La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°22LY03266

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 15 février 2024, 22LY03266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et l'a obligé à se présenter aux services de police durant le délai de départ.



Par un jugement n° 2205763 du 24 octobre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 19 juillet 2022 du préfet d

e l'Ardèche et lui a enjoint de restituer à M. B... le titre de séjour portant la mention " travaill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Ardèche a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et l'a obligé à se présenter aux services de police durant le délai de départ.

Par un jugement n° 2205763 du 24 octobre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 19 juillet 2022 du préfet de l'Ardèche et lui a enjoint de restituer à M. B... le titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ".

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022, le préfet de l'Ardèche demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le retrait du titre de séjour respecte le principe du contradictoire ; il est motivé ; il est justifié par la fraude commise par M. B... en ce qui concerne son état civil ; il ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur de fait ou de droit.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Zouine, conclut au rejet de la requête, à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Ardèche ne sont pas fondés et fait valoir qu'il y a non-lieu à statuer son titre de séjour, qui a été renouvelé postérieurement au jugement.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par une décision du 17 janvier 2024.

Par une ordonnance du 23 novembre 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lefevre, substituant Me Zouine, pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant libérien qui indique être né le 10 janvier 2002 à Monrovia (Libéria), est entré irrégulièrement en France le 6 février 2019 selon ses déclarations et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du fait de sa minorité, le 18 février 2019, par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas. M. B... a présenté une demande tendant à l'obtention d'un titre de séjour le 10 septembre 2019. Par un arrêté du 12 juin 2020, le préfet de l'Ardèche a rejeté cette demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, fixé un pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai et l'a astreint à se présenter une fois par mois au commissariat d'Aubenas. Par un jugement du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour. Ce dernier a alors délivré à l'intéressé un titre de séjour " salarié " valable du 10 février 2021 au 9 février 2022, suivi d'un titre de séjour " travailleurs temporaire ", valable du 10 février 2022 au 9 février 2023, accordé le 18 mars 2022. Le 7 avril 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal et confirmé la légalité de l'arrêté du 12 juin 2020. Par un arrêté du 19 juillet 2022 le préfet de l'Ardèche a retiré le second titre de séjour délivré le 18 mars 2022 à M. B..., obligé ce dernier à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, fixé le pays de destination et obligé l'intéressé à se présenter aux services de police durant le délai de départ. Le préfet de l'Ardèche relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

3. Aux termes de l'article L. 432-5 du même code : " Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. N'est pas regardé comme ayant cessé de remplir la condition d'activité prévue aux articles L. 421-1, L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-21 l'étranger involontairement privé d'emploi au sens de ces mêmes articles. ".

4. Aux termes de l'article L. 435-3 de ce code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

5. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2022 portant retrait du titre de séjour accordé le 18 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a estimé que ce titre ne procédait pas du jugement du 31 décembre 2020 mais résultait nécessairement d'une nouvelle appréciation de la situation de l'intéressé, alors qu'il avait plus de dix-neuf ans et qu'il ne pouvait par suite bénéficier des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Faute pour le titre de séjour du 18 mars 2022 de pouvoir être regardé comme ayant été pris en exécution du jugement du 31 décembre 2020, dont l'annulation est à cet égard restée sans effet, c'est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que le motif de retrait était illégal.

6. Si le préfet soutient que le retrait du titre de séjour est justifié par la fraude commise par M. B... sur son état civil, un tel motif est relatif à la détermination de la date de naissance de l'intéressé au regard des conditions à remplir pour bénéficier d'un titre de séjour fondé sur les dispositions de l'article L. 435-3 précité qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ne constitue pas le fondement sur lequel le titre de séjour du 18 mars 2022 a été délivré. Au surplus, l'intéressé a produit depuis lors un nouvel extrait d'acte de naissance, délivré par la section consulaire de l'ambassade du Liberia et daté du 28 janvier 2020, dont la force probante n'a pas jusqu'à ce jour été remise en cause. Par suite, le préfet de l'Ardèche ne pouvait procéder au retrait contesté sans commettre une erreur de droit. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ardèche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 12 juillet 2022 et lui a enjoint de restituer à M. B... le titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de son jugement.

8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'État, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros à verser à l'avocat de M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, au titre des frais que celui-ci aurait exposés s'il n'avait bénéficié de cette aide.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Ardèche est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Zouine une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03266

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03266
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22ly03266 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award