Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le président de Grenoble Alpes Métropole a fixé son régime indemnitaire à compter du 1er septembre 2018.
Par un jugement n° 1901919 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Mme B... a demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le président de Grenoble-Alpes Métropole a établi le tableau d'avancement pour l'accès au grade d'ingénieur territorial principal, en tant que ce tableau prend effet au 1er septembre 2018, ainsi que l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le président de la métropole l'a nommée à ce grade à cette date.
Par un jugement n° 1903008 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour
I) Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2022 sous le n° 2200028, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 31 mars et 26 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Poulet Mercier-L'Abbé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901919 du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le président de Grenoble Alpes Métropole a fixé son régime indemnitaire à compter du 1er septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au président de Grenoble Alpes Métropole de lui verser les primes attachées au régime indemnitaire antérieur (ISS et PSR), dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à compter de la date d'application du RIFSEEP aux corps des ingénieurs, de lui verser un régime indemnitaire équivalent aux montants des primes PSR et ISS, et en toute hypothèse, une indemnité de maintien en application de la clause prévue dans la délibération du 6 juillet 2018 (appelée l'IFSE 6).
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé et a omis de statuer sur le moyen tiré de l'illégalité du régime indemnitaire antérieur ;
- l'arrêté du 31 août 2018 méconnaît le principe de parité en instituant un régime RIFSEEP sans rapport avec le régime applicable aux ingénieurs d'Etat, pour lesquels n'existait, à la date de la décision attaquée, aucun arrêté d'adhésion ;
- il méconnaît la délibération du 6 juillet 2018 qui précise que le régime indemnitaire selon des groupes de fonctions est inapplicable ;
- il est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de la délibération du 6 juillet 2018 ;
- la délibération du 6 juillet 2018 ne pouvait légalement abroger le régime indemnitaire fondé sur la PSR et l'ISS pour les ingénieurs et techniciens territoriaux, en l'absence d'un arrêté d'adhésion applicable au cadre d'emplois équivalent dans la fonction publique de l'Etat, et méconnaît ainsi le principe de parité défini à l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, ainsi que l'article 1 du décret du 20 mai 2014 ;
- elle crée une inégalité de traitement entre les fonctionnaires issus de la fonction publique territoriale et ceux issus de la fonction publique de l'Etat et implique une méconnaissance des droits acquis antérieurement ainsi qu'une disproportion manifeste entre agents d'un même corps ;
- le conseil métropolitain a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- ni la délibération du 6 juillet 2018, ni celle du 22 décembre 2017 ne définissent le montant plafond des groupes de fonction dans la limite du plafond global constitué de la somme des deux parts prévues par l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- la délibération du 6 juillet 2018, en ce qu'elle s'applique aux ingénieurs de la collectivité, n'est pas conforme aux textes sur lesquels elle se fonde dans la mesure où elle ne respecte pas les composantes liées au grade et ne retient que la notion de fonctions caractéristiques du RIFSEEP ;
- elle est illégale en ce qu'elle ne définit pas de taux.
II) Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2022 sous le n° 2200027, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 31 mars et 26 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Poulet Mercier-L'Abbé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903008 du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2018 par lequel le président de Grenoble-Alpes Métropole a établi le tableau d'avancement pour l'accès au grade d'ingénieur territorial principal, en tant que ce tableau prend effet au 1er septembre 2018, et non au 1er janvier 2018, ainsi que la décision prise sur le fondement de ce tableau, en tant qu'elle fixe au 1er septembre 2018 la date d'effet de son avancement ;
3°) d'enjoindre au président de Grenoble Alpes Métropole de la promouvoir au grade d'ingénieur principal pour l'année 2018, avec effet au 1er janvier 2018 et de régulariser sa situation administrative et reconstituer sa carrière par versement du régime indemnitaire dû à compter du 1er janvier 2018 avec la mise en place d'une prime de maintien, dans le cadre de la clause adoptée dans la délibération du 6 juillet 2018, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;
- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, la date d'effet de l'avancement envisagé n'ayant pas été communiquée à la commission administrative paritaire ;
- la date d'avancement de grade retenue est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la métropole a méconnu le principe d'égalité ;
- la pratique de la collectivité antérieurement à 2018 était de promouvoir les agents au 1er janvier ;
- les décisions sont entachées d'un détournement de pouvoir.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 31 mars et 26 mai 2023, produits dans chacune de ces deux instances, Grenoble-Alpes-Métropole, représentée par Me Supplisson, conclut au rejet des requêtes et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance concernant l'arrêté du 1er octobre 2018 portant avancement de grade était irrecevable du fait de sa tardiveté et en raison du défaut d'intérêt pour agir de la requérante ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par deux ordonnances du 30 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 juin 2023 dans chacune de ces instances.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;
- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;
- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Poulet-Mercier-L'Abbé, représentant Mme B..., et celles de Me Supplisson, représentant Grenoble-Alpes Métropole.
