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19/02/2024 | FRANCE | N°22LY01421

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 19 février 2024, 22LY01421


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures



I°) Par une requête n° 1902266, la société Gor'Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon :



1°) de condamner l'établissement Voies Navigables de France à lui verser la somme totale de 1 715 000 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public fluvial à laquelle elle était partie ;



2°) de mettre à la charge de Voies Navig

ables de France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I°) Par une requête n° 1902266, la société Gor'Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner l'établissement Voies Navigables de France à lui verser la somme totale de 1 715 000 euros assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de la résiliation de la convention d'occupation du domaine public fluvial à laquelle elle était partie ;

2°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement avant dire droit du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a retenu la responsabilité contractuelle de Voies Navigables de France et, pour le surplus, décidé une expertise portant sur l'existence et l'étendue des préjudices en réservant les droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas statué.

Par ordonnance du 30 avril 2021, M. A... a été désigné comme expert. Il a rendu son rapport le 22 octobre 2021.

La société Gor'Lyon a alors demandé au tribunal administratif :

1°) de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 1 715 000 euros, assortie des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner Voies Navigables de France à prendre en charge les dépens d'un montant de 19 188 euros ;

3°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 8 090 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II°) Par une requête n° 2005664, la société Gor'Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 353 100 euros en exécution du protocole transactionnel signé le 26 octobre 2017 ;

2°) de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 3 636 415 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1902266-2005664 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a joint ces demandes et a :

1°) condamné Voies Navigables de France à verser à la société Gor'Lyon une somme totale de 911 830,95 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2018, capitalisés au 19 octobre 2019 et à chaque échéance annuelle suivante ;

2°) mis à la charge de Voies Navigables de France les dépens, taxés et liquidés à hauteur de 19 188 euros ;

3°) mis à la charge de Voies Navigables de France une somme de 4 000 euros à verser à la société Gor'Lyon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 11 mai 2022, le 16 mars 2023 et le 21 avril 2023, la société Gor'Lyon, représentée par Me Soy, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mars 2022 en ce qu'il a limité à la somme de 911 830,95 euros l'indemnité mise à la charge de Voies Navigables de France ;

2°) de condamner Voies Navigables de France à lui verser la somme de 893 317 euros en réparation de la perte de bénéfices futurs et la somme de 3 596 342,53 euros au titre des autres préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de Voies Navigables de France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, la dénomination des pièces produites ayant, en tout état de cause, été depuis régularisée ;

- la perte de bénéfices futurs doit, conformément à l'expertise, être évaluée à 893 317 euros, sans que la subvention versée dans le cadre du contrat brasseur et l'indemnisation versée par Voies Navigables de France au titre de la suppression de places de stationnement ne puissent en être déduites ;

- aucun imprévu ne saurait justifier l'inapplication du protocole du 26 octobre 2017, au vu de l'ampleur des travaux à réaliser et de la nécessité, connue de Voies Navigables de France, de requérir l'avis de l'architecte des bâtiments de France ; une indemnisation de 349 800 euros doit lui être accordée en application de celui-ci ;

- en tout état de cause, s'agissant de la période du 2 mars 2018 au 20 janvier 2019, elle a subi, du fait de la faute contractuelle de Voies Navigables de France, une perte de bénéfice mensuels de 10 028,25 euros, qui doit être indemnisée à hauteur de 105 296,62 euros pour la totalité de la période ;

- la décision du 13 novembre 2018 portant résiliation de la convention d'occupation domaniale était illégale, à défaut de motif d'intérêt général la justifiant ;

- subsidiairement, la responsabilité de Voies Navigables de France est engagée compte tenu des fautes commises dans l'exécution de la convention d'occupation domaniale et pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage, objet de la convention d'occupation domaniale, Voies Navigables de France étant seules responsables de l'entretien de l'estacade ;

- en conséquence, elle est en droit d'obtenir l'indemnisation des divers préjudices subis, constitués de dépenses supportées inutilement, de frais de transfert de son activité et d'un préjudice moral pour un montant total de 3 246 542,53 euros.

