Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Ultimae a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la convention d'occupation domaniale conclue avec l'établissement public Voies navigables de France (VNF) le 22 décembre 2016 et de condamner VNF à lui verser les sommes de 51 851,67 euros HT et 193 687,21 euros TTC, accompagnées des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice matériel et de la perte de marge nette que l'établissement public lui a causé en mettant à sa disposition un local non exploitable.
Par un jugement avant-dire droit n°1802941 du 11 juin 2020, le tribunal a rejeté les conclusions de la société Ultimae contestant la validité de la convention d'occupation du domaine public, a condamné VNF, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à indemniser la société Ultimae des préjudices subis et a ordonné une mesure d'instruction en vue de déterminer l'existence et l'étendue des préjudices subis par la société Ultimae du fait de l'impossibilité d'exploiter les locaux, liés, d'une part, aux dépenses exposées pour l'aménagement du local, d'autre part, à la perte d'exploitation et, enfin, à tous les autres coûts éventuellement exposés par la société en lien avec l'inexécution de ses obligations par son cocontractant.
Par jugement n° 1802941 du 3 mars 2022, le tribunal a condamné VNF à verser à la société Ultimae les sommes de 18 631,00 euros au titre des travaux d'aménagement non amortis, des frais de déménagement (18 430,00 euros) et des autres frais (201,00 euros), de 40 573,69 euros en réparation de la perte de marge nette et 7 350 euros au titre des autres charges indemnisables, soit au total la somme de 66 554,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts et a mis à la charge de VNF les dépens de l'instance à hauteur de 9 456 euros.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mai 2022 et le 23 août 2022, ce dernier non communiqué, VNF, représenté par Me Karpenschif, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de la condamnation aux sommes de 18 430,00 euros au titre des dépenses de mobilier et de matériel, 201,00 euros au titre des autres frais, 20 607,00 euros au titre de la perte d'exploitation et 7 350,00 euros au titre des autres charges indemnisables ;
3°) de mettre les dépens à la charge de la société Ultimae à hauteur de 50 % de leur montant ;
4°) de mettre à la charge de la société Ultimae la somme de 4000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;
- la société Ultimae n'établit pas que les sommes qui lui ont été facturées par la société Ada Location pour des montants de 32,50 euros et 98,33 euros, et par la déchetterie du Grand Lyon pour un montant de 22,50 euros, ont été effectivement engagées et sont en lien avec la faute retenue ;
- elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'une table basse ou d'une chaise longue, de la vaisselle, des tablettes ou encore du plan de travail dès lors que ce mobilier est réutilisable ;
- les honoraires versés à la société Omnium pour la recherche du local ne sauraient être pris en compte dès lors que la société a pu utiliser les locaux ;
- les frais de main d'œuvre, comme les frais Ada Location et les honoraires Omnium, font double emploi avec le préjudice de perte d'exploitation ;
- la somme de 201,00 euros correspondant à la facture de la société Hermes Pro Securité SARL, laquelle est relative à une prestation de mise à disposition en urgence d'un agent de sécurité le 21 août 2018 de 23h00 à 7h00, date à laquelle la société n'avait plus accès au local depuis plus d'un an, ne saurait être prise en compte ; il n'y a pas de lien entre la faute retenue et ce préjudice ;
- le 8 novembre 2019, date à laquelle elle a présenté sa demande portant sur l'indemnisation des frais de déménagement à hauteur de 18 965,05 euros, le délai de recours contentieux était expiré, de sorte que ces conclusions nouvelles en première instance sont irrecevables ; c'est à tort que le tribunal a retenu ce préjudice sans examiner la recevabilité de la demande sur ce point ;
- s'agissant du calcul de la perte de marge nette, la période indemnisée n'a commencé à courir que le 1er juin 2017, date de commencement réel de la nouvelle activité ; les charges afférentes aux frais de personnel, compte tenu du développement des missions de base et de l'organisation de soirées festives, devraient être fixées à 15 000 euros ;
- le préjudice correspondant aux autres charges indemnisables, d'un montant de 7 350 euros, a été pris en compte par erreur à deux reprises ;
- conformément aux résultats obtenus par l'expert, le chiffre d'affaires s'élève à la somme
de 183 770,00 euros sur la période du juin 2017 à décembre 2018, à laquelle il convient de soustraire les achats consommés soit 37 288,00 euros, les achats et charges externes soit 43 235,00 euros, le montant des impôts et taxes soit 1 240,00 euros, des frais de personnel soit 69 900,00 euros, et les dotations aux amortissements soit 16 000,00 euros, si bien que le résultat d'exploitation se limite à 20 607,00 euros ;
- compte tenu des circonstances particulières de l'affaire, et, notamment, du caractère manifestement surévalué de la demande de la société, les dépens doivent être partagés entre les parties.
