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15/02/2024 | FRANCE | N°22LY00264

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 février 2024, 22LY00264


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le maire de Lyon a refusé le déclassement de ses locaux situés 2 rue Antoine Charial, classés en cinquième catégorie des établissements recevant du public, en locaux régis par le seul code du travail, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.




Par jugement n° 2006838 du 24 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.







Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le maire de Lyon a refusé le déclassement de ses locaux situés 2 rue Antoine Charial, classés en cinquième catégorie des établissements recevant du public, en locaux régis par le seul code du travail, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par jugement n° 2006838 du 24 novembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2022 et le 27 novembre 2023, le CEREMA, représenté par Me Cano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'enjoindre à la commune de Lyon de déclasser les locaux et de leur retirer le statut d'établissement recevant du public ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lyon la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne permet pas de s'assurer que la composition de la formation de jugement était la même au cours de l'audience et lors du délibéré et que la minute a été signée, qu'il ne vise pas ni n'analyse les moyens et qu'il est insuffisamment motivé ;

- la décision du maire de Lyon est insuffisamment motivée ;

- la présence ponctuelle de personnes tierces ne permet pas d'estimer qu'un public au sens de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation serait accueilli dans ces locaux ; il n'était en conséquence pas soumis au régime des établissements recevant du public ;

- le maire s'est estimé à tort lié par l'avis de la commission de sécurité et d'accessibilité ;

- en cas d'annulation du jugement, il renvoie aux moyens soulevés en premier instance.

Par des mémoires enregistrés le 25 juillet 2022 et le 6 décembre 2023, ce dernier non communiqué, la commune de Lyon, représentée par Me Conti, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement en tant qu'il a jugé la demande du CEREMA recevable ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter de la requête ;

3°) de mettre à la charge du CEREMA la somme de 1800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est irrecevable pour tardiveté ;

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- la décision est suffisamment motivée ;

- l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation impose le classement des locaux en établissement recevant du public ; les personnes invitées même ponctuellement constituent du public ;

- le maire ne s'est pas estimé à tort lié par l'avis de la commission de sécurité et d'accessibilité.

Par courrier du 22 décembre 2023 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions présentées par la commune de Lyon contre le jugement qui ne lui fait pas grief.

La commune de Lyon a répondu par des mémoires, enregistrés le 26 décembre 2023 et le 27 décembre 2023.

Elle indique qu'elle demande uniquement le rejet de la requête et de la demande et qu'elle renonce à ses conclusions tendant à l'annulation partielle du jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me d'Ovidio pour le CEREMA et de Me Conti pour la commune de Lyon.

1. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) est affectataire de locaux situés dans un bâtiment de cinq niveaux appartenant à l'Etat sis 2 rue Antoine Charial à Lyon, soumis au régime des établissements recevant du public de 5ème catégorie. Dans le cadre de travaux effectués au sein de ce bâtiment, le CEREMA a sollicité, le 4 octobre 2019, le déclassement de ces locaux de la qualification d'établissement recevant du public. Après avoir recueilli l'avis de la commission communale de sécurité et d'accessibilité, le maire de Lyon a rejeté la demande par une décision du 11 décembre 2019. Le CEREMA relève appel du jugement du 24 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à celle de la décision rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du code de justice administrative : " Les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus. " Et aux termes de l'article R. 741-2 de ce code : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. "

3. Il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que le jugement a été délibéré " à l'issue de l'audience du 10 novembre 2021 à laquelle siégeaient M. Chenevey, président, M. Arnould, premier conseiller, et M. Gueguen, conseiller. ". Le requérant ne produit aucun élément de nature à établir que la composition de la formation de jugement lors de l'audience publique, telle que mentionnée par le jugement, aurait été différente de celle qui a délibéré.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le CEREMA, le jugement attaqué a été signé, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, par le président de formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

7. Contrairement à ce qu'affirme le CEREMA, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont indiqué dans les visas les moyens invoqués contre la décision en litige.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugement sont motivés ". Le CEREMA soutient que le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que le maire de Lyon s'était estimé lié par l'avis émis par la commission communale de sécurité et d'accessibilité. Pour écarter ce moyen, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé, au point 5 de son jugement, sur la circonstance que les termes de la décision du 11 décembre 2019 ne révélaient pas une telle erreur de droit. Ce faisant, les premiers juges ont, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment répondu au moyen qu'il avait soulevé.