Par deux mémoires enregistrés le 12 septembre 2022 et le 10 mai 2023, Voies Navigables de France, représentées par Me Karpenschif (SELAS Fiducial Legal by Lamy), demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mars 2022 en ce qu'il les a condamnées à verser la somme de 911 830,95 euros à la société Gor'Lyon, ainsi que la somme de 19 188 euros au titre des dépens et celle de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de la société Gor'Lyon la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles exposent que :

- la requête d'appel est irrecevable en application des articles R. 412-2 et R. 414-5 du code de justice administrative, trois des pièces figurant dans l'inventaire ne comportant pas de numérotation ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- une somme de 200 000 euros doit être déduite des bénéfices futurs, au titre de l'indemnisation versée en compensation du préjudice commercial causé par la suppression des places de stationnement, sans pouvoir être limitée à 177 828 euros comme l'ont fait les premiers juges ;

- l'indemnisation accordée au titre des immobilisations non amorties de la société doit être limitée à 167 254 euros, les droits réels attachés à la convention d'occupation domaniale ne pouvant être transférés ;

- aucune application du protocole transactionnel ne saurait être faite au titre de la période du 2 mars 2018 au 9 juillet 2018, l'imprécision de la demande de la société Gor'Lyon démontrant son caractère infondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2023, par ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des transports ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Soy, pour la société Gor'Lyon, et de Me Karpenschif, pour Voies Navigables de France ;

Une note en délibéré a été produite le 26 janvier 2024 pour Voies Navigables de France et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par convention constitutive de droits réels du 5 septembre 1997, Voies Navigables de France ont mis à disposition de la société Secret SA un immeuble situé 12 quai du maréchal Joffre dans le deuxième arrondissement de Lyon. Par avenants successifs, cette convention a été prolongée jusqu'en 2029 et cédée à la SARL Gor'Lyon, qui y exploitait un complexe bar-restaurant. Toutefois, par arrêtés du 28 avril 2017, le maire de Lyon a interdit l'accès au site, en raison de graves désordres affectant l'estacade sur laquelle est implanté cet immeuble et a ordonné, pour des raisons de sécurité, la fermeture de l'établissement jusqu'à sa sécurisation. Le 26 octobre 2017, Voies Navigables de France et la société Gor'Lyon ont conclu un protocole transactionnel afin de régler les conséquences de l'impossibilité dans laquelle cette dernière s'est trouvée d'exploiter son établissement du 28 avril 2017 au 1er mars 2018, Voies Navigables de France s'engageant notamment à réaliser des travaux nécessaires à la levée de l'arrêté de péril, au plus tard au 1er mars 2018. Ces travaux n'ayant pu être réalisés, le conseil d'administration de Voies Navigables de France a décidé de résilier la convention d'occupation domaniale par une délibération du 9 octobre 2018. Par un premier courrier du 17 octobre 2018, la société Gor'Lyon a demandé l'indemnisation de son manque à gagner et de ses investissements non amortis. Par un second courrier du 24 décembre 2019, la société Gor'Lyon a contesté cette résiliation, en demandant l'application du protocole transactionnel du 26 octobre 2017, et sollicité l'indemnisation des préjudices causés par les fautes de Voies Navigables de France. Ses demandes étant restées sans réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon de deux requêtes aux mêmes fins. Après un jugement avant-dire droit du 11 juin 2020 ordonnant la réalisation d'une expertise évaluant les préjudices causés par la résiliation de la convention pour motif d'intérêt général, le tribunal administratif de Lyon a joint ces deux demandes, a condamné Voies Navigables de France à verser à la société Gor'Lyon une somme totale de 911 830,95 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2018, capitalisés au 19 octobre 2019 et à chaque échéance annuelle suivante, a mis en outre à sa charge les dépens et une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties, par un jugement du 10 mars 2022 dont la société Gor'Lyon demande la réformation. Par la voie de l'appel incident, Voies Navigables de France demandent à être déchargées de toute condamnation.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Voies Navigables de France :

2. D'une part, la société Gor'Lyon a joint à sa requête d'appel le jugement attaqué, conformément aux dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative. La circonstance, au demeurant régularisée depuis, que cette pièce n'ait pas été numérotée selon les exigences de l'article R. 414-5 du code de justice administrative n'est pas de nature à rendre cette requête irrecevable. D'autre part, et contrairement à ce que prétendent Voies Navigables de France, les pièces 3 et 4 ultérieurement produites par la société Gor'Lyon ont été intitulées et numérotées conformément aux inventaires qui les accompagnent. Par suite, la fin de non-recevoir opposée sur le fondement de ces dispositions par Voies Navigables de France doit être écartée.