Une note en délibéré, enregistrée le 16 février 2024, a été présentée pour Mme B... dans chacune des deux instances.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 22 décembre 2017, le conseil métropolitain de Grenoble-Alpes Métropole a décidé de mettre en œuvre le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), institué par le décret du 20 mai 2014, étendu aux collectivités territoriales et leurs établissements publics en conséquence de la modification de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 par la loi du 20 avril 2016. Par une délibération du 6 juillet 2018, le conseil métropolitain a adopté les modalités d'application de ce nouveau dispositif indemnitaire aux différents cadres d'emplois et grades. Par une deuxième délibération du même jour, il a fixé les dispositions relatives aux indemnités susceptibles d'être versées aux agents complémentairement au RIFSEEP. Mme A... B..., employée par Grenoble-Alpes Métropole, qui appartient au cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, a fait l'objet d'un arrêté du 31 août 2018, par lequel le président de cette métropole a fixé son régime indemnitaire à compter du 1er septembre 2018. Par un recours gracieux formé le 20 novembre 2018 qui n'a pas reçu de réponse, Mme B... a sollicité le retrait de cet arrêté. Par une décision du 1er octobre 2018, le tableau d'avancement au grade d'ingénieur principal au titre de l'année 2018 a été établi, en prévoyant une date d'effet de cet avancement au 1er septembre 2018. Par un arrêté du 22 octobre 2018, le président de Grenoble-Alpes Métropole l'a nommée à ce grade, à effet au 1er septembre 2018. Par un recours gracieux formé le 5 janvier 2019, qui n'a pas reçu de réponse, Mme B... a sollicité d'une part, le retrait du tableau d'avancement qui lui a été notifié le 4 octobre 2018 par arrêté du 1er octobre 2018, et, d'autre part, le retrait partiel de l'arrêté d'avancement du 22 octobre 2018, en tant que celui-ci n'avait pas pris effet le 1er janvier précédent.
2. Mme B... interjette appel des jugements du 12 octobre 2021 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes d'annulation des décisions du 31 août 2018 et des 1er et 22 octobre 2018. Les deux instances, enregistrées sous les numéros 22LY00027 et 22LY00028 présentant des questions intéressant la situation d'une même fonctionnaire territoriale, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne le jugement n° 1901919 relatif au régime indemnitaire :
3. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais repris aux articles L. 714-4 et L. 714-5 du code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de cet article : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (...) pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. Le tableau joint en annexe établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents grades des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités (...) L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. ". Il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité soit tenue de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de subordonner le bénéfice d'un régime indemnitaire à des conditions plus restrictives que celles qui sont applicables aux fonctionnaires de l'Etat. Toutefois, dès lors qu'en vertu du principe de parité, les dispositions précitées de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 6 septembre 1991 font obligation à l'assemblée délibérante de ne pas dépasser le plafond global des primes octroyées aux agents de l'État, l'application du RIFSEEP aux agents des collectivités territoriales et leurs établissements publics nécessite que l'application de ce régime indemnitaire aux agents de la fonction publique de l'État relevant de corps équivalents ait été préalablement mis en œuvre.
4. Selon le tableau joint en annexe au décret du 6 septembre 1991, le grade d'ingénieur territorial dans la fonction publique territoriale a pour équivalent, dans la fonction publique de l'Etat, celui d'ingénieur des travaux publics de l'Etat. L'article 7 du décret du 20 mai 2014 a renvoyé à un arrêté le soin de fixer la liste des corps d'emplois ne bénéficiant pas, par exception, de ses dispositions. L'annexe 2 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris en application de cet article a exclu du champ d'application du RIFSEEP le corps des ingénieurs des travaux publics de l'Etat. Il est constant qu'à la date de l'arrêté en litige, le RIFSEEP n'avait pas encore été rendu applicable au corps des ingénieurs des travaux publics de l'État. Dès lors, ce régime indemnitaire ne pouvait légalement être mis en œuvre en ce qui concerne le cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, auquel appartient l'intéressée.
