Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SASU Unither Industries a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
- de prononcer, à titre principal, la restitution de la somme de 817 200 euros, mise à sa charge par un titre de perception émis le 6 octobre 2017, pour le remboursement d'aide d'Etat et de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) se soit prononcée sur l'interprétation de l'article 17 du règlement (UE) n°2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 ;
- à titre subsidiaire, de condamner l'Etat au paiement d'une indemnité égale à 273 593 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution tardive, par la France, de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 portant sur la récupération d'aides d'Etat ;
- de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un jugement n° 1801205 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 juillet 2021, le 2 février 2022, le 3 mars 2022, le 3 février 2023, le 2 mars 2023, le 15 mars 2023 et un mémoire récapitulatif, enregistré le 11 avril 2023, la SASU Unither Industries, représentée par Me Stéphane Austry, avocat demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner la restitution de la somme de 817 200 euros mise à sa charge par le titre de perception du 6 octobre 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat au paiement d'une indemnité égale à 273 593 euros en réparation du préjudice subi, en raison de la faute commise par ses services du fait de l'exécution tardive, par la France, de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 portant sur la récupération d'aides d'Etat ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SASU Unither Industries soutient que :
- le titre de perception méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la créance de l'Etat était prescrite à la date de l'émission du titre de perception ;
- en cas de difficulté sérieuse, la Cour devra surseoir à statuer afin de saisir la CJUE d'une question préjudicielle en interprétation de l'article 17 du règlement (UE) n° 2015/1589 du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
- le titre de perception méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- il méconnaît le principe d'espérance légitime et l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la créance est mal fondée dès lors que c'est à tort que, par la décision du 16 décembre 2003, la Commission a qualifié l'exonération prévue par l'article 44 septies du code général des impôts d'aide d'Etat ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999 dans l'identification des bénéficiaires de l'aide ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ramène l'avantage de l'exonération à l'intégralité du montant de l'impôt, qui aurait été dû en l'absence d'exonération ;
- la Cour devra surseoir à statuer afin de saisir la CJUE d'une question préjudicielle en appréciation de la validité de la décision du 16 décembre 2003 et de la décision du 29 septembre 2011 ;
- la société ne peut être tenue à restitution dès lors qu'elle n'a pas conservé le bénéfice de l'avantage fiscal, à la suite de la reprise de la société Creapharm Gannat ;
- elle est fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi, à hauteur du montant de la créance, en raison de l'application tardive de la décision du 16 décembre 2003, postérieurement à sa reprise de la même société ;
- à titre subsidiaire, elle a subi un préjudice, à hauteur des intérêts mis à sa charge, en raison, de l'application tardive de la même décision.
Par des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2021, le 16 février 2022, le 21 février 2023, le 9 mars 2023 et le 23 mars 2023, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, le 8 décembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dirigé contre un titre exécutoire pris pour la récupération d'aides d'Etat illégales, soulevé pour la première fois en appel, repose sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens de première instance et a, ainsi, le caractère d'une demande nouvelle, qui n'est pas recevable en appel.
Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a été enregistré le 12 décembre 2023, et a été communiqué.
Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, présenté par la SASU Unither Industries, a été enregistré le 14 décembre 2023, et a été communiqué.