Par mémoire enregistré le 12 juillet 2022, la société Ultimae, représentée par Me Gras, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes ;
2°) de condamner VNF à lui verser les sommes de 21 591,91 euros et 18 965,05 euros en réparation des préjudices matériels subis, respectivement, en 2017 et 2018, et 193 687,21 euros en réparation de la perte de marge nette, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de leur capitalisation ;
3°) de mettre les dépens à la charge de VNF à hauteur de 7 880 euros ;
4°) de mettre à la charge de VNF la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a exposé des dépenses d'aménagement, des frais de déménagement, de déchetterie, de main d'œuvre, d'installation téléphonique, de commercialisation non amortis, de gardiennage et des frais à raison des démarches pour modifier ses statuts et son siège social à hauteur d'un montant total de 38 886,62 euros en 2017 et 18 965,05 euros en 2018 ;
- l'ensemble de ces frais est justifié ; les frais de déménagement s'expliquent par le projet de la société de s'installer dans les locaux ; seuls 17% de l'installation téléphonique a pu être récupérée dans son nouveau local, si bien que son préjudice à ce titre doit être évalué à 83 % du montant engagé ; les frais de main d'œuvre interne doivent être retenus même s'ils correspondent au temps passé pour les travaux effectués par les salariés de la société ;
- dès lors qu'elle a adressé à VNF, le 8 novembre 2019, une demande préalable tendant au remboursement de ses frais de déménagement, ses conclusions tendant à l'indemnisation de tels frais sont recevables, le poste de préjudice étant apparu en cours d'instance et procédant du même fait générateur que celui présenté dans la requête ;
- la période indemnisable débute au mois de mai 2017 ;
- la perte de marge nette de mai 2017 à avril 2018 s'élève à 193 687,21 euros ;
- la perte de chiffre d'affaires à raison des évènements spéciaux s'élève à 54 000 euros ;
- les frais de personnels liés aux évènements spéciaux se limitent à 2 389,46 euros ;
- les dotations aux amortissements doivent être exclues dès lors qu'elle les avait déjà été déduites ;
- elle a supporté d'autres charges indemnisables, correspondant aux dépenses énergétiques et d'assurance, à la location d'une machine à café, aux dépenses de surveillance, à la location d'un TPE, aux frais bancaires, postaux et de télécom, aux frais de déplacement et aux impôts locaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me Karpenschif pour VNF, et celles de Me Garnier pour la société Ultimae.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention d'occupation du domaine public fluvial signée le 22 décembre 2016, l'établissement public Voies navigables de France (VNF) a autorisé la société Ultimae, qui a pour objet la production et l'édition musicale, la distribution et la diffusion de tous médias ainsi que l'achat-revente de tous produits culturels, de décoration et d'habillement et le débit de boisson, à occuper, jusqu'au 31 décembre 2018, un immeuble bâti situé 11 quai Maréchal Joffre à Lyon pour y exploiter des bureaux ainsi qu'un concept store assurant la vente de produits musicaux, l'organisation occasionnelle d'évènements et la vente de boissons non alcoolisées. Par un arrêté du 28 avril 2017, le maire de Lyon a, compte tenu du danger présenté pour les occupants, interdit l'accès à l'estacade supportant ce bâtiment, ainsi que toute activité dans ce dernier (activités commerciales ou de café/bar). La société Ultimae a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la convention d'occupation domaniale et de condamner VNF, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui verser les sommes de 51 851,67 euros HT et 193 687,21 euros TTC, accompagnées des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice matériel et de la perte de marge nette que l'établissement public lui a causé en ne mettant pas à sa disposition un local exploitable. Par un jugement avant-dire droit n°1802941 du 11 juin 2020, le tribunal a rejeté les conclusions de la société Ultimae contestant la validité de la convention d'occupation du domaine public, a condamné VNF, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à indemniser la société Ultimae des préjudices subis et a demandé une expertise en vue de déterminer l'existence et l'étendue des préjudices