL Clément-Cuzin, Leyraud et Descheemaker, agissant par Me Leyraud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 1er mars 2022 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est motivée ;

- aucune irrégularité dans la consultation du comité médical ne saurait être retenue ;

- Mme A... avait bien épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire et elle s'est vu refuser le congé de longue maladie ; la circonstance qu'elle n'a effectivement pas été déclarée inapte à ses fonctions ne faisait pas obstacle à sa mise en disponibilité d'office ; Mme A... n'ayant pas été reconnue définitivement inapte à l'exercice de tout emploi et n'ayant pas formulé de demande de reclassement dans un autre corps, il ne pouvait que la placer dans cette position.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, Mme A..., représentée par la SCP Germain-Phion Jacquemet, agissant par Me Germain-Phion, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée de vices de procédures : le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes ne justifie pas de ce que le comité médical départemental a siégé de façon collégiale, sa composition n'étant à aucun moment indiquée sur le procès-verbal de séance qui n'est au demeurant signé que par le médecin secrétaire, dont l'identité n'est pas précisée ; elle n'a pas été informée de ses droits à communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; elle n'a pas davantage été informée des voies de recours devant le comité médical supérieur ; le comité médical n'a en réalité pas été consulté sur la question d'un placement en disponibilité d'office mais n'a été saisi que de la question d'un droit à un congé de longue maladie ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; elle ne peut être regardée comme ayant épuisé ses droits à congé maladie, dès lors que le refus de congé longue maladie n'est ni motivé ni fondé, qu'elle n'a jamais été déclarée inapte par le comité médical et qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite.

Par une ordonnance du 4 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Leyraud pour le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée en 2008 en qualité de gestionnaire administrative contractuelle par le centre hospitalier de Voiron, rattaché par la suite au centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes. Le 1er janvier 2014, Mme A... a été titularisée dans le grade d'adjoint administratif hospitalier de 2ème classe. A compter du 3 avril 2018, elle a été placée en arrêt de travail. Le directeur du centre hospitalier a, par une décision du 15 mai 2019, placé Mme A... en disponibilité d'office pour des raisons de santé du 29 mars 2019 au 28 mars 2020. Le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes relève appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 62 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. La disponibilité est prononcée soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 41 (...) ".

3. Aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 susvisé : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : ; (...) 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée ; (...) 6. La mise en disponibilité d'office pour raisons de santé, son renouvellement et l'aménagement des conditions de travail après la fin de la mise en disponibilité (...) ". Aux termes de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 susvisé : " Lorsque le fonctionnaire est dans l'incapacité de reprendre son service à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. / Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ".

4. Pour annuler la décision du 15 mai 2019, les premiers juges ont retenu qu'en l'absence de consultation du comité médical sur la question de la mise en disponibilité d'office en application du 6ème alinéa de l'article 7 du décret du 14 mars 1986, aucun avis n'a été rendu sur l'aptitude ou l'inaptitude de Mme A... à la reprise de ses fonctions, préalable pourtant indispensable à un placement en disponibilité d'office, et le cas échéant à l'examen d'une demande de reclassement, de sorte que la décision plaçant Mme A... en disponibilité d'office est entachée d'un vice de procédure l'ayant privée d'une garantie.

5. Pour critiquer ce jugement, le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes prétend que si Mme A... n'a effectivement pas été déclarée inapte à ses fonctions, une telle condition n'est pas requise pour la mise en disponibilité d'office. Il résulte toutefois des dispositions du décret du 19 avril 1988 citées au point 3 qu'un fonctionnaire hospitalier ne peut être placé d'office en position de disponibilité pour maladie qu'après que l'avis du comité médical départemental sur son inaptitude à reprendre ses fonctions a été recueilli.

6. Lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à l'établissement qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite, et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. Il appartient à l'autorité territoriale, tenue de placer le fonctionnaire dans une position statutaire régulière, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, et à titre provisoire, de placer le fonctionnaire qui a épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, et sous réserve de régularisation ultérieure, en disponibilité d'office.

7. En l'espèce, la décision en litige n'a pas été prise à titre provisoire et sous réserve d'une régularisation ultérieure, mais place de manière pérenne l'intéressée en position de disponibilité d'office du 29 mars 2019 au 28 mars 2020. En effet, cette décision ne mentionne pas le caractère éventuellement provisoire de la mesure dans l'attente d'un avis du comité médical, dont la saisine n'est d'ailleurs même pas mentionnée. Il ne ressort au demeurant d'aucune pièce du dossier que le comité médical départemental aurait été saisi en vue de se prononcer sur l'aptitude de Mme A... à reprendre ses fonctions.

8. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que la décision plaçant Mme A... en disponibilité d'office est entachée d'un vice de procédure l'ayant effectivement privée d'une garantie.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de Mme A..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A....

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes versera une somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Michèle Daval

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01145
Date de la décision : 28/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CLEMENT-CUZIN, LONG LEYRAUD & DESCHEEMAKER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-28;22ly01145 ?
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