Par ordonnance du 11 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2023.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Merchadier, représentant la SASU Unither Industries ;
Une note en délibéré, présentée pour la SASU Unither Industries, a été enregistrée, le 11 janvier 2024 ;
Considérant ce qui suit :
1. La société E-Pharma, devenue Creapharm Gannat, a bénéficié, au titre des années 1999 et 2000, des exonérations d'impôt sur les sociétés instituées par l'article 44 septies du code général des impôts. Par une décision n° 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne a déclaré que les exonérations prévues par ces dispositions, autres que celles qui remplissent les conditions d'octroi des aides de minimis, des aides à finalité régionale et des aides en faveur des petites et moyennes entreprises, constituaient des aides d'Etat illégales à défaut de la notification préalable exigée à l'article 88, paragraphe 3, du Traité instituant la Communauté économique européenne et en a ordonné la récupération sans délai. Par un arrêt n° C-214/07 du 13 novembre 2008, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que la France avait manqué aux obligations de récupération des aides lui incombant en vertu de la décision de la Commission. Pour obtenir la restitution de l'aide accordée à la société E-Pharma, l'administration a émis, le 27 novembre 2009, un titre de perception d'un montant total de 2 862 511 euros, dont 1 892 269 euros en principal et 970 242 euros d'intérêts à l'encontre de la SASU Unither Industries, qui avait acquis la société Creapharm Gannat, en 2005. Ce titre de perception a été annulé, le 11 mai 2010, après que la Commission, consultée par l'administration, a estimé que la cession de la société Creapharm Gannat n'avait pu transmettre au cessionnaire le bénéfice de l'aide. Le 26 janvier 2012, l'administration a émis un nouveau titre de perception, d'un montant total de 2 961 333 euros, dont 1 892 269 euros en principal et 1 069 064 euros d'intérêts, sur le fondement d'une nouvelle analyse de la Commission, laquelle a estimé que la SASU Unither Industries devait être regardée comme la bénéficiaire de l'aide octroyée à E-Pharma. Ce titre de perception a été annulé partiellement, le 5 juin 2012, l'administration ayant ramené le montant en principal à 543 607 euros et réduit les intérêts à 275 732 euros, après prise en compte des exceptions possibles à la décision d'incompatibilité du 16 décembre 2003. La SASU Unither Industries a payé la somme de 819 339 euros demandée, le 21 mai 2012. Par un arrêt n° 15DA01017 du 1er juin 2017, la cour administrative de Douai lui a accordé à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Le 6 octobre 2017, l'administration a émis un nouveau titre de perception portant sur une somme de 817 200 euros et lui a remboursé le trop-versé. Par un jugement du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la SASU Unither Industries tendant, à titre principal, à la restitution de la somme de 817 200 euros, payée en exécution du titre de perception du 6 octobre 2017 et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 273 593 euros en réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi suite à raison de fautes commises par l'Etat, avec les intérêts et la capitalisation des intérêts. Elle relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions aux fins de restitution, présentées à titre principal :
En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :
2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".
3. Devant le tribunal administratif, la SASU Unither Industries n'a pas contesté les vices propres du titre de perception en litige. Le moyen, soulevé pour la première fois en appel, tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, repose sur une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens de première instance et a ainsi le caractère d'une demande nouvelle, qui n'est pas recevable en appel. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la prescription :
4. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999, alors applicable : " 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. / 2. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le régime de récupération des aides d'Etat est entièrement régi par le règlement du 22 mars 1999 notamment en matière de détermination des délais de prescription.
5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir été interrompu par la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003, le délai de prescription de l'aide, octroyée sous forme d'exonérations, au titre des années 1999 et 2000, a été à nouveau interrompu et non pas suspendu comme le prétend la SASU Unither Industries par le recours en manquement, introduit par la Commission devant la Cour de justice des Communautés, le 23 avril 2000. Un nouveau délai de dix ans a commencé à courir à compter de l'intervention de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 novembre 2008. La SASU Unither Industries n'est donc pas fondée à soutenir que la créance de l'Etat à son égard, issue du titre de perception émis le 6 octobre 2017, serait prescrite. Le moyen tiré de la prescription de cette créance doit, ainsi, être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime et l'atteinte au droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
6. En vertu de la décision du 16 décembre 2003 de la Commission européenne estimant que le dispositif d'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés prévu par l'article 44 septies du code général des impôts en cas de reprise d'une entreprise industrielle en difficulté constituait en partie une aide d'Etat, instituée en violation de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, dont la validité n'a pas été contestée devant les juridictions de l'Union européenne, dans les conditions prévues par l'article 230 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les autorités nationales étaient tenues, ainsi qu'elles l'ont fait, de modifier l'article 44 septies du code général des impôts et de remettre à la charge des contribuables, dans les conditions prévues par le droit national, les exonérations d'impôt dont ils avaient irrégulièrement bénéficié.