5. En premier lieu, il ressort de l'arrêté du 31 août 2018 que le président de Grenoble-Alpes Métropole a attribué à Mme B..., d'une part, une " indemnité de fonction " d'un montant de 725 euros par mois pour l'exercice à temps plein de son emploi, et d'autre part, une " indemnité 2 " dite " Filière " de 225 euros par mois. Il résulte également du courrier de notification du 21 septembre 2018 de cet arrêté, informant Mme B... des éléments relatifs à sa situation, que l'établissement public a entendu faire application du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) institué par le décret susvisé du 20 mai 2014, aménagé par le décret n° 2016-1916 du 27 décembre 2016 puis par le décret n° 2018-1119 du 10 décembre 2018. Ces actes ne prévoient pas le maintien des primes et indemnités qui lui étaient versées, soit l'indemnité spécifique de service (ISS) et la prime de service et de rendement (PSR). Il ressort également du bulletin de paie de Mme B... de septembre 2018 que ces primes n'ont pas été maintenues. Par suite, en dépit de ce que la délibération du 6 juillet 2018, sur le fondement de laquelle l'arrêté en litige a été pris, précise, ainsi qu'il ressort de ses points 2. b) et 5 b) ainsi que de son annexe 5, qu'elle n'a pas pour objet de faire immédiatement application du RIFSEEP au cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le président de Grenoble-Alpes Métropole a fixé le taux du régime indemnitaire de la requérante à compter du 1er septembre suivant a également modifié les bases de celui-ci, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, et doit être regardé comme ayant soumis l'emploi de Mme B... au RIFSEEP. Il s'ensuit que, dès lors que les ingénieurs territoriaux ne pouvaient être soumis au RIFSEEP en l'absence d'une telle application pour le corps de référence de la fonction publique d'Etat, ainsi qu'il a été rappelé au point 5.b) de la délibération du 6 juillet 2018, l'arrêté en litige, prévoyant l'attribution des indemnités de fonction et de filière, qui a au demeurant méconnu cette délibération, est privé de base légale et a méconnu les dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 précitées. Au surplus, aucune disposition de la délibération ne fixe pour les agents des cadres d'emplois non éligibles au RIFSEEP les montants de primes calculés au maximum de ce que peuvent percevoir les agents de la fonction publique d'État ayant un emploi comparable.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 20 mai 2014 : " Lors de la première application des dispositions du présent décret, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, à l'exception de tout versement à caractère exceptionnel, est conservé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise jusqu'à la date du prochain changement de fonctions de l'agent, sans préjudice du réexamen au vu de l'expérience acquise prévu au 2° de l'article 3. ". L'indemnité de maintien du régime indemnitaire antérieur octroyée à la requérante par l'arrêté du 31 août 2018, qui présente un caractère indissociable de la mise en œuvre du RIFSEEP, est également privée de base légale pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ni de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par suite, ce jugement ainsi que l'arrêté du 31 août 2018 doivent être annulés.
En ce qui concerne le jugement n° 1903008 relatif à l'avancement de grade :
S'agissant de la régularité de ce jugement :
8. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé d'une part, que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'était pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, d'autre part, que la requérante n'invoquait aucun texte ni aucun principe faisant rétroagir l'avancement des ingénieurs territoriaux au 1er janvier de l'année de leur nomination au grade supérieur, écartant ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit invoqué au titre de la date d'effet des avancements en litige. Il résulte de ces considérations que le jugement n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation sur ces points.