Sur l'exécution du protocole d'accord :

3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite des arrêtés du maire de Lyon du 28 avril 2017 constatant la dangerosité du site, les parties se sont rapidement entendues sur un programme de travaux permettant, selon elles, de remédier aux désordres. Par un protocole d'accord transactionnel conclu le 26 octobre 2017, Voies Navigables de France se sont notamment engagées à réaliser des travaux nécessaires à la levée de l'arrêté de péril, au plus tard au 1er mars 2018, sous peine de versement d'une indemnité de 1 100 euros par jour de retard. L'article 2.3.3 de ce protocole prévoyait toutefois que cette indemnité ne serait pas due si " un évènement imprévu [remettait] en cause la solution de travaux " retenue et décrite en annexe. Il résulte de l'instruction que Voies Navigables de France se sont fondées sur l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur ce programme de travaux, et sur le coût induit par le respect de ses préconisations pour exclure l'indemnisation. D'une part, l'absence de production de cet avis dans la présente instance n'est pas de nature à remettre en cause son existence, qui a été portée à la connaissance de la société Gor'Lyon dès un courrier du 9 juillet 2018. D'autre part, il résulte de l'instruction que le programme de travaux annexé au protocole transactionnel avait été élaboré après intervention d'un bureau d'étude et en accord avec la société Gor'Lyon. Si la nécessité de consulter l'architecte des bâtiments de France, et l'hypothèse d'un avis défavorable de celui-ci, ne pouvaient être ignorées de Voies Navigables de France, en revanche, celles-ci ne pouvaient raisonnablement prévoir que cet avis, dont la portée n'est pas remise en cause par la société Gor'Lyon, ferait définitivement obstacle à ce programme de travaux. Cette circonstance constitue ainsi un évènement imprévu remettant en cause le programme de travaux initialement envisagé, au sens des stipulations du protocole. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la société Gor'Lyon n'est pas fondée à demander le versement de l'indemnité prévue par ce protocole lequel n'a, au demeurant, et contrairement à ce que prétendent Voies Navigables de France, pas perdu son objet du seul fait de la résiliation intervenue ultérieurement.

Sur les fautes invoquées par la société Gor'Lyon :

4. En premier lieu, par délibération du 9 octobre 2018, le conseil d'administration de Voies Navigables de France a décidé de résilier, avant son terme, la convention d'occupation domaniale dont bénéficiait la société Gor'Lyon. Il résulte de l'instruction que cette résiliation est intervenue à la suite d'arrêtés du maire de Lyon du 28 avril 2017 ordonnant la fermeture de l'établissement et interdisant l'accès à l'immeuble occupé, en raison de graves désordres affectant l'estacade sur laquelle il est implanté, et de l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, dont les préconisations impliquaient l'abandon du programme de travaux de mise en sécurité du site. La société Gor'Lyon ne conteste en appel ni la dangerosité du site, ni la nécessité et l'importance des travaux à entreprendre. Par suite, cette résiliation, intervenue compte tenu de l'impossibilité d'effectuer le programme de travaux indispensables, est, contrairement à ce que soutient la société Gor'Lyon, justifiée par un motif d'intérêt général. Aucune faute imputable à Voies Navigables de France ne résulte de l'adoption de cette décision.

5. En deuxième lieu, compte tenu des risques persistants pour la sécurité et des incidences imprévues, pour la remise en état du site, des préconisations émises par l'architecte des bâtiments de France, Voies Navigables de France ont pu, en leur qualité de gestionnaire, estimer que l'intérêt du domaine justifiait finalement la résiliation anticipée de la convention d'occupation domaniale, par une décision du 9 octobre 2018 dont la société Gor'Lyon ne démontre pas l'illégalité. Dans ces circonstances, et dès lors que les désordres affectant l'estacade n'ont été précisément connus qu'à la fin de l'année 2015, sans qu'une urgence particulière n'ait d'ailleurs à ce stade été identifiée, Voies Navigables de France n'ont commis ni retard, ni faute dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la société Gor'Lyon n'est pas fondée à rechercher leur responsabilité en raison d'une faute commise dans l'exécution de la convention d'occupation domaniale.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les dommages invoqués par la société Gor'Lyon, liée à Voies Navigables de France par une convention d'occupation domaniale, se rattachent à l'exécution de cette convention. Par suite, elle ne peut, à supposer qu'elle ait entendu s'en prévaloir, rechercher la responsabilité de son cocontractant sur le fondement d'un défaut d'entretien normal de cet ouvrage public.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Gor'Lyon n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre de préjudices constitués de dépenses supportées inutilement, de frais de transfert de son activité et d'un préjudice moral, en invoquant ces différentes fautes de Voies Navigables de France.

Sur la résiliation pour motif d'intérêt général :

8. Si l'autorité domaniale peut mettre fin avant son terme à un contrat portant autorisation d'occupation du domaine public pour un motif d'intérêt général et en l'absence de toute faute de son cocontractant, ce dernier est toutefois en droit d'obtenir réparation du préjudice résultant de cette résiliation unilatérale dès lors qu'aucune stipulation contractuelle n'y fait obstacle. L'occupant est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation de la convention d'occupation domaniale avant son terme, telle que la perte des bénéfices découlant d'une occupation du domaine conforme aux prescriptions de la convention et des dépenses exposées pour l'occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation.