7. La SASU Unither Industries soutient qu'en revenant, par le titre de perception du 6 octobre 2017, d'une part, sur l'annulation, prononcée le 11 mai 2010, d'un précédent titre de perception à la suite du revirement de l'analyse de la Commission Européenne sur sa situation, le 29 septembre 2011, et d'autre part, sur l'annulation prononcée par la Cour administrative d'appel de Douai du 1er juin 2017, l'administration a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime et porté atteinte à son droit de propriété garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne peuvent être utilement invoqués à l'égard d'un dispositif d'exonération prévu par le droit interne. Le principe d'espérance légitime et l'article premier du premier protocole additionnel ne peuvent être invoqués pour contester le bien-fondé de la créance de l'Etat dès lors que les autorités françaises sont tenues de récupérer auprès des bénéficiaires, les aides illégalement attribuées, sauf impossibilité absolue. Dans ses conditions, les autorités nationales étaient tenues de récupérer auprès des contribuables, dans les conditions prévues par le droit national, les aides dont ils avaient irrégulièrement bénéficiées, en reprenant régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. Les moyens soulevés par la société requérante sont ainsi inopérants et doivent être écartés.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de la Commission du 16 décembre 2003 :
8. La SASU Unither Industries soutient, en premier lieu, que les dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts n'ont pas instauré une aide d'Etat ayant un caractère sélectif, au sens du 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107 du traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne et, qu'en tout état de cause, cette aide est justifiée par la nature ou l'économie générale du système fiscal français.
9. Si l'exonération d'impôt, alors prévue par l'article 44 septies du code général des impôts n'était limitée ni géographiquement ni à certaines activités ou catégories d'entreprises, elle n'était pas, cependant, destinée à toutes les entreprises, dès lors qu'elle ne visait que les sociétés nouvellement créées pour reprendre l'activité industrielle d'entreprises en difficultés, dans le cadre d'une procédure collective, ou obtenant l'agrément du ministère des finances ou des collectivités locales, et ne concernait ainsi, dans les faits et à titre quasi exclusif, que les seules entreprises du secteur industriel. Par ailleurs, en se bornant à faire valoir que l'objectif de cette aide d'Etat était de " favoriser l'économie en son ensemble par la facilitation de la reprise d'entreprise en difficulté ", la société requérante ne démontre pas que cette mesure résultait directement de la nature ou l'économie générale du système fiscal français. Il suit de là que le moyen doit être écarté.
10. La SASU Unither Industries soutient, en deuxième lieu, que la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 est insuffisamment motivée, s'agissant des raisons qui l'ont conduite à estimer que le régime français d'aide à la reprise d'entreprises en difficulté affectait les échanges intracommunautaires. Toutefois, la Commission européenne a indiqué, au paragraphe 24 de sa décision que, selon les informations qui lui ont été communiquées par les autorités françaises, les entreprises bénéficiaires de ce régime d'aide appartenaient à des secteurs d'activité très différents, dont plusieurs étaient exposés à une vive concurrence au niveau communautaire, en particulier les chantiers navals, l'automobile, la chimie, le papier ou le textile et qu'ainsi, la mesure en cause affectait les échanges intracommunautaires et faussait ou menaçait de fausser la concurrence. Par suite, le moyen doit être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE : " Récupération de l'aide 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée " décision de récupération "). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire (...) ".
12. La SASU Unither Industries soutient que la Commission européenne, dans sa décision du 16 décembre 2003, n'était pas fondée à estimer que les seuls bénéficiaires effectifs des aides, redevables de l'obligation de restitution, étaient les entreprises bénéficiaires de l'exonération de l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt, dès lors qu'auraient aussi été bénéficiaires indirects de cette exonération les cédants d'actifs qui ont pu procéder à une majoration du prix de vente et les créanciers de la société qui fait l'objet de la procédure collective qui ont été à même de faire valoir leurs créances. Toutefois, elle n'apporte aucun élément précis et sérieux permettant d'établir de telles allégations, par suite, le moyen invoqué doit être écarté.
13. La SASU Unither Industries soutient, en quatrième lieu, que la décision du 16 décembre 2003 de la Commission européenne est entachée d'une erreur de droit dans l'identification des bénéficiaires de l'aide en estimant que les entreprises tenues au remboursement sont celles ayant repris les actifs des sociétés en liquidation judiciaire. Toutefois, la Commission européenne, dans sa décision du 16 décembre 2003, s'est bornée à désigner les entreprises ayant bénéficié des exonérations fiscales prévues par l'article 44 septies du code général des impôts en tant que bénéficiaires des aides, laissant à la France la charge de dresser une liste exhaustive de ces entreprises. Par suite, la décision de la Commission n'est pas entachée d'une erreur de droit, concernant l'identification des bénéficiaires de l'aide.