S'agissant de la légalité de la date d'effet de l'avancement de grade :
9. D'une part, aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable au litige, désormais codifié aux articles L. 522-4 et L. 522-24 du code général de la fonction publique : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. (...) Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; (...) ". Aux termes de l'article 80 de cette même loi, désormais repris à l'article L. 522-28 du code précité : " Le tableau annuel d'avancement mentionné au 1° (...) de l'article 79 est arrêté par l'autorité territoriale dans les conditions fixées par chaque statut particulier. / (...) / L'avancement est prononcé par l'autorité territoriale parmi les fonctionnaires inscrits sur un tableau d'avancement. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 27 du décret du 26 février 2016 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, dans sa version applicable au litige : " Peuvent être nommés au grade d'ingénieur principal, après inscription sur un tableau d'avancement, les ingénieurs ayant atteint depuis au moins deux ans le 4e échelon de leur grade et qui justifient, au plus tard au 31 décembre de l'année au titre de laquelle est établi le tableau d'avancement, de six ans de services publics dans un corps ou cadre d'emplois de catégorie A ". Enfin, aux termes de l'article 8 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " Pour l'établissement du tableau d'avancement prévu à l'article 80 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et de la liste d'aptitude prévue à l'article 39 de cette même loi il est procédé à une appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire, compte tenu notamment : 1° Des comptes rendus d'entretiens professionnels ; 2° Des propositions motivées formulées par le chef de service (...). / Les fonctionnaires sont inscrits au tableau d'avancement par ordre de mérite ou sur la liste d'aptitude. Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté dans le grade ".
10. Il découle de ces dispositions qu'il appartient aux commissions administratives paritaires, lorsqu'elles sont saisies pour avis des listes d'aptitude proposées par l'administration, de procéder à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents, compte tenu principalement des notes ou comptes rendus d'évaluation obtenus par chacun d'eux et des propositions motivées formulées par les chefs de service et de comparer les mérites respectifs des agents. La circonstance qu'un agent remplit les conditions statutaires lui permettant d'accéder à un grade supérieur ne lui confère aucun droit à bénéficier d'un tel avancement, ni, lorsqu'il en bénéficie, à ce que cet avancement soit prononcé à titre rétroactif.
11. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les commissions administratives paritaires connaissent (...) des questions d'ordre individuel résultant de l'application, notamment, (...) des articles (...) 80, (...) de la présente loi ". Aux termes de l'article 35 du décret du 17 avril 1989 susvisé : " Toutes facilités doivent être données aux commissions administratives paritaires par les collectivités et établissements pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission huit jours au moins avant la date de la séance. (...) ". L'autorité administrative doit, d'une part, préalablement à la présentation des projets de tableau et de liste, avoir procédé à un examen de la valeur professionnelle de chacun des agents remplissant les conditions pour être promus et, d'autre part, tenir à la disposition de la commission administrative paritaire (CAP) les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour établir ses projets de tableau et de liste après avoir comparé les mérites respectifs des agents. Si la requérante soutient que l'établissement public n'a pas donné à la CAP, consultée le 27 septembre 2018, les informations concernant la date d'effet de l'avancement envisagé, il ne ressort pas des dispositions précitées qu'un tel élément aurait dû être porté à la connaissance de cette instance, au surplus au seul motif d'un changement de la pratique jusqu'alors suivie par l'établissement public. En outre, il ressort des pièces du dossier et des écritures de la requérante que les membres de la commission administrative paritaire ont reçu notamment communication, en amont de la réunion du 27 septembre 2018, d'un tableau de synthèse présentant les principales informations concernant les agents susceptibles d'être promus au grade d'ingénieur territorial principal et de deux projets de tableau d'avancement, le premier nommant trois ingénieurs principaux seulement au 1er janvier 2018, compte tenu des contraintes budgétaires rappelées par le directeur général des services dans un message électronique transmis le 23 octobre 2018, et un second portant à sept le nombre des ingénieurs principaux pouvant être nommés au 1er septembre 2018. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune disposition légale ou réglementaire, en particulier de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 26 février 2016, ni même de la note de cadrage invoquée, que la date d'effet de l'avancement de grade des agents remplissant les conditions statutaires pour être promus au grade d'ingénieur principal et dont la valeur professionnelle justifie leur inscription sur le projet de tableau d'avancement, devrait être fixée au 1er janvier de l'année en cours. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
13. En troisième lieu, le principe d'égalité de traitement, qui ne peut être invoqué que pour des agents appartenant à un même corps ou à un même cadre d'emplois qui sont placés dans une situation identique, ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Si Mme B... soutient que l'autorité territoriale a méconnu le principe d'égalité entre agents du même cadre d'emplois, il est constant d'une part que les agents promus avant 2018 ne sont pas dans une situation similaire à la sienne et n'ont pas tous été promus au 1er janvier de l'année de leur avancement, d'autre part que l'agent promu au 1er janvier 2018 qu'elle mentionne dans ses écritures l'a été dans le grade d'ingénieur territorial hors classe et la métropole fait valoir sans être contestée que cet agent présentait un niveau de technicité supérieur et un degré de responsabilités plus élevé que les ingénieurs territoriaux promus, en conséquence de ses fonctions de directrice de service des systèmes d'information de l'établissement public. Contrairement à ce que Mme B... soutient, il ne résulte pas de l'instruction que les agents promus au 1er septembre 2018 subiraient une inversion de carrière par rapport à celui promu au 1er janvier précédent. La circonstance que l'absence de rétroactivité dans la date d'effet de l'avancement de grade serait de nature à entrainer une moindre augmentation de la rémunération des agents concernés par rapport à la situation où une telle rétroactivité aurait été appliquée est sans incidence sur sa légalité des décisions en litige, et ne peut davantage révéler l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée.