subis par la société Ultimae du fait de l'impossibilité d'exploiter les locaux, liés, d'une part, aux dépenses exposées pour l'aménagement du local, d'autre part, à la perte d'exploitation et, enfin, à tous les autres coûts éventuellement exposés par la société en lien avec l'inexécution de ses obligations par son cocontractant. L'expert désigné par le tribunal a remis son rapport le 27 avril 2021. Par jugement n° 1802941 du 3 mars 2022, le tribunal a condamné VNF à verser à la société Ultimae les sommes de 18 631,00 euros au titre des travaux d'aménagement non amortis, de 40 573,69 euros en réparation de la perte de marge nette et de 7 350 euros au titre des autres charges indemnisables, soit au total la somme de 66 554,69 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts et a mis à la charge de VNF les dépens de l'instance à hauteur de 9 456 euros.
2. VNF demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande. La société Ultimae conclut au rejet de cette requête et demande, par la voie de l'appel incident, la condamnation de VNF à lui verser les sommes de 21 591,91 euros HT et 18 965,05 HT euros en réparation des préjudices matériels subis, respectivement, en 2017 et 2018, et 193 687,21 euros en réparation de la perte de marge nette, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de leur capitalisation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Contrairement à ce que soutient VNF, le jugement attaqué, qui énonce le montant de chacun des postes de préjudice retenus et les motifs pour lesquels il fait droit à la demande, est suffisamment motivé.
Sur l'appel de VNF :
En ce qui concerne la faute :
4. La convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial conclue entre VNF et la société Ultimae pour la période courant du 22 décembre 2016 au 31 décembre 2018 prévoyait, à ses articles 1er et 2, la mise à disposition de l'occupant d'un immeuble bâti comportant un espace commercial et un espace à usage de bureau et de stockage, aux fins d'y exercer une activité de concept store, de production musicale, d'organisation occasionnelle d'évènements et de débit de boissons non alcoolisées. VNF ne conteste pas que, pour des raisons de sécurité, les locaux objets de la convention n'ont pu effectivement être mis à disposition de la société Ultimae à compter du 28 avril 2017, date de l'arrêté du maire de Lyon en interdisant l'accès et qu'ainsi, il a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle, ouvrant droit à la société à la réparation du préjudice direct et certain résultant du manquement par l'établissement public à ses obligations contractuelles.
En ce qui concerne l'indemnisation des dépenses exposées par la société Ultimae :
5. Le tribunal a jugé que les dépenses exposées en vain par la société Ultimae pour aménager les locaux en vue de leur exploitation commerciale s'élevaient à 18 631 euros, conformément à ce qu'a estimé l'expert.
6. En premier lieu, VNF soutient que les frais de location d'un véhicule, pour des sommes de 32,50 euros HT et 98,33 euros HT, et de dépôt de déchets en déchetterie pour la somme de 22,50 euros HT ne sont pas justifiées. Toutefois, la société Ultimae a justifié suffisamment la réalité des frais de déménagement et d'élimination des déchets en cause et leur lien avec la faute commise par VNF en produisant les factures qui lui ont été adressées par la société Ada Location et l'avis de sommes à payer émis par la métropole de Lyon, datés, respectivement, des 9 janvier 2017, 21 avril 2017 et 19 janvier 2017, faisant état de dépenses qui sont liées à la réalisation des travaux d'aménagement des locaux qu'elle n'a pu exploiter, et exposées au cours de la période, de janvier à avril 2017, durant laquelle ces travaux ont été effectués. Par suite, VNF n'est pas fondé à soutenir que ces dépenses ne pouvaient donner lieu à indemnisation.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses, d'un montant total de 1 454,95 euros HT, engagées par la société Ultimae auprès des sociétés Ikea et La Redoute et correspondant à l'achat de biens mobiliers non adaptés spécifiquement aux locaux si bien qu'ils pouvaient être réutilisés par la société pour l'activité, de même nature, qu'elle a poursuivie dans de nouveaux locaux, tels que des chaises, tables et étagères, doivent, ainsi que le demande VNF, être exclues du préjudice indemnisable.