14. En cinquième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés au paragraphe 12, la société requérante n'établit aucunement que l'avantage dont ont bénéficié les entreprises, en application des dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts, devrait correspondre à la différence entre le montant de l'exonération autorisée par ledit article et le surcoût qui aurait été payé pour l'acquisition des actifs de la société en difficulté mais dont rien ne permet d'établir l'existence. Dès lors, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation commise par la Commission en retenant que l'avantage tiré de l'exonération en litige devait être l'exacte équivalence du montant de l'impôt dû et le moyen tiré d'une erreur dans le calcul du montant à récupérer par l'Etat français doivent être écartés.
En ce qui concerne le redevable de l'obligation de restitution :
15. Aux termes de l'article L. 236-3 du code de commerce, " I. - La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération ".
16. Il résulte de l'instruction que l'exonération d'impôt sur les sociétés instituée par l'article 44 septies du code général des impôts a bénéficié à la société E-Pharma, devenue société Creapharm Gannat, au titre des années 1999 et 2000. Les droits sociaux de la société Creapharm Gannat ont été acquis par la SASU Unither Industries, le 23 novembre 2005. Elle a conservé sa personnalité juridique, à la suite de cette acquisition, jusqu'à sa radiation au registre du commerce et des sociétés en 2008, à la suite de son absorption par la SASU Unither Industries. A supposer même qu'elle n'aurait pas conservé sa personnalité juridique après la cession en 2005 et n'aurait pas poursuivi son activité après son absorption par la SASU Unither Industries, comme elle le soutient, cette opération implique nécessairement que cette dernière société soit regardée comme ayant été la bénéficiaire de l'aide et donc la redevable de la restitution, dans la mesure où l'absorption implique, pour la société absorbante, la reprise de l'ensemble de l'actif et du passif de la société absorbée. Dans ces conditions, l'administration a pu en déduire, sans commettre ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, que la SASU Unither Industries, qui a repris l'ensemble de l'actif et du passif des sociétés absorbées, était tenue à l'obligation de restitution des aides perçues.
Sur les conclusions indemnitaires :
17. La SASU Unither Industries soutient que l'exécution tardive de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 par l'administration est constitutive d'une faute, dès lors qu'elle n'aurait pas été considérée comme la bénéficiaire effective de l'aide si la récupération était intervenue plus tôt et que le préjudice à réparer est équivalent à la totalité de la créance de restitution, subsidiairement à une somme correspondant au montant des intérêts communautaires mis à sa charge alors, en outre, que le titre de perception émis en 2009 a été annulé, qu'il en a été repris un en 2012, qui a été finalement réduit.
18. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'une décision de la Commission européenne demandant à un Etat membre le recouvrement d'une aide déclarée incompatible avec les dispositions du droit de l'Union européenne prohibant les aides d'Etat s'impose aux autorités comme aux juridictions nationales lorsque sa validité n'a pas été contestée dans le délai, devant les juridictions de l'Union européenne, par le bénéficiaire de l'aide. Par suite, la somme devant être acquittée par la société requérante, correspondant au montant de l'aide accordée, qui résulte uniquement de la décision de la Commission n° 2004/343/CE, en date du 16 décembre 2003, par laquelle cet avantage fiscal a été déclaré incompatible avec le régime des aides d'Etat, ne pouvait constituer un préjudice indemnisable, dès lors que l'Etat est tenu de procéder à la récupération de l'aide, en mettant à la charge du bénéficiaire une somme correspondant au montant de l'exonération d'impôt illégalement accordé. L'obligation de payer les intérêts communautaires résultant de l'application par l'Etat français de cette décision du 16 décembre 2003 et du règlement de la Commission n° 794/2004 du 21 avril 2004, elle ne saurait engager la responsabilité de l'Etat, dès lors que ces intérêts communautaires avaient pour seul objet de garantir l'effet utile du régime des aides d'Etat, en compensant l'avantage financier et concurrentiel procuré par l'aide illégale entre l'octroi de celle-ci et sa récupération, y compris en cas de retard de l'Etat à la récupérer.
19. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question en appréciation de la validité de la décision du 16 décembre 2003, d'une décision du 29 septembre 2011 de la Commission ou en interprétation de l'article 17 du règlement UE n° 2015/1589 du 13 juillet 2015, que la SASU Unither Industries n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution des sommes mises à sa charge et à la réparation des préjudices allégués doivent être rejetée ainsi que celles présentées au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de SASU Unither Industries est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASU Unither Industries et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY02718