9. Il résulte de ce qui précède que le CEREMA n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 11 décembre 2019 :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

11. La décision en litige vise, d'une part, la demande de déclassement des locaux utilisés par le CEREMA, et, d'autre part, l'avis défavorable émis sur cette demande par la commission communale de sécurité et d'accessibilité le 21 novembre 2019, en indiquant que " les observations énoncées dans le rapport ci-joint doivent être prises en compte ". Ce faisant, le maire de Lyon a motivé sa décision par référence à l'avis de la commission communale de sécurité et d'accessibilité, lequel, sans que cela ne soit contesté, était joint à la décision, et s'en est approprié les termes. Par ailleurs, l'avis de la commission rappelle l'adresse des locaux en litige ainsi que la catégorie des établissements recevant du public dans laquelle ils sont classés, vise le rapport du service des établissements recevant du public du 19 novembre 2019, détaille le nombre de personnes appelées à fréquenter les locaux selon qu'elles font partie du public ou du personnel et indique que l'ensemble de ces participants doit être considéré comme du public au sens de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Par suite, cet avis est suffisamment motivé. Il s'ensuit que la décision en litige, qui est motivée par référence à cet avis, et dont l'auteur s'est approprié les motifs, est elle-même suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

12. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige, par laquelle le maire de Lyon indique expressément que : " je n'autorise pas ce reclassement ", que l'auteur de cette décision ne s'est pas estimé lié par l'avis de la commission communale de sécurité et d'accessibilité dont il s'est uniquement approprié les motifs. Par suite, le CEREMA n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant sa demande, le maire de Lyon aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

13. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation alors applicable : " Pour l'application du présent chapitre, constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. / Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l'établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ".

14. D'autre part, aux termes de l'article R. 123-19 du code précité, dans sa version alors applicable : " Les établissements sont, en outre, quel que soit leur type, classés en catégories, d'après l'effectif du public et du personnel. L'effectif du public est déterminé, suivant le cas, d'après le nombre de places assises, la surface réservée au public, la déclaration contrôlée du chef de l'établissement ou d'après l'ensemble de ces indications./Les règles de calcul à appliquer sont précisées, suivant la nature de chaque établissement, par le règlement de sécurité./Pour l'application des règles de sécurité, il y a lieu de majorer l'effectif du public de celui du personnel n'occupant pas des locaux indépendants qui posséderaient leurs propres dégagements./Les catégories sont les suivantes : /(...)/ 5e catégorie : établissements faisant l'objet de l'article R. 123-14 dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre minimum fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'exploitation. ". L'article PE 2 de l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public fixe, pour les établissements de 5ème catégorie ayant la nature d'administration, banques, bureaux et celle de salles de réunion, le seuil à deux cent personnes au total.

15. Le CEREMA fait valoir que les représentants d'entreprises et d'associations ainsi que les élus locaux appelés à fréquenter ses locaux doivent être exclus du décompte du public, pour l'application du régime des établissements recevant du public, dès lors que ces personnes ne peuvent accéder aux salles de réunion qu'en compagnie de membres du personnel du CEREMA et que les réunions auxquelles elles participent ne présentent qu'un caractère ponctuel. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation alors applicable que toute personne ne faisant pas partie du personnel doit être regardée comme faisant partie du public pour l'application de ces dispositions. Il ressort des pièces du dossier que les locaux sis 2 rue Antoine Charial à Lyon, consistant en des bureaux et des salles de réunion, sont, selon les indications du tableau joint par le CEREMA à sa demande de déclassement, susceptibles de recevoir un effectif maximal de 191 personnes extérieures à l'établissement, outre les 173 membres du personnel. Dans ces conditions, ces locaux relèvent du régime des établissements recevant du public de type W de 5ème catégorie. Par suite, le maire de Lyon, en rejetant la demande de déclassement du régime des établissements relevant du public du CEREMA, n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 123-2 du code de la construction et de l'habitation.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CEREMA demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CEREMA une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Lyon et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CEREMA est rejetée.

Article 2 : Le CEREMA versera à la commune de Lyon la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et à la commune de Lyon.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Psilakis, première conseillère,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La présidente-rapporteure,

A. EvrardL'assesseure la plus ancienne,

Ch. Psilakis

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00264
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-003 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22ly00264 ?
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