14. En quatrième lieu, en se bornant d'une part à évoquer la pratique usuelle de l'établissement public à faire rétroagir les effets de l'avancement au 1er janvier de l'année pour les ingénieurs territoriaux ainsi que la note de cadrage qu'elle a adoptée, d'autre part à invoquer sa manière de servir très favorable au regard des appréciations portées par sa hiérarchie, son ancienneté importante et la gestion de projets transversaux complexes, sans donner aucun autre élément à ce titre, enfin la circonstance que les personnes promues en septembre 2018 se voient appliquer le RIFSEEP entrainant une perte d'environ 500 euros par mois par rapport aux ingénieurs promus avant 2018, du fait de l'absence d'indemnité de maintien, la requérante n'établit pas l'erreur manifeste d'appréciation que la métropole aurait commise en fixant au 1er septembre la date de son avancement au grade d'ingénieur principal.
15. En cinquième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la Métropole aurait évité de nommer les ingénieurs au 1er janvier 2018 dans le but de faire échec au maintien d'un régime indemnitaire d'ingénieur principal acquis sur l'année 2018. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit par suite être également écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par Grenoble Alpes Métropole, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2018 établissant le tableau d'avancement au grade d'ingénieur territorial principal au titre de l'année 2018, ainsi que l'arrêté du 22 octobre 2018 en tant qu'il prévoit la prise d'effet de sa nomination au grade d'ingénieur territorial principal au titre de l'année 2018 au 1er septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Eu égard au motif d'annulation du jugement n° 1901919 retenu, le présent arrêt implique nécessairement que la métropole replace la requérante dans la situation financière qui aurait été la sienne en l'absence de la décision contestée et lui verse la différence entre les sommes qu'elle a effectivement perçues et celles qu'elle aurait dû percevoir, compte tenu en outre du changement de grade la concernant ayant pris effet au 1er septembre 2018, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. En revanche, le présent arrêt n'implique pas d'enjoindre à l'établissement public de mettre en œuvre, à compter de la date d'application du RIFSEEP aux corps des ingénieurs, un régime indemnitaire équivalent aux montants des primes PSR et ISS, et en toute hypothèse, de procéder au versement d'une indemnité de maintien en application de la clause prévue dans la délibération du 6 juillet 2018.
18. Le présent arrêt rejetant par ailleurs les conclusions de Mme B... à fin d'annulation des arrêtés des 1er et 22 octobre 2018 relatifs à son avancement et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées dans cette instance doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie essentiellement perdante dans les présentes instances, les sommes demandées par la métropole au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1901919 du tribunal administratif de Grenoble du 12 octobre 2021 et l'arrêté du 31 août 2018 du président de Grenoble-Alpes Métropole sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président de Grenoble-Alpes Métropole de verser à Mme B... la différence entre les sommes qu'elle a effectivement perçues et celles qu'elle aurait dû percevoir à compter du 1er septembre 2018, en prenant en compte le changement de grade dont elle a bénéficié à cette date, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22LY00028, la requête n° 22LY00027 et les conclusions présentées par Grenoble-Alpes Métropole tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à Grenoble-Alpes Métropole.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Michèle Daval
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°s 22LY00027, 22LY00028