8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les honoraires, d'un montant de 3 285 euros, versés par la société Ultimae à la société Omnium pour la recherche, en 2016, d'un local commercial pour sa nouvelle activité ont été pour partie exposés en vain dès lors que la société n'a pu y exercer l'activité commerciale projetée. En revanche, la société a été autorisée à utiliser les bureaux durant l'ensemble de la période du 22 décembre 2016 au 31 décembre 2018. Dans de telles conditions, il y a lieu de considérer que la commission versée pour la recherche de locaux a été rendue utile pour la moitié de sa destination initiale. Par suite, VNF est fondé à soutenir que le préjudice de la société Ultimae doit être ramené à ce titre de 3 285 euros à 1 642,5 euros HT.
9. En quatrième lieu, les frais de location de véhicule auprès de la société Ada Location les honoraires de recherche d'un local facturés par la société Omnium et les honoraires d'avocat pour le transfert de siège social exposés lors du départ de la société des locaux au mois d'avril 2018, n'ont, contrairement à ce que soutient VNF, pas été retenus par le tribunal dans le préjudice indemnisable. Par suite, VNF n'est pas fondé à soutenir que la prise en compte de ces frais ferait double emploi avec l'indemnisation du manque à gagner subi.
10. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une tentative d'effraction, la société Ultimae a fait appel, le 21 août 2018, à un agent de sécurité afin de surveiller les locaux. Dès lors que cette effraction aurait pu se produire alors même que la société avait occupé les locaux, ces frais, qui lui incombaient en sa qualité de bénéficiaire de la convention d'occupation du domaine public, non résiliée, sont sans lien avec la faute commise par VNF. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la somme de 201 euros HT doit être exclue du préjudice indemnisable de la société Ultimae.
11. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que deux salariés de la société ont participé à l'exécution des travaux d'aménagement des locaux. Toutefois, et dès lors que les frais salariaux correspondant à l'emploi de ces deux salariés auraient été exposés par la société même si la convention d'occupation temporaire du domaine public n'avait pas été signée et que la société ne justifie pas d'un manque à gagner, distinct de celui examiné supra, que ces travaux lui auraient fait perdre, la dépense en cause ne saurait être regardée comme constitutive d'un préjudice. Par suite, VNF est fondé à soutenir que les frais de main d'œuvre des salariés de la société, d'un montant 5 233,33 euros HT, ne constituent pas une dépense indemnisable.
En ce qui concerne l'indemnisation du manque à gagner :
12. Il résulte de l'instruction que, pour calculer le manque à gagner subi par la société Ultimae compte tenu de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'exploiter l'activité commerciale qu'elle projetait dans les locaux en litige, l'expert, après avoir évalué le chiffre d'affaires susceptible d'être réalisé par la société à raison des activités de vente de CD, bar traditionnel, bar des évènements spéciaux, entrées de concerts privés et enregistrement ainsi que master class, en a déduit les charges susceptibles d'être exposées à raison de ces activités. Il a ainsi estimé que le manque à gagner de la société pour la période du 1er juin 2017 au 31 décembre 2018 à 20 607 euros. Le tribunal a estimé que la perte d'exploitation devait être fixée pour cette même période à 40 573, 69 euros.