9. S'agissant de l'indemnisation accordée au titre de la perte de bénéfices futurs, il résulte, en premier lieu, du contrat fourni que la " subvention d'exploitation " versée par le distributeur Murgier constitue une rémunération de l'engagement d'exclusivité de la société Gor'Lyon envers ce fournisseur. Ce contrat, conclu le 15 octobre 2013 pour une durée de deux ans, a pris fin le 15 octobre 2015, sans qu'il ne résulte de l'instruction que la société Gor'Lyon ait alors conclu un nouveau contrat comparable. Par suite, à supposer même que la conclusion d'un tel contrat constitue une pratique courante dans ce secteur d'activité, il n'était pas indispensable à la poursuite de l'activité de la société Gor'Lyon, laquelle n'a plus perçu de telle rémunération à compter de 2015. Par ailleurs, ce contrat ne subordonne pas le versement de cette rémunération à un engagement d'achat de produits assortis d'une hausse tarifaire. La société Gor'Lyon ne démontrant pas davantage l'incidence de la suppression de cette rémunération sur les volumes achetés ou sur les prix pratiqués, il n'y a pas lieu de retraiter l'évaluation de ses charges liées à l'achat de boissons. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, une telle rémunération n'avait pas à être intégrée dans l'évaluation de ses bénéfices futurs.

10. En deuxième lieu, les premiers juges ont, au point 19 de leur jugement, exclu de l'indemnisation accordée à la société Gor'Lyon au titre d'une perte de bénéfices la somme de 177 828 euros, en relevant que la société avait déjà bénéficié, en 2017, d'une indemnisation en contrepartie de sa renonciation à la jouissance de places de stationnement. Il résulte de l'instruction, plus précisément de l'avenant n°4 signé le 14 septembre 2017, qu'ayant accepté de réduire le périmètre de la convention d'occupation domaniale, en renonçant à des emplacements de stationnement, la société Gor'Lyon a bénéficié, outre d'une réduction de sa redevance, d'une indemnisation de 200 000 euros et que cette indemnisation lui a été consentie en réparation du préjudice commercial engendré par la suppression de ces emplacements. Par ailleurs, la société Gor'Lyon ne conteste pas qu'aucune cession de ses actifs immatériels, au nombre desquels figuraient les droits réels précédemment attachés à la convention d'occupation domaniale, n'est intervenue en 2017. Ainsi, elle ne peut soutenir que cette indemnisation aurait eu pour objet de compenser une réduction de ses droits réels. Enfin, ses bénéfices futurs perdus ont été évalués par l'expert à partir de résultats constatés alors que l'établissement disposait de ces emplacements de stationnement. Le coefficient d'actualisation appliqué par l'expert, qui a seulement eu pour objet d'intégrer les diverses incertitudes affectant nécessairement une telle évaluation sur une longue période d'activité compte tenu des aléas futurs susceptibles de survenir, ne peut être regardé comme ayant déjà intégré dans cette évaluation la baisse d'activité spécifiquement liée à la suppression, déjà intervenue, de ces emplacements, que les parties ont considéré comme acquise lors de la signature de l'avenant. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, cette indemnisation devait être déduite des bénéfices futurs de la société Gor'Lyon, à proportion de la durée de la convention restant à courir et sans qu'il n'y ait dès lors lieu de la retenir dans sa totalité pour un montant de 200 000 euros, comme le demandent Voies Navigables de France.

11. S'agissant, en troisième lieu, de l'indemnisation accordée au titre des investissements non amortis, le caractère non-transférable des droits réels attachés à la convention d'occupation domaniale, inscrits à l'actif du bilan de la société Gor'Lyon comme immobilisation incorporelle, ne saurait, contrairement à ce que prétendent Voies Navigables de France, faire obstacle à l'indemnisation de la part non amortie de cette immobilisation, dont la perte est directement liée à la résiliation anticipée de cette convention. Voies Navigables de France ne sont, par suite, pas fondées à demander une réduction de l'indemnité accordée à ce titre par les premiers juges.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gor'Lyon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 911 830,95 euros l'indemnité mise à la charge de Voies Navigables de France. Les conclusions présentées par ces dernières par la voie de l'appel incident doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Gor'Lyon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Voies Navigables de France par la voie de l'appel incident et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gor'Lyon et à Voies Navigables de France.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, où siégeaient :

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Christine Psilakis, première conseillère,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLa présidente,

A. Evrard

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01421
Date de la décision : 19/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-03 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation. - Utilisations privatives du domaine. - Droits à indemnisation de l'occupant.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-19;22ly01421 ?
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