13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Ultimae avait prévu d'organiser dans les locaux en litige des évènements spéciaux, au nombre de vingt-quatre, et d'y accueillir cinq journées du festival " Nuits sonores ". L'organisation de ces évènements impliquait la préparation des locaux, le maintien de la sécurité, l'accueil et le service de la clientèle, laquelle s'établit à cinquante clients devant commander chacun au moins cinq consommations pour parvenir au chiffre d'affaires escompté de 17 950 euros retenu par l'expert. Dans ces conditions, et dès lors que la société, qui employait initialement deux salariés en plus de la gérante, n'a recruté qu'un seul salarié affecté à l'ensemble de l'activité commerciale exercée dans les locaux en litige, l'organisation des évènements spéciaux et l'accueil du festival " Nuits sonores " rendait nécessaire le recrutement d'au moins un salarié supplémentaire en équivalent temps plein. Aucun élément du dossier ne permet de corroborer les affirmations de la société intimée selon lesquelles ces tâches auraient pu être assurées par des bénévoles ou par les artistes invités eux-mêmes. Par suite, VNF est fondé à soutenir que les charges liées à la gestion des évènements spéciaux, prises en compte pour le calcul du manque à gagner, doivent être portées de 2 389,46 euros à 15 000 euros.
14. En second lieu, il résulte de l'instruction que les autres charges indemnisables supportées par la société Ultimae et retenues par le tribunal doivent être prises en compte dans le calcul du manque à gagner subi par la société. Par suite, VNF est fondé à soutenir que ces charges de 7 350 euros doivent être déduites du manque à gagner de la société.
Sur les conclusions incidentes de la société Ultimae :
En ce qui concerne l'indemnisation des dépenses exposées :
15. En premier lieu, la société Ultimae, qui se borne à soutenir, sans aucune autre précision ni justificatif, qu'une partie du matériel a dû rester dans le local en litige, n'établit pas que le montant de son préjudice subi à raison des seuls frais d'installation, de raccordement et de formation téléphonique devait excéder la somme de 395 euros HT retenue par le tribunal.
16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société Ultimae, qui ne justifiait alors d'aucun projet de cessation de son activité et ne disposait d'aucun droit au renouvellement de la convention d'occupation du domaine public, dont le terme était fixé au 31 décembre 2018, aurait été amenée à exposer des frais de déménagement lors de la prise à bail de nouveaux locaux après ce terme, de même que des frais d'acquisition de meubles pour ces nouveaux locaux. La société ne démontre pas que ces frais, qu'elle aurait dû en tout état de cause exposer, auraient été alourdis par le caractère anticipé de son départ en avril 2018. Dès lors, de tels frais sont, de même que les frais de réparation du matériel informatique exposés à la suite d'intrusions dans les locaux en litige ainsi que les autres frais invoqués sans aucune précision par la société, dépourvus de lien avec la faute de VNF. Par suite, la société Ultimae n'est pas fondée à soutenir que ces frais devaient être inclus dans son préjudice indemnisable.
17. En dernier lieu, les frais d'avocat exposés pour modifier les statuts de la société, et, notamment, son objet social et son adresse, lesquels auraient dû être exposés quel qu'ait été le nouveau lieu d'implantation de l'activité de la société à l'expiration de la convention, sont, ainsi que l'a estimé le tribunal, sans lien avec la faute commise par VNF. Par suite, la société Ultimae n'est pas fondée à soutenir que ces frais devaient être inclus dans son préjudice indemnisable.
En ce qui concerne l'indemnisation du manque à gagner :
18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Ultimae n'a été informée que le 23 mai 2017 de la décision de la commune de Lyon de non-opposition à sa déclaration préalable de changement de destination de bureaux en local commercial des locaux en litige. Contrairement à ce que soutient la société, la circonstance que la convention d'occupation temporaire faisait déjà mention de la nature commerciale de l'activité susceptible d'être exercée dans les locaux ne la dispensait pas des démarches exigées par l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme en cas de changement de destination. Par suite, la société Ultimae, qui ne pouvait engager l'activité commerciale qu'elle envisageait dans les locaux en litige avant le 23 mai 2017, n'est pas fondée à soutenir que la période indemnisable au titre du manque à gagner devait débuter dès le 1er mai 2017.
19. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires susceptible d'être réalisé par la société Ultimae à raison de l'activité de bar lors des évènements spéciaux et des journées de festival " Nuits sonores " qu'elle comptait organiser dans ses nouveaux locaux a été estimé par l'expert, en tenant compte de vingt-quatre évènements se terminant à vingt-et-une heure, heure limite de fermeture, et cinq journées de festival, de la présence systématique de cinquante personnes, soit la capacité maximale d'accueil de l'établissement, et de cinq consommations non alcoolisées par personne, la société ne disposant pas d'une licence l'autorisant à vendre de l'alcool, à 17 950 euros pour la période du 1er juin 2017 au 31 décembre 2018. Le jugement attaqué s'est approprié cette évaluation. En se bornant à produire des attestations de fournisseurs et de clients faisant état de leur souhait de participer aux évènements spéciaux envisagés, la société n'établit pas que le chiffre d'affaires susceptible d'être réalisé lors de ces évènements devait être fixé à une somme supérieure à celle retenue par le tribunal.
20. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les dotations aux amortissements ont été évaluées à 8 000 euros par an par l'expert, lequel a tenu compte, notamment, de la faible durée prévisible d'exploitation des investissements, le terme de l'autorisation d'occupation du domaine public étant fixé au 31 décembre 2018 soit deux ans après l'entrée dans les lieux. Le jugement attaqué s'est approprié cette évaluation. La société Ultimae, qui ne conteste pas ce montant, soutient que ces dotations aux amortissements font doublon avec des dotations qu'elle a précédemment constatées. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de cette affirmation aucune précision permettant de considérer que le montant retenu par l'expert serait exagéré. Par suite, la société Ultimae n'est pas fondée à soutenir que les dotations aux amortissements annuelles de 8 000 euros ne devaient pas être déduites de son manque à gagner.
Sur les autres préjudices indemnisables :
21. Il résulte de l'instruction que le tribunal a condamné VNF à verser à la société Ultimae la somme de 7 350 euros à raison de charges, désignées par l'expert comme " autres charges indemnisables ", correspondant aux consommations électriques, aux frais d'assurance et à la location d'une machine à café, supportées à tort par la société dès lors que de telles dépenses excédaient celles qu'impliquait l'utilisation normale du local. En se bornant à indiquer qu'elle a en outre engagé des frais d'acquisition de matériels et mobiliers, souscrit un contrat de maintenance des locaux, supporté des frais bancaires et postaux ainsi que des frais de déplacement et des impôts locaux, sans aucune autre précision, la société requérante n'établit pas la réalité du préjudice supplémentaire qu'elle invoque. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les autres charges indemnisables devaient être portées à une somme supérieure à 7 350 euros.
22. Il résulte de tout ce qui précède que VNF est fondé, par la voie de l'appel principal, à demander ce que les dépenses supportées à tort par la société Ultimae soient ramenées à 10 099,22 euros [18 631 - (1 454,95+1 642,5+201+5 233,33)] et son manque à gagner à 20 607 euros, et que la société Ultimae n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que ces sommes soient portées, respectivement, à 40 556,96 euros et 193 687,21 euros. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les sommes de 10 099,22 euros et 20 607 euros porteront intérêts à compter du 27 décembre 2017, date de réception de la réclamation préalable, la société ayant droit à la capitalisation de ces intérêts, à la date du 27 décembre 2018 et à chaque échéance annuelle.
Sur les dépens :
23. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Lyon a mis à la charge de VNF les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 9 456 euros par ordonnance du 25 mai 2021. Il n'y a pas lieu pour la cour, dans les circonstances de l'espèce, de modifier la dévolution des dépens effectuée par les premiers juges.
Sur les frais de l'instance :
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme globale que VNF est condamné à verser à la société Ultimae est ramenée de 66 554, 69 euros à 38 056,22 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2017. La capitalisation est acquise à compter du 28 décembre 2018 et à chaque échéance annuelle suivante.
Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1802941 du tribunal administratif de Lyon du 3 mars 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er de l'arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Voies Navigables de France et à la société Ultimae.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Psilakis, première conseillère,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2024.
La présidente-rapporteure,
A. EvrardL'assesseure la plus ancienne,
Ch. Psilakis
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 